logo

Comment les États tentent de lutter contre l'addiction des jeunes aux réseaux sociaux
Avec son projet de loi interdisant l’accès des réseaux sociaux aux enfants de moins de 16 ans, l’Australie a rejoint cette semaine les rangs des États qui s’attaquent à l’addiction numérique des plus jeunes. Plusieurs ont déjà essayé de légiférer sur la question, en envisageant des amendes, un couvre-feu... Tour d'horizon de ces mesures.

Des enfants accros et des parents inquiets. En France, en principe, l'inscription sur les réseaux sociaux est interdite avant l'âge de 13 ans et pour les 13-15 ans, le consentement des parents est requis. Il reste toutefois très simple de contourner cette restriction, en falsifiant sa date de naissance ou en empruntant le smartphone d'un tiers. Un grand nombre d'adolescents accèdent ainsi aux contenus des réseaux sociaux. Et cela à un âge de plus en plus précoce.

Dans le même temps, plusieurs études soulignent l'impact négatif de ces plateformes. La dernière en date, un rapport commandé par le gouvernement fin avril à une commission d’experts, préconise de n’autoriser le téléphone portable qu’à partir de 11 ans et déconseille le smartphone avant 13 ans, ainsi que l'accès aux réseaux sociaux avant 15 ans, dont la commission souligne le "caractère addictogène". D’après ce même rapport, 35 % des 7-12 ans et 89 % des 13-18 ans possèdent déjà leurs propres smartphones.

L’Australie a choisi d'aller encore plus loin que la législation française en fixant entre 14 et 16 ans l'âge minimal pour utiliser les réseaux sociaux, selon un projet de loi qui entrera en vigueur cette année. Cette décision a été annoncée, mardi 10 septembre, par le Premier ministre Anthony Albanese. Et l'Australie devient ainsi l’un des premiers pays au monde à imposer une restriction d'âge aussi poussée pour accéder aux réseaux sociaux.

Qualifiant ces plateformes de "fléau" pour les jeunes, Anthony Albanese a affirmé qu’un test de vérification d'âge à la connexion sera mené dans les prochains mois, avant que le texte n'entre en vigueur. Les analystes estiment cependant que la limite d'âge reste difficile à contrôler. D'après Toby Murray, professeur associé d'informatique et de technologies de l'information à l'université de Melbourne, il n'est même pas certain que les moyens techniques pour appliquer une telle restriction existent à ce jour. "Le gouvernement est en train d'essayer une technologie de vérification de l'âge. Mais on sait déjà que les méthodes actuelles ne sont pas fiables, trop faciles à contourner ou risquées pour la vie privée des utilisateurs", souligne-t-il.

La France et l’Australie ne sont pas les seuls pays à s’inquiéter de l’utilisation croissante des écrans, et plus particulièrement des réseaux sociaux par les enfants. Plusieurs autres pays ont adopté des mesures. Petit tour d’horizon des initiatives.

L’Espagne fixe à 16 ans l'âge minimal pour les réseaux

En Espagne, le Conseil des ministres a approuvé en juin un projet de loi fixant l’âge minimal pour accéder aux réseaux sociaux à 16 ans. Sur le territoire espagnol, l’autorisation des parents sera désormais nécessaire pour pouvoir créer un compte et se connecter à TikTok, Instagram ou sur X. L'Agence espagnole de protection des données (AEPD) a annoncé travailler sur le développement d’un système d'identification visant à empêcher les mineurs de contourner la vérification de l'âge lors de la création de leurs comptes.

50 000 dollars d'amende en Floride

Aux États-Unis, les adolescents de moins de 14 ans n’ont plus le droit de scroller en Floride sur les réseaux sociaux depuis une loi adoptée en mars 2024. Le texte signé par le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, s’attaque à la responsabilité des plateformes en prévoyant une lourde amende de 50 000 dollars si ces entreprises enfreignent la loi "en connaissance de cause ou par imprudence". Entre 14 et 15 ans, les adolescents peuvent s’inscrire avec l’accord parental, et librement à partir de 16 ans.

