Sur le bord du chemin, les spectateurs scandent leurs prénoms : "Nadia ! Nolwenn ! Dominique ! Kévin ! Samia ! Florian !" Ce sont les héros du jour. Avec fierté, ils se repassent la flamme paralympique, mardi 27 août, dans le cadre d'un relais collectif au sein du Centre national des sports de la défense (CNSD), un complexe des Armées, à Fontainebleau. Alignés, personnes valides et personnes en situation de handicap ne forment qu'une seule et même chaîne.
"C'est super, c'est super !", ne cesse de répéter Claudio Ye, vêtu de la désormais célèbre tenue des relayeurs, la même que celle utilisée lors du passage de la flamme olympique. "C'est une fois dans notre vie", ajoute sa partenaire Maëlle Le Padellec, tout en s'excusant de ne pas trouver les bons mots pour exprimer son émotion.
Ces deux jeunes âgés d'une vingtaine d'années souffrent d'un handicap psychique. En raison de leur passion pour ce sport, ils ont été sélectionnés par le comité de la flamme pour participer à cet événement aux côtés de certains de leurs moniteurs qui les épaulent au quotidien au sein d'un Esat, un établissement social d'aide par le travail, situé dans le 16e arrondissement de Paris.
"Je ne pensais pas faire cela un jour. On fait partie de la grande histoire aujourd'hui", explique Valérie Chevalier, l'une des accompagnatrices. "On est là pour la même chose. Cela fédère et nous permet d'avancer et de faire en sorte que ce soit moins considéré comme une tare d’être handicapé."
Après avoir été allumée samedi à Stoke Mandeville en Grande-Bretagne, berceau historique des Jeux paralympiques, la flamme a commencé son parcours en traversant la mer via la voie de service du tunnel sous la Manche.
Douze torches ont brillé pendant quatre jours à travers l'Hexagone avant de converger mercredi vers Paris et la vasque olympique, logée au cœur du jardin des Tuileries. Ce parcours connaît le même succès que la flamme olympique alors que la France accueille pour la première fois de son histoire les Jeux paralympiques.
"Les mentalités changent"
De ville en ville, des personnalités ou de simples anonymes se sont succédé pour relancer la ferveur après l'immense engouement des JO. Le relais est une immense fête, mais aussi un formidable coup de projecteur sur l'univers du handicap. À Fontainebleau, deux frères, devenus des figures emblématiques, ont ainsi été choisis pour participer au relais. "Aujourd'hui, c'est toi la star", lance Valentin Francavilla en regardant avec fierté et beaucoup d'amour son cadet Théophile.
Depuis 11 ans, ce tandem handi-valide a révolutionné le monde du handisport. Alors que Théophile est né polyhandicapé, son aîné a décidé de l'accompagner à travers le sport. Ils se sont spécialisés dans la très difficile discipline de l'Ironman, un triathlon de l’extrême durant lequel les participants enchaînent 3,8 km de natation, 180,2 km de cyclisme, puis un marathon.
"Quand on a commencé, on était les seuls. Maintenant, la participation de personnes handicapées est incluse dans le règlement des épreuves. Les mentalités changent", décrit Valentin. "Ce sont des êtres humains comme nous. Au départ, Théophile était très renfermé. Il n'avait pas du tout de lien social. Aujourd'hui, il a beaucoup changé, même en terme de physique".
"Une place à part entière dans la société"
À son niveau, Michel Boudon a lui aussi fait bouger les lignes. Amputé des deux jambes après un accident de moto, il est devenu le premier français en fauteuil roulant à décrocher une ceinture noire de judo en 2009. Un parcours d'exception qui lui a permis d'être sélectionné pour le relais de la flamme.
"Quand j'ai su que j'allais y participer la semaine dernière, je n'y croyais pas. J'étais super excité car c'est un grand honneur", confie-t-il. Depuis des années, il œuvre pour transmettre sa passion du parajudo et pour changer le regard sur les personnes handicapées. "Quand ils sont dans mon dojo, ce ne sont pas des personnes à mobilité réduite, mais ce sont des pratiquants", insiste-t-il.
Tous les participants à ce relais espèrent que les Jeux paralympiques qui débutent le 28 août seront un formidable outil d'inclusion. "Cela va changer le regard en France bien sûr, mais également aux yeux du monde où les personnes en situation de handicap commencent à avoir une place à part entière dans la société. Il faut montrer que tout est possible et qu'ils peuvent vivre dans la société comme n’importe quelle personne", souligne ainsi Valérie Chevalier, tout en pointant du doigt "le manque de places dans les infrastructures censées les accueillir".
Valentin Francavilla déplore aussi "un manque de soutien financier". Le champion souhaite également que les enfants en situation de handicap "soient pris en charge plus tôt pour pouvoir faire du sport". Michel Boudon abonde dans le même sens. Pour lui, la priorité est de "former tous les enseignants à la compréhension du handicap".
En attendant de poursuivre ce combat citoyen, le parajudoka va suivre avec attention les épreuves paralympiques. "On a de beaux pions en équipe de France. Après le succès des judokas aux JO, on va aussi avoir de belles médailles", annonce-t-il.
Maëlle Le Padellec et Claudio Ye seront aussi aux premières loges pour suivre la compétition. Après avoir participé au relais, ils assisteront au para athlétisme au stade de France ou encore au cécifoot sous la Tour Eiffel. "Nous leur avons même organisé une fanzone au sein de l'Esat. Ils n'ont manqué aucune épreuve des JO", ajoute Valérie Chevalier. "C'est que de la joie !"