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Législatives : diaboliser et rassurer, la stratégie du RN pour contrer le front républicain
Auréolé de son franc succès au premier tour des législatives, le Rassemblement national compte poursuivre sur sa lancée en obtenant une majorité absolue lors du second tour, le 7 juillet. Face au front républicain du Nouveau Front populaire et de la macronie, pour faire barrage au RN, Jordan Bardella agite le chiffon rouge de "l’extrême gauche violente" alors que ses lieutenants tirent à boulets rouges sur leurs opposants, jusqu’à l’outrance.

Le Rassemblement national va-t-il obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale ? La question est sur toutes les lèvres à quelques jours du deuxième tour des élections législatives anticipées.

Avec 33,1 % des voix au premier tour des législatives, le Rassemblement national, rallié par une partie des Républicains, a confirmé sa percée nationale, devant le Nouveau Front populaire (28 %) et le camp présidentiel (20 %). Grand favori pour le second tour, le RN pourrait néanmoins pâtir des nombreux désistements au sein de la gauche et de la macronie visant à faire barrage à l’extrême droite.

Bien décidé à parer cette menace, le Rassemblement national poursuit sur sa lancée, se posant en seul défenseur de la démocratie et du peuple face au "chaos de l’extrême gauche".

Le chiffon rouge Mélenchon

Invité lundi soir sur TF1, Jordan Bardella, guindé et sourire franc, affecte la surprise lorsque Giles Bouleaux l’interroge sur la stratégie de ses adversaires pour faire barrage au RN. "Il s’agit d’une alliance un peu contre nature entre Monsieur Mélenchon et Emmanuel Macron qui est très surprenante", affirme-t-il, fustigeant "un président de la République venant au secours d’une mouvance d’extrême gauche violente".

Plus tôt dans la journée, Jordan Bardella avait proposé un débat d’entre-deux-tours au leader de la France Insoumise Jean Luc Mélenchon. Ce dernier l’avait alors renvoyé vers les cadres des insoumis, rappelant que "le candidat du Nouveau Front populaire pour la primature n'a pas été désigné". C’était sans compter sur la cheffe des Écologistes, Marine Tondelier, qui a immédiatement rappelé qu’après Olivier Faure pour le Parti socialiste et Manuel Bompard pour La France Insoumise, c’était à son tour de débattre, conformément à l’accord conclu au sein du Nouveau Front Populaire.

Une requête à laquelle Jordan Bardella ne semble pas disposé à répondre.

J’ai bien compris que @J_Bardella ne souhaite pas débattre avec moi.

Et pourtant je ne vais pas lâcher l’affaire.

Sinon les femmes et l’écologie continueront d’être invisibilisées dans cette campagne, ce qui est un vrai problème.

Mais comme tout le monde l’a bien compris ça… pic.twitter.com/wK4k9Yp4ke

— Marine Tondelier (@marinetondelier) July 1, 2024

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Pour le Rassemblement national, le mot d’ordre est clair : remettre bon gré mal gré Jean Luc Mélenchon au centre du jeu, conscient que le fondateur de La France insoumise, loin de faire l’unanimité au sein de électeurs est considéré par certains comme un repoussoir.

Jordan Bardella et ses soutiens feignent ainsi d’ignorer que Jean Luc Mélenchon, plutôt en retrait dans cette campagne, divise au sein même du Nouveau Front populaire, également composé du Parti socialiste, des Écologistes ou bien encore du Parti Communiste. Certains de ses membres, comme Marine Tondelier ou Olivier Faure, ont affirmé qu’en cas de victoire, la figure tutélaire de LFI n’accéderait pas à Matignon, puisque le candidat devra être choisi à l’unanimité.

De son côté, le RN persiste et signe. "C’est dimanche prochain un choix entre Monsieur Mélenchon Premier ministre et nous", a martelé à nouveau Jordan Bardella, lundi soir sur TF1.

Attaques et invectives

Dans cette campagne, les figures de la France insoumise font office de cibles privilégiées pour les lieutenants de Bardella, comme l’ont illustré plusieurs attaques acerbes lors de la soirée électorale dimanche.

"Vous avez d’un côté ceux qui aiment la France et ceux qui aiment le Hamas" a lancé la porte-parole du RN, Laure Lavalette, élue de la 2e circonscription du Var, sur le plateau de BFMTV, suscitant la franche colère de sa voisine Raquel Garrido. "Soyez loyale, soyez honnête", a rétorqué la députée sortante LFI de la 5e circonscription de Seine-Saint-Denis, qui avait qualifié quelques mois plus tôt l’attaque du 7 octobre, perpétrée par le mouvement islamiste palestinien en Israël, d’"acte de terreur absolument ignoble".

Le même traitement a été réservé à Clémentine Autain, députée LFI, réélue dans la 11e circonscription de Seine-Saint-Denis. "Quelle est la République que défend Madame Autain ? C’est la République islamique" a assené Julien Odoul, député RN réélu dans l'Yonne, forçant le présentateur de BFMTV Benjamin Duhamel à prendre la défense de la militante féministe. 