Les États de l'Utah et de l'Arkansas restreignent aussi l'accès des enfants aux réseaux sociaux. Et à l’échelle fédérale, un projet de loi fixant à 13 ans l'âge minimum pour s’inscrire sur les plateformes a été approuvé en juillet par le Sénat, mais il doit encore être voté par la Chambre des représentants.

Un couvre-feu numérique pour les mineurs en Chine

La Chine est la championne du monde de la lutte contre l’addiction aux réseaux sociaux. Le pays prend très au sérieux le rapport aux écrans de sa jeunesse, ce qui lui permet dans le même temps d’opérer un contrôle politique supplémentaire sur sa population et sur les entreprises du secteur.

Si il n'y a pas d'âge minimum imposé pour l'inscription sur les réseaux sociaux, le gouvernement chinois interdit depuis 2023 l’accès d’Internet aux moins de 18 ans entre 22h et 6h du matin. Cette législation dite "anti-addiction" et "anti-myopie" limite aussi leur temps de connexion de 40 minutes à deux heures par jour selon leur âge. Pour les moins de 13 ans, l'accès à Internet doit être approuvé par les parents, qui valident la connexion à l'aide de codes délivrés pour des sessions de 30 minutes.

L’application chinoise TikTok n’est pas exempte, puisqu’elle ne peut être utilisée que 40 minutes par jour pour les moins de 14 ans. Quant aux jeux vidéo en ligne, ils sont aussi restreints à trois heures par semaine.

Une "loi symbolique" à Taïwan

En 2015, avant même l’apparition de Tiktok et l’utilisation croissante des applications du genre chez les adolescents, Taïwan avait tenté de diminuer le temps passé par les mineurs devant les écrans, en votant une loi symbolique. Celle-ci prévoyait une amende de 1 500 dollars pour les parents qui laisseraient leurs enfants "dépasser une durée raisonnable".

Une législation peu appliquée dans les faits, malgré des cas de dénonciation. La plupart du temps, elles provenaient de grands-parents démunis après avoir observé l’addiction chez leurs petits-enfants, selon le quotidien Taipei Times. Mais en raison de la difficulté à prouver ces violations, aucune amende n’a pu être infligée. Le ministre taïwanais de la Santé, à l’origine du texte, avait fini par reconnaitre que cette loi se voulait avant tout symbolique.

La piste d'une "pause numérique"

À défaut de loi, ces derniers mois ont vu émerger plusieurs initiatives qui appellent à mettre le smartphone en pause. À l’image de plusieurs municipalités du Japon qui ont décidé d’équiper les écoliers de leurs communes de téléphone sans accès à Internet. Ces portables permettent aux enfants de joindre uniquement les numéros d’urgence et une liste de contacts validés par les parents, rapporte France info.

En France, l’idée d’éloigner les smartphones séduit aussi. Lors de la conférence de presse de rentrée du 27 août, la ministre de l'Éducation démissionnaire Nicole Belloubet a annoncé l'instauration d'une "pause numérique", expérimentée dans 199 collèges avant d'être généralisée en 2025. Si en France, la loi interdit déjà l'utilisation des smartphones dans les écoles et collèges, chaque établissement déterminait les modalités pratiques la mettre en œuvre. Le nouveau dispositif "consiste en une mise à l’écart du téléphone portable des élèves", qui devront le déposer dans un casier en arrivant, pour ne le récupérer qu'en quittant l'établissement. Le nouveau Premier ministre Michel Barnier ne s’est pas encore prononcé sur cette question.

En attendant, plusieurs associations se sont déjà saisies du problème. Le collectif Cose (Collectif surexposition écrans) a lancé en 2023 l'opération "10 jours sans écran". Près de 500 établissement scolaires y ont participé, soit 75 000 élèves qui ont accepté de ranger les téléphones et de tenir un carnet de bord, preuve que la prise de conscience et la volonté d’agir est forte.

Avec AFP