Il est 8 h ce mardi 23 avril, le port de Concarneau est encore endormi. Dans la fraîcheur matinale, Olivier Sanz, directeur adjoint de l’école de voile des Glénans, tongs aux pieds et bonnet vissé sur la tête, prépare son Zodiac. Direction l’archipel des Glénan. "La mer est calme ce matin, une chance", annonce-t-il. La traversée dure une demi-heure. Le Zodiac accoste sur une des îles de l’archipel où se trouve une partie de l’école de voile, l’île de Penfret. La couleur turquoise de l’eau et le sable blanc frappent dès l'arrivée. "L’archipel est surnommé 'les Caraïbes bretonnes', ce n’est pas pour rien !", lâche fièrement Olivier Sanz, debout sur son bateau.

C’est dans ce cadre exceptionnel que l’école de voile accueille des stagiaires depuis 1947. Créée par Hélène et Philippe Viannay, un couple d’anciens résistants, cette association reconnue d'utilité publique avait pour but d’aider les anciens résistants à réintégrer la vie civile. "La plaisance, la navigation de plaisir est née avec l’école des Glénans. Elle a vraiment démocratisé cette activité en France", explique Olivier Sanz, qui y travaille depuis 1998.

La voile, un sport élitiste

Croisière, dériveur, catamaran, planche à voile, windfoil… Aujourd’hui, l’école des Glénans est une référence dans le domaine de l’apprentissage de la voile. Chaque année, elle accueille environ 15 000 stagiaires, du débutant au marin expérimenté. "Depuis sa création, la mission des Glénans est de rendre la voile et le milieu maritime accessibles à tous", affirme le directeur adjoint.

Malgré cela, la voile reste un sport plutôt élitiste. Les stages sont souvent hors de prix pour bon nombre de Français – aux Glénans, il faut compter au moins 600 à 700 euros la semaine pour un stage en catamaran ou dériveur – et nécessitent du matériel de qualité. Olivier Sanz le reconnaît : "On ne va pas dire que l'accessibilité de la voile est la même que celle du foot, par exemple. Donc ça veut dire qu'il y a encore du travail à faire, ne serait-ce qu'au niveau tarification. Mais on s'y attelle."

Selon une étude de l’Insee, la Bretagne possédait 39 400 licenciés en voile en 2022, loin derrière le football avec ses 147 000 licenciés.

"Tu as l’impression d’être le roi du monde"

Amandine, 22 ans, fait partie des privilégiés. "Je viens ici depuis que j’ai 14 ans", raconte-t-elle. "C’est mon papa qui venait ici quand il était jeune. Un jour, il m’a proposé un stage, j’ai essayé et j’ai adoré ! Ensuite, mes deux sœurs ont rejoint l’aventure. C’est une histoire familiale." Après avoir fait ses armes sur différents supports, dont le voilier habitable et le catamaran, elle a décidé de passer son monitorat de planche à voile cette année. "Ce que j’aime dans la pratique de la voile, c’est le rapport à la nature et aux éléments. Je trouve ça tellement cool de savoir qu'on pratique un sport grâce à la mer et au vent", s’enthousiasme l'étudiante à Montpellier. "En planche à voile, il y a vraiment beaucoup d’adrénaline. On a une sensation de liberté et de vitesse. Tu as l’impression d’être le roi du monde", décrit-elle, toute souriante.

Comme Amandine, la plupart des moniteurs ou apprentis moniteurs de l’école sont passés par le cursus de stagiaire. "À chaque fois que j’ai aimé un stage, c'est notamment grâce au moniteur ou à la monitrice qui m’a partagé sa passion, ses connaissances. Moi aussi, je veux faire partie de l’école de voile, je veux faire rêver les jeunes et leur transmettre cette passion et cet amour pour les Glénans et pour la voile en général."

Une école de la vie

Plus qu’une école de voile, Les Glénans est une école de la vie. Entraide, partage, autonomie sont des valeurs fondamentales sur la base. Les moniteurs qui viennent ici sont bénévoles. Chaque jour, des équipes de stagiaires se relaient pour la préparation des repas, le lavage des assiettes ou encore le nettoyage des douches. "Moi, ce que j'aime particulièrement ici, c'est l'esprit de communauté", confie Amandine. Mon moment préféré de la journée, c’est le retour des bateaux sur la plage, quand tout le monde est là pour se donner des coups de mains pour remonter le matériel, ça fait du bien." Les repas se font à l'extérieur, sur de grandes tables en bois, et l’été, les stagiaires dorment sous des tentes pouvant accueillir une dizaine de lits de camp. Un confort sommaire qui permet de se reconnecter à la nature, à l'essentiel.

Le respect de l’environnement est d’ailleurs au cœur de l’enseignement. Ici, tri des déchets, panneaux solaires et toilettes sèches font partie du quotidien. "Je pense que l'école de voile participe à la préservation des lieux, confie Olivier Sanz. On accueille du monde, mais dans certaines conditions. On éduque nos publics, on leur explique pourquoi c’est important de préserver les lieux."

En près de 80 ans d’existence, l'école des Glénans a formé plusieurs générations d’amoureux de la voile et réussi un pari : celui de "créer du lien par la mer".