La campagne des législatives anticipées tourne au vinaigre dans la 10e circonscription du Val-de-Marne. La candidate du parti Renaissance, Shannon Seban, a annoncé, lundi 24 juin, à l'AFP, avoir porté plainte pour injure raciste, assurant avoir été traitée à plusieurs reprises de "sale sioniste", en marge d'une fête populaire qui s'est tenue la veille à Ivry-sur-Seine, dans le sud de la capitale.
Cette élue municipale de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), a déclaré avoir été victime "d'outrage", "d'injure publique" et de "violence sans incapacité", "commis en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion".
La candidate de confession juive affirme avoir été prise à partie, d'abord par deux hommes arborant un drapeau palestinien, puis par une foule qu'elle estime à plusieurs dizaines de personnes. "Ils m'ont hurlé dessus 'dégage sale sioniste', c'était d'une violence inouïe", a-t-elle déclaré à l'AFP.
« Dégage sale sioniste ! »
Voici ce qui a été scandé à mon encontre par des élus locaux et des partisans de l’extrême gauche cet après-midi, le 23 juin 2024, lors de la fête d’Ivry-sur-Seine.
Huée, sifflée, agressée, sur le territoire de la République, par des élus de la… pic.twitter.com/Eu31hkHDy7
"Cette agression est la conséquence directe d’un déchaînement antisémite érigé en stratégie électorale. À travers cette jeune femme, c’est toute la démocratie française qui est brutalisée. Nous veillerons à ce que la justice donne à ces faits les suites que leur gravité appelle", ont déclaré ses avocats François Zimeray et Jessica Finelle, interrogés par le journal le Parisien.
Selon Shannon Seban, "des élus de la République, départementaux et d'Ivry" étaient présents parmi cette foule l'invectivant. "À un moment, la pression était trop forte et je me suis sentie menacée dans mon intégrité physique, donc je suis partie", a-t-elle précisé.
"Ces gens là sont des militants de La France insoumise", a encore accusé la candidate de Renaissance.
Le parquet de Créteil a confié l'enquête à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
À couteaux tirés
Une semaine plus tôt, un autre incident impliquant Shannon Seban avait entaché la campagne dans cette circonscription. La candidate avait annoncé la mise en retrait de son suppléant, Mouayad Mnemoi. Cet éducateur sportif a subi, selon elle, des "propos racistes" et des "intimidations" depuis sa déclaration de candidature. Le jeune homme est resté son suppléant pour ces législatives mais n'est plus apparu sur le terrain depuis et a été contraint de fermer son compte sur X.
Après la plainte déposée par la candidate de Renaissance, plusieurs figures de la majorité présidentielle lui ont apporté leur soutien, dont Aurore Bergé, la ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Chère @ShannonSeban tu as tout mon soutien, tout le soutien de ceux qui sont d'abord d'authentiques républicains !
L'antisémitisme n'a pas et n'aura jamais sa place en France.
Les 30 juin et 7 juillet, votons en conséquence ! https://t.co/1tR7TLc6mS
Sollicitée par France 24, la direction de LFI n'a pas donné suite à nos demandes de commentaires sur cette affaire.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux militants du parti de la gauche radicale crient à la manipulation et au mensonge. Ces derniers s'appuient sur une vidéo où l'on voit Shannon Seban effectivement malmenée lors de la fête d'Ivry-sur-Seine mais sans que des insultes ne soient prononcées. Devant l'attitude hostile de plusieurs militants, la candidate préfère en effet rebrousser chemin.
🚨🏛️Shannon nous a menti, elle n’a jamais été agresser.
La députée est prête à tout pour gagner la campagne quitte à diffamer LFI
Preuve en vidéo https://t.co/1es7izoufQ pic.twitter.com/I5RMvvjfNW
À l'heure où nous écrivons ces lignes, aucun témoignage ou élément de preuves ne permet de confirmer les deux versions qui s'affrontent.
Depuis plusieurs jours, l'ambiance s'est tendue entre la candidate, qui se dit engagée dans la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, et la France insoumise. Shannon Seban s'est notamment attiré les foudres des militants de gauche en multipliant les interventions médiatiques pour défendre l'intervention israélienne à Gaza.
Cette dernière a également régulièrement pris pour cible la candidate sortante de la circonscription, Mathilde Panot, l'ancienne cheffe de file des députés Insoumis à l'Assemblée nationale.
"J’ai accepté [de me présenter dans cette circonscription] justement parce que c’est Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI, antisémite depuis le 7 octobre, qui bordélise l’hémicycle. Je combats leurs idées, comme celles du RN", affirmait encore l'élue municipale le 17 juin après la mise en retrait de son suppléant.
Un fief de la gauche
Le parti de Jean-Luc Mélenchon est accusé par ses opposants politiques et par des organisations juives de propager un discours anti-juif. Un procès en antisémitisme qui a pris une nouvelle vigueur après les massacres du 7 octobre perpétrés par le Hamas sur le sol israélien.
Si LFI dénonce une instrumentalisation politique, certains propos ambigus tenus ces dernières semaines ont alimenté la polémique et semé le trouble parmi certains partenaires du Nouveau Front populaire. Le 2 juin, Jean-Luc Mélenchon avait notamment écrit sur son blog que "l'antisémitisme reste résiduel en France". "L'antisémitisme n'est pas résiduel. Il explose", avait rétorