L'élection d'un président ou d'une présidente de l'Assemblée nationale par les députés nouvellement élus aura lieu jeudi après-midi, à l'ouverture de la 17e législature. Un scrutin à enjeu qui permettra de déterminer le rapport de force entre les trois principaux blocs représentés dans l'hémicycle. France 24 vous dit ce qu'il faut savoir de ce scrutin.
Rarement l'élection à la présidence de l'Assemblée nationale n'aura été aussi incertaine. Les 577 députés français se réunissent jeudi 18 juillet pour élire la personne qui succédera à Yaël Braun-Pivet, titulaire du perchoir ces deux dernières années. Une bataille parlementaire qui s’annonce ardue dans un Palais Bourbon composé de trois blocs – Nouveau Front populaire (NFP), Ensemble pour la République (camp présidentiel) et Rassemblement national (RN) –, pour l’heure chacun minoritaire.
"Dans ce contexte où le président est affaibli après les législatives, le rôle du ou de la présidente de l'Assemblée nationale devient plus crucial que jamais", analyse Mathilde Philip-Gay, professeure de droit public à l'université Jean Moulin Lyon 3, spécialisée en droit constitutionnel. Chargé de représenter les députés, le ou la présidente de l’Assemblée occupe la quatrième place dans l’ordre protocolaire, après le président de la République, le Premier ministre et le président du Sénat.
Qui sont les candidats déclarés ? Comment se déroule ce rituel démocratique, si crucial pour l'avenir du pays ? Et quel est le rôle du président de l’Assemblée ? Éléments de réponse.
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Un scrutin en trois tours maximum
L'élection du président ou de la présidente de l'Assemblée nationale se déroule lors de la première séance publique de la nouvelle législature, fixée au 18 juillet, à 15 h. Au cours de cette première séance, le doyen des députés préside l’Assemblée, assisté des six plus jeunes députés.
La séance sera ainsi présidée, comme en 2022, par le député réélu du RN José Gonzalez, 81 ans. Il sera secondé par les benjamins de l’hémicycle, tous âgés de 22 à 24 ans : les députés du RN Flavien Termet, Théo Bernhardt et Auguste Evrard, la députée RN-Les Républicains (LR) Hanane Mansouri et les élus de gauche Louis Boyard et Hugo Prevost. Pour voter, chacun des 577 députés dépose un bulletin secret en se rendant à la tribune.
"Si la majorité absolue des suffrages exprimés n'est pas acquise aux deux premiers tours, un troisième tour à la majorité relative est organisé", détaille Mathilde Philip-Gay. "Il est plutôt inhabituel d'avoir recours à un troisième tour dans la Ve République. Mais compte tenu de la configuration exceptionnelle de la nouvelle Assemblée avec trois groupes de taille similaire, cela sera probablement nécessaire."
Autres règles de ce scrutin : les candidats peuvent rester en lice pour les trois tours, et un député non candidat au premier tour peut l'être au deuxième ou au troisième, rendant cette élection imprévisible. En cas d'égalité de suffrages au troisième tour, le candidat le plus âgé est déclaré élu.
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Trois candidats déclarés pour l’instant
Le camp qui parviendra à s'emparer du fauteuil présidentiel marquera un point décisif pour Matignon. Au 16 juillet, seuls trois candidats se sont officiellement déclarés. À commencer par la présidente sortante, Yaël Braun-Pivet, qui entend conserver son siège en obtenant une majorité grâce au soutien des LR, dont le groupe à l'Assemblée s'appelle désormais La Droite républicaine. "Je pense qu'on va tomber d'accord avec Yaël Braun-Pivet pour bloquer la gauche", a confié à l’AFP un député LR sous couvert d'anonymat.
Le centriste Charles de Courson, 72 ans, s'est également porté candidat. Cet ex-représentant du groupe indépendant Liot, qui s’est farouchement opposé à la réforme des retraites, a promis, s’il est élu, d'être le "garant (du) bon fonctionnement" de l'Assemblée dans cette "période inédite et chaotique". Annie Genevard, députée LR du Doubs, a également annoncé sa candidature, sous réserve de l'approbation de son groupe parlementaire. "J'ai exercé pendant un mandat les fonctions de première vice-présidente et tous les groupes ont salué ma gestion de l'hémicycle", a-t-elle souligné lundi.
Du côté de la coalition de gauche, les insoumis, les socialistes, les écologistes et les communistes se sont entendus lundi soir sur le principe d'une candidature unique, sans toutefois donner un nom. Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère réélue mardi à la tête du groupe écologiste, s'est présentée comme une candidate "possible" du Nouveau Front populaire pour ce poste.
D'autres noms circulent, tels que Naïma Moutchou (Horizons, parti de l'ancien Premier ministre Édouard Philippe) ou Geneviève Darrieussecq (MoDem). Le RN, quant à lui, n'a pas encore révélé son candidat.
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Prestige et pouvoir réel
Élue pour la durée de la législature – théoriquement de cinq ans –, la personne qui occupe le perchoir a pour mission principale de diriger et d'animer les débats dans l'hémicycle, en veillant à ce qu'ils se déroulent dans de bonnes conditions et en garantissant l'application du règlement de l'Assemblée nationale. "Le ou la présidente doit également assurer la discipline et le respect mutuel entre les députés. C’est ce qu’on appelle la police des séances, un important pouvoir exercé en son nom", précise la constitutionnaliste.
Le recours aux sanctions disciplinaires à l'encontre des parlementaires, rarissime pendant les premières décennies de la Ve République, a considérablement augmenté depuis 2022. Selon Mediapart, qui s’est appuyé sur les données de la présidence de l’Assemblée, 106 sanctions ont été prononcées entre juin 2022 et janvier 2024, contre 16 durant le premier mandat d’Emmanuel Macron (2017-2022), et huit entre 2012 et 2017.
Le ou la présidente de l'Assemblée nationale dispose également d'importants pouvoirs de nomination, incluant la désignation d'un membre du Conseil constitutionnel, de deux personnalités au Conseil supérieur de la magistrature, et de membres de certaines autorités administratives indépendantes.
Cette personne influente exerce aussi un rôle crucial en tant que dernier filtre de constitutionnalité des amendements déposés par les députés. Un pouvoir qui a eu des répercussions notables sous la précédente législature : Yaël Braun-Pivet s'est ainsi opposée à un amendement du député Charles de Courson, également candidat au perchoir, qui proposait de débattre de l'abrogation de la réforme des retraites. La présidente sortante avait jugé qu'il ne respectait pas l'article 40 de la Constitution de 1958, qui interdit aux députés de proposer des mesures augmentant les charges de l'État.
