La contestation étudiante ne faiblit pas au Bangladesh, où un appel à la mobilisation a été très suivi jeudi dans la capitale Dacca, avant de nouvelles manifestations et des affrontements dans le pays, qui ont fait au moins 39 morts en trois jours. Des manifestants ont mis le feu au siège de la principale chaîne de télévision publique du pays, BTV, et de "nombreuses personnes" ont été prises au piège à l'intérieur des bureaux, a indiqué la chaîne.
La pression ne redescend pas. Les affrontements au Bangladesh entre forces de l'ordre et étudiants, qui manifestent contre un système de quotas d'embauche dans la fonction publique, ont fait 39 morts, dont un journaliste, selon un nouveau bilan établi jeudi 18 juillet, jour où le siège de la télévision d'État a été incendié.
La chaîne de télévision privée Independent Television a rapporté vendredi que 702 personnes avaient été blessées au cours de ces heurts entre la police et les manifestants, dont 104 policiers et 30 journalistes.
"Des mécréants ont déjà incendié, vandalisé et mené des activités destructrices" contre les bureaux de la télévision d'État BTV et l'agence nationale de gestion des catastrophes, ainsi que contre des édifices de la police et du gouvernement, précise le communiqué.
Le communiqué a été publié jeudi soir, après une coupure "quasi totale" d'internet à travers tout le pays.
Des centaines de manifestants ont débordé la police anti-émeute, qui leur avait tiré dessus avec des balles en caoutchouc, et ont pourchassé les policiers qui se sont réfugiés au siège de la chaîne BTV à Dacca, la capitale.
La foule en colère a ensuite incendié le bâtiment d'accueil de la chaîne et des dizaines de véhicules garés à l'extérieur, a déclaré à l'AFP un responsable de BTV sous couvert d'anonymat.
"De nombreuses personnes sont coincées à l'intérieur", a déclaré la chaîne ajoutant que "l'incendie catastrophique" se propageait rapidement.
Le gouvernement, qui avait ordonné en début de semaine la fermeture sine die des écoles et des universités, a intensifié ses efforts pour faire face à des semaines de manifestation réclamant l'égalité d'accès aux emplois du secteur public.
Gaz lacrymo et balles en caoutchouc
La Première ministre Sheikh Hasina a condamné mercredi le "meurtre" commis par des manifestants dans un discours télévisé et a promis que les responsables seraient punis quelles que soient leurs affiliations politiques.
Mais ceci n'a pas suffi. La violence s'est aggravée alors que la police tentait à nouveau de disperser les manifestations avec des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes.
Au moins 32 personnes, dont un journaliste, ont été tuées jeudi, en plus des sept morts signalés plus tôt dans la semaine, selon un décompte des hôpitaux établi par l'AFP, avec des centaines de blessés supplémentaires.
Les armes "non létales" de la police sont à l'origine de plus des deux tiers de ces décès, selon les descriptions fournies à l'AFP par les hôpitaux.
De nouveaux affrontements ont éclaté dans plusieurs villes alors que la police anti-émeute chargeait les manifestants, qui ont entamé une série de barrages humains sur les routes et les autoroutes.
La police a blessé des dizaines d'étudiants en tirant des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes sur une foule de plus de mille personnes rassemblées dans la plus grande université privée à Dacca.
L'Université canadienne, théâtre de violents affrontements
Des hélicoptères ont secouru jeudi 60 policiers coincés sur le toit d'un campus de l'Université canadienne, théâtre de violents affrontements dans la capitale, a indiqué dans un communiqué le Bataillon d'action rapide.
Les dépouilles de trois étudiants et d'un chauffeur de pousse-pousse ont été transportées dans un hôpital de Dacca. "Ils ont été blessés par des balles en caoutchouc", a déclaré à l'AFP la directrice adjointe de l'hôpital Kuwait Moitri, Mahfuz Ara Begum. "Plus de 150 étudiants sont également soignés ici. La plupart ont été touchés par des balles en caoutchouc aux yeux", a-t-elle ajouté.
D'autres hôpitaux ont fait état auprès de l'AFP d'un total de sept autres décès jeudi dont cinq à Dacca et deux dans les villes voisines. Sept autres personnes ont été tuées en début de semaine.
Le mouvement entamé le 1er juillet par un blocage des principaux axes routiers et ferroviaires a dégénéré en heurts meurtriers entre les étudiants d'un côté, les forces de l'ordre ou les partisans du pouvoir de l'autre.
Le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, a appelé toutes les parties à la retenue. "Nous exhortons le gouvernement à garantir un environnement propice au dialogue. Et nous encourageons les manifestants à engager le dialogue pour sortir de l'impasse", a-t-il déclaré aux journalistes. "La violence n'est jamais une solution."
Contre "la désinformation"
"Les données en temps réel montrent que le Bangladesh est actuellement touché par une coupure quasi-totale d'internet", a fait savoir NetBlocks sur X. Selon cette organisation, cela "fait suite à des efforts antérieurs visant à étrangler les médias sociaux et à restreindre les services de données mobiles", des outils de communication clés pour les organisateurs de manifestations.
Les sites en ligne des ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères, ainsi que ceux des journaux Dhaka Tribune et Daily Star, n'étaient pas disponibles jeudi soir.
Le ministre adjoint des Télécommunications, Zunaid Ahmed Palak, a déclaré à l'AFP que le gouvernement avait ordonné la coupure du réseau pour éviter "des rumeurs, des mensonges et de la désinformation".
Parallèlement à la répression policière, les manifestants et les étudiants affiliés à la Ligue Awami, le parti au pouvoir dont est issue la Première ministre Sheikh Hasina, se sont également affrontés dans les rues à coups de briques et de tiges de bambou.
Sheikh Hasina n'a pas attribué la responsabilité de ces décès, mais les descriptions des autorités hospitalières et des étudiants suggèrent qu'au moins certaines de ces victimes sont mortes lorsque la police a fait usage de ses armes "non létales".
Amnesty International a déclaré que des preuves vidéo des affrontements de cette semaine montraient que les forces de sécurité bangladaises avaient eu recours illégalement à la force.
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Accepter Gérer mes choixLes affrontements de la nuit ont notamment eu lieu dans la banlieue de Dacca entre la police et plus de 1 000 manifestants qui ont incendié un poste de péage en bord de route. "Nous avons passé toute la nuit à repousser les attaques des manifestants", a déclaré à l'AFP le commissaire adjoint de la police, Iqbal Hossain.
Les manifestations quasi-quotidiennes exigent la fin du système de quotas qui, selon les opposants, profite aux enfants des groupes soutenant Sheikh Hasina, 76 ans, qui dirige le pays depuis 2009.
Avec AFP