Clémentine Autain face à Julien Odoul pic.twitter.com/SrepfT5kSz

— L'oeil Medias (@LoeilMedias1) June 30, 2024

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Le ministre de la Justice Éric Dupont Moretti, érigé par le Rassemblement national en symbole du "laxisme" en matière pénale, s’est lui aussi livré à une passe d’armes très commentée avec Laure Lavalette. "Votre bilan c’est la petite Lola, c’est Thomas à Crépol, c’est Samuel Paty, c’est Dominique Bernard", avait fustigé la représentante RN, le garde des Sceaux accusant en réponse le RN d’utiliser des crimes odieux comme "marchepied".

Le front républicain du "déshonneur"

Pour l’emporter le 7 juillet, le RN tente également d’appuyer sur ce qu’il considère comme les contradictions du front républicain, du côté de la macronie comme de la gauche.

"Venir dire, comme le fait le président de la République, que la 'Nupes 2' c’est l’antiparlementarisme, l’antisémitisme, le communautarisme il y a quinze jours pour aujourd’hui [...] dire qu’ils sont mieux, qu’ils sont plus raisonnables que Jordan Bardella, que Marine Le Pen [...], ça n’a aucun sens" a fustigé Marine Le Pen mardi sur France Inter.

Dimanche, le président de la République a appelé à un "large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour", face au RN.

Dans la même optique, les représentants du Rassemblement national ont vigoureusement critiqué le désistement du candidat du Nouveau Front populaire, Noé Gauchard, dans la 6e circonscription du Calvados, au profit de l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne, en ballottage défavorable face à l’extrême droite.

"La France insoumise a fait un choix, celui de retirer son candidat pour appeler à voter pour Madame Borne qui a mis en œuvre la réforme des retraites et multiplié les 49.3" a dénoncé lundi Jordan Bardella, fustigeant une "alliance du déshonneur dans un sens comme dans l’autre".

Une critique qui peut porter à sourire, Jordan Bardella ayant affirmé qu’avec sa réforme des retraites, certains Français travailleraient jusqu’à 66 ans, soit deux années de plus que la limite actuelle.

La défense du peuple

À travers ces critiques contre le front républicain, le RN attaque la probité des élus de la macronie et du Nouveau Front populaire. C’est le cas de Jean-Philippe Tanguy, député Rassemblement national dans la Somme, qui a dénoncé des "magouilles" visant à "conserver des sièges".

🔴 Législatives 2024 ➡️ "Depuis hier, on voit, ajouté aux mensonges, les magouilles, tout pour sauver les sièges : quand je vois que la gauche va soutenir madame Borne [...] ça me désole”, dénonce Jean-Philippe Tanguy, député Rassemblement national dans la Somme. pic.twitter.com/49ttfrxDNo

— franceinfo (@franceinfo) July 1, 2024

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Les représentants du RN se posent ainsi en défenseurs du peuple et fustigent une infantilisation des électeurs.

"Cette élection est une élection d’émancipation du peuple français" s’est félicité mardi Marine Le Pen. "Justement, ce que le peuple est venu dire c’est : 'Arrêtez de nous donner des leçons de morale, arrêtez de nous dire où il faut voter, comment il faut penser.' C’est ça qu’ils ont dit au premier tour, et je souhaite qu’ils le disent aussi au second tour, car c’est la clé du changement de la politique qu’ils subissent depuis maintenant sept ans."

Si Jordan Bardella se dit "confiant" d’accéder à Matignon, il est néanmoins conscient que de fortes réticences persistent au sein de la société française quant à la nature de son programme, qualifié par ses détracteurs de xénophobe et raciste. "Je serai le Premier ministre qui garantira le droit de tous les Français", martèle-t-il avec insistance, appelant les électeurs à "faire le choix d'une rupture responsable".

Dans une interview au Parisien publiée le 17 juin, le président du Rassemblement national avait averti qu’il ne serait Premier ministre qu’à condition de disposer d'une majorité absolue lors du vote, soit d’au moins 289 des 577 sièges de l’Assemblée nationale. Une position quelque peu tempérée depuis par ses proches soutiens, dont Sébastien Chenu ou Marine Le Pen.

"À partir du moment où nous avons, par exemple, 270 députés, il nous en faut 19 de plus, on va aller voir les autres", a affirmé mardi la présidente du groupe RN à l’Assemblée, estimant que des négociations pourraient être conclues avec des "députés divers droite, divers gauche et LR".

Si le RN fait la course en tête et que l’obtention de la majorité absolue semble possible, rien n’est encore acté. Lors du premier tour, la formation de Jordan Bardella et ses alliés ont remporté 39 sièges, contre 32 pour le Nouveau Front populaire. Il lui faudra gagner 150 sièges au second tour pour prendre le contrôle de l'Assemblée.

Législatives : diaboliser et rassurer, la stratégie du RN pour contrer le front républicain