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Un voile gris recouvre le soleil dans le ciel de Livarot dimanche 19 mai. La ville normande est habituellement connue pour son fromage éponyme, mais il n’est pas question de gastronomie ce matin. C’est l’un des derniers matchs de la saison pour l’équipe locale des vétérans.
Presque tous les joueurs sont déjà là à 9 h tapantes alors que la rencontre contre le FC Moyaux ne commence que dans une heure. "C’est toujours comme ça, les gars ont l’habitude de se réunir pour boire un café au ‘club-house’ (le local-buvette en bois à côté du terrain de football, NDLR) avant le match", explique Joël, président de l’ES Livarotaise depuis un an et demi.
Les joueurs ne manqueraient pour rien au monde ce moment de convivialité entre copains le dimanche – comme près de deux millions de Français chaque week-end. “C'est sympa d'être tous ensemble. On est là pour s'amuser, dans une ambiance de bande de potes que ce soit le jeudi (le jour de l’entraînement, NDLR) ou le dimanche, et après on va boire des coups", explique Vincent, un joueur de l’équipe.

À la buvette ou dans les vestiaires, la bonne ambiance est en effet au rendez-vous au stade Pierre-Piquet. Pendant que les joueurs se changent, les blagues fusent de part et d’autre alors que l’odeur du gel de massage musculaire embaume peu à peu la pièce. “Ça sent fort la pommade en vétéran”, plaisante “Will” en enfilant ses chaussettes. Au milieu des sacs de sport étalés sur le carrelage, chacun saisit son maillot et enfile ses protège-tibias avant d’aller sur le terrain.
Direction le rectangle vert pour les Livarotais à un quart d’heure du coup d’envoi. Les joueurs se mettent en jambe avec une passe à dix, tandis que d’autres joueurs échauffent le gardien avec quelques frappes – pas toujours cadrées. Début de match imminent. “Manu”, le capitaine de l’équipe et pur produit du cru, explique que l’essentiel aujourd’hui ne sera pas la victoire : "Ce que je transmets comme valeur en tant que capitaine, c'est ‘on prend du plaisir et on se fait plaisir’. C’est ça le plus important, on s’en fout du score".

Bon esprit sur le terrain sous l’œil attentif de “Cocotte”
Un coup de sifflet retentit au centre de la pelouse à 10 heures. Le match débute, il sera arbitré par le fils de Vincent. Ses assistants en bord de terrain sont aussi des locaux choisis avec l’assentiment de l’entraîneur du club adverse. Arbitrage maison donc, mais c’est souvent de rigueur dans les matches de football amateur, des petites mains essentielles au bon déroulement des rencontres dominicales.
“T’es seul !”, “Prends le temps pour donner la balle”, “Faites tourner, bien joué”... Les joueurs livarotais donnent de la voix, alternant entre encouragements et conseils entre eux. Dans le jeu, le spectacle est intermittent, et des contrôles douteux succèdent parfois à des passes précises.
La rencontre se déroule dans un bon état d’esprit à tous points de vue. L’adversaire du jour n’est venu qu’avec onze joueurs et l’un d’eux se blesse rapidement. Qu’importe, l’ES Livarotaise prête un des siens au FC Moyaux pour que le match soit équitable. “C’est aussi ça la bonne ambiance entre nous”, réagit un joueur livarotais assis sur le banc des remplaçants.

“Te jette pas ‘Moustache’ !” Les locaux ont le match en main mais ne parviennent pas à trouver le chemin des filets durant le premier acte. À la mi-temps, l’équipe débriefe la première période et peaufine les détails pour prendre l’avantage dans le second acte. “Je vais avoir du mal à reprendre”, s’exclame Vincent. “Parce que t’as joué ?”, le chambre aussitôt le gardien de but.
Le match reprend. Le soleil commence à prendre ses quartiers au-dessus du stade Pierre-Piquet, contrairement aux spectateurs en bord de terrain. Il n’y a pas foule, mais l’ES Livarotaise peut toujours compter sur la présence de “Cocotte”. Michel, de son vrai prénom, est depuis des décennies la mascotte du club.
“Cocotte” a porté les couleurs du club local quand il était jeune. Puis il a raccroché les crampons. Et maintenant, il supporte inconditionnellement le club de Livarot “depuis plus de 50 ans”, autant à domicile qu’à l’extérieur : “On est trois copains à se déplacer, chaque dimanche l’un d’entre nous prend sa voiture et emmène les deux autres. Vous savez, c’est pour économiser le diesel, au prix que ça coûte maintenant”, explique-t-il.

Pénalty litigieux et troisième mi-temps
Concernant le match du jour, “Cocotte” garde espoir : “Pour le moment on domine, mais ça ne marque pas, il nous manque juste un petit but.” Son vœu est exaucé peu après : “Will” est fauché par un joueur adverse, l’arbitre maison désigne le point de pénalty. Les joueurs du FC Moyaux protestent gentiment, pour eux c’était un coup-franc. “Moustache” ne laisse pas passer l’occasion et donne l’avantage à l’ES Livarotaise (1-0).
“Mika”, un autre joueur, a l’occasion du 2-0 seul face au gardien adverse, mais il tire le ballon hors du cadre. Pas grave, les Livarotais ont gagné, et surtout le bon esprit a triomphé. “Gérer les affaires courantes du club, cela permet d’avoir des moments de camaraderie comme aujourd’hui”, se félicite Joël.
Ces moments de bonne ambiance auraient du mal à exister sans une gestion de l’ombre pour que continue d’exister l’ES Livarotaise, comme l’explique le président : “Pour faire perdurer le club, il faut éviter qu’il y ait des trous générationnels, des jeunes aux vétérans (le club a des équipes U13, U15 et U18, NDLR). C’est très compliqué à mettre en place et c’est fragile : un mauvais fonctionnement et des mauvaises décisions peuvent rapidement faire partir les joueurs dans d’autres clubs.”

Les vétérans de l’ES Livarotaise, eux, ne sont pas encore partis. Dans les vestiaires, ils entonnent un “cri de guerre” sur l’air de Bella Ciao après la victoire du jour : “Encore une fois, Livarot vaincra, ô belle étoile, belle étoile, belle étoile, toile, toile, et jusqu’au dernier, dernier match de l’année, on nous entendra chanter.”
L'odeur de pommade a laissé place à celle de la transpiration. Après la douche, tout le monde se retrouve au club-house, là où la matinée a commencé avec un café. Place aux bières et aux sandwichs maintenant, l'heure sacrée de la troisième mi-temps est venue ! Quand on lui demande ce que représente cet après-match, “Will” répond en riant : “Ben nous on n’aime pas le foot, le moment de la buvette c’est le plus important.”
