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L'écrivain albanais Ismaïl Kadaré est mort à l'âge de 88 ans
L'écrivain albanais Ismaïl Kadaré, auteur d’une œuvre monumentale sous la dictature communiste d'Enver Hoxha, est mort lundi matin d'une crise cardiaque à l'âge de 88 ans.

Il explorait les mythes et l'histoire de son pays, pour disséquer les maux du totalitarisme. L'écrivain albanais Ismaïl Kadaré est mort d'une crise cardiaque lundi 1er juillet, a annoncé l’hôpital de Tirana. Il y est arrivé "sans signe de vie", les médecins lui ont fait un massage cardiaque, mais il "est mort vers 6 h 40 GMT" (8 h 40 locales), a dit l’hôpital.

Ethnographe sarcastique, romancier alternant grotesque et épique, Ismaïl Kadaré a exploré à travers son œuvre les mécanismes de la dictature.

L'Albanie a vécu des décennies sous le joug d'Enver Hoxha, l'un des régimes totalitaires les plus fermés au monde.

"L'enfer communiste, comme tout autre enfer, est étouffant", avait dit à l'AFP l'écrivain dans une de ses dernières interviews, en octobre. "Mais dans la littérature, cela se transforme en une force de vie, une force qui t'aide à survivre, à vaincre tête haute la dictature."

La littérature "m'a donné tout ce que j'ai aujourd'hui, elle a été le sens de ma vie, elle m'a donné le courage de résister, le bonheur, l'espoir de tout surmonter", avait-il expliqué, déjà affaibli, depuis sa maison de Tirana, la capitale albanaise.

"Dissident officiel"

Né à Gjirokastër (comme Hoxha), sa "ville de pierres" du sud de l'Albanie, il publie son premier roman en 1963, "Le Général de l'armée morte" : un officier italien part en Albanie exhumer ses compatriotes tués pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ismaïl Kadaré écrit depuis l'enfance, qui l'a vu découvrir dans une bibliothèque familiale le "Macbeth" de Shakespeare, un de ses héros avec Eschyle, Cervantès, Dante ou Gogol.

Au début des années 1960, il étudie à l'Institut Maxime Gorki à Moscou, une pépinière du réalisme soviétique, un genre littéraire qu'il prend en horreur tant "il n'y avait pas de mystère, pas de fantômes, rien".

Il raconte cet apprentissage dans "Le Crépuscule des dieux de la steppe" (1978). La décision d'Hoxha de couper les ponts avec l'URSS de Nikita Khrouchtchev ramène Ismaïl Kadaré en Albanie.

De cette rupture naît "Le Grand Hiver" (1973), dans lequel apparaît Hoxha. Le livre est plutôt favorable à Tirana, mais les plus fervents adorateurs du tyran le jugent insuffisamment laudateur et réclament la tête de l'écrivain "bourgeois".

Hoxha, qui se pique d'être un amateur de littérature, vole à son secours. Dans ses mémoires, sa veuve, Nexhmije Hoxha, raconte comment son époux, souvent exaspéré, sauve plusieurs fois Ismaïl Kadaré, brièvement député au début des années 1970.

Protégé par sa renommée quand d'autres sont condamnés aux travaux forcés, voire exécutés, il a été critiqué pour ce statut de "dissident officiel". Ismaïl Kadaré a lui toujours nié toute relation particulière avec la dictature.

Avec AFP