Elle voulait faire barrage à l’extrême droite, elle se retrouve aux portes de Matignon. Avec 182 députés élus à l’Assemblée nationale dimanche 7 juillet, l’union de la gauche réunie sous la bannière du Nouveau Front populaire (NFP) est arrivée en tête du second tour des élections législatives anticipées, devançant la coalition présidentielle Ensemble (168 députés), le Rassemblement national et ses alliés (143 députés) et le parti Les Républicains (45 députés). Mais pour le NFP, qui est toutefois très loin d’une majorité absolue, le plus dur commence.
Car le simple fait de gouverner n’est pas acquis et il s’agit d’abord pour la gauche d’imposer à Emmanuel Macron un Premier ministre issu de ses rangs. Le président de la République a fait connaître sa position après les premiers résultats dimanche soir. "Prudence et analyse des résultats : la question est qui pour gouverner désormais et atteindre la majorité", a fait savoir son entourage tout en se félicitant du score meilleur que prévu du camp présidentiel.
Anticipant une tentative de manœuvre de la part du chef de l’État, qui pourrait être tenté de faire alliance avec le parti Les Républicains ou avec une partie de la gauche en excluant La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon a estimé qu’Emmanuel Macron avait "le devoir d'appeler le Nouveau Front populaire à gouverner". "Aucun subterfuge, arrangement ou combinaison ne serait acceptable", a-t-il martelé.
La partie est loin d’être gagnée d’avance. Permettre au Nouveau Front populaire de gouverner reviendrait pour le président à reconnaître sa défaite. Or, c’est bien le récit d’une coalition présidentielle ayant mieux résisté que prévu qui a été entendu dimanche soir dans les discours du Premier ministre Gabriel Attal et des différentes figures de la coalition présidentielle.
Quel Premier ministre pour la gauche ?
Si Emmanuel Macron consent toutefois à lâcher Matignon, le deuxième défi qui se pose à la gauche sera celui de l’identité de son chef de gouvernement. Le dossier est épineux et a été soigneusement évité tout au long de la campagne des législatives. Du côté de La France insoumise, dont le groupe sera le plus important au Palais Bourbon au sein du NFP, le nom de Jean-Luc Mélenchon revient avec insistance. Mais ni le Parti socialiste, ni le parti Les Écologistes, ni le Parti communiste ne souhaitent voir l’ancien candidat à la présidentielle diriger le pays.
Le patron des socialistes, Olivier Faure, n'a d'ailleurs pas tardé à exiger de la "démocratie" au sein du Nouveau Front populaire pour pouvoir former un gouvernement, un message directement adressé au tribun insoumis qui s'était dit pendant la campagne "capable" d'aller à Matignon.
François Ruffin, qui a acté son divorce d'avec LFI, a pour sa part appelé à gouverner "avec tendresse pour les Français", là encore une critique à peine voilée du triple candidat à la présidentielle, partisan du "bruit et de la fureur".
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Accepter Gérer mes choixInterrogé sur la question du favori pour le poste de Premier ministre, le coordinateur de LFI Manuel Bompard a de son côté botté en touche devant la presse dimanche soir : "On va prendre le temps qu'il faut (...) et faire les choses étape par étape."
Marine Tondelier, Clémentine Autain ou encore Sandrine Rousseau ont proposé que les députés de l'alliance de gauche se réunissent lundi en "assemblée plénière" en vue de désigner, par un vote, un "Premier ministrable" dans leurs rangs.
"Trouver un chemin pour faire avancer la France"
Une fois cette question réglée viendra enfin le défi le plus difficile : appliquer le programme du NFP avec seulement 182 élus à l’Assemblée nationale et un Sénat contrôlé par la droite.
"Ce vote confère au Nouveau Front populaire une responsabilité immense, celle de trouver un chemin pour faire avancer la France et répondre aux besoins des Françaises et des Français", a affirmé dimanche soir Olivier Faure, pour qui le programme du NFP sera la "seule boussole".
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Accepter Gérer mes choixMais le chemin s’annonce semé d’embûches. Si les premières mesures – augmentation du SMIC à 1 600 euros et blocage des prix des produits de première nécessité notamment – pourront être prises par décret lors des premiers jours d’une gauche unie au pouvoir, a assuré Jean-Luc Mélenchon, les lois sur la réforme fiscale, sur l’éducation ou sur la santé auront besoin de trouver des majorités.
"Qui est prêt, en France, dans les forces républicaines, à appliquer ce programme ? C'est ça la question", a insisté la cheffe de file du parti Les Écologistes, Marine Tondelier. "Nous allons gouverner", a-t-elle répété, "l'espoir" suscité par le Nouveau Front populaire "ne peut être déçu."
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Accepter Gérer mes choixIl apparaît toutefois difficile d’imaginer des députés Ensemble ou RN venir faire l’appoint pour permettre à la gauche de gouverner. Il semble également peu concevable que le Nouveau Front populaire se résigne à avoir recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer ses textes après avoir tant dénoncé son usage depuis deux ans.
Dès lors, la gauche pourrait se retrouver, et avec elle la France toute entière, dans une situation de blocage. Le Nouveau Front populaire le sait : il se trouve désormais au pied de la montagne et celle-ci paraît infranchissable.