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29 janvier : Je n'ai pas envie de quitter Haïti

, envoyée spéciale à Port-au-Prince – Les 28 heures de voyage pour rentrer à Paris ne sont pas de trop pour faire la transition entre la vie en France et la vie en Haïti. D'autant plus que je serais bien restée à Port-au-Prince, tant j'ai encore de choses à raconter...

Lorsque nous quittons l'hôtel où nous étions descendus, il ne reste que peu de journalistes à Port-au-Prince. L'heure de dire au revoir à nos fixeurs est venue. L'un d'eux, David, a l'air un peu morose. Il essuie discrètement une larme. C’est la première fois que je vois un Haïtien pleurer depuis le début de mon séjour. "C’est maintenant que je réalise. J’ai l’impression que ça vient juste d’arriver à mon cerveau", lâche-t-il. Il parle du "7,3" - surnom qu'il a donné au séisme.

Une petite larme, vite séchée. J’ai la gorge nouée. J’ai envie de rester, de raconter encore et encore le courage de ce peuple, la clairvoyance de ses jeunes, leur sourire, leur silence face à la souffrance. Leur générosité, aussi. Cet enfant qui m’a offert un bonbon en arrivant dans un camp. Ce bonbon que je n’ose pas avaler, toujours dans une poche de mon sac. Cette femme, qui me donne un morceau de pain alors qu’elle peine à survivre. Les poules qui traînent dans les camps mais que personne ne va manger, parce qu’ "on ne sait pas à qui elles appartiennent" et que "leur propriétaire risque d'en avoir besoin".

On m’avait dit de me préparer à affronter la violence, l’agressivité. Je reviens en France avec une toute autre vision d’Haïti. Je n’ai pas la prétention d’avoir tout vu, de tout connaître. Mais je crois que ce qu’on a appelé "pillages" dans nos journaux n'était, en fait, qu'un réflexe de survie. Vous et moi agirions de la même façon si nos enfants, nos amis, nous-mêmes, risquions de mourir de faim et de soif. Après coup, le mot "pillages" me choque, me révolte.

Maintenant, je dois raconter tout ça autour de moi pour faire changer l'image que nous avons d’Haïti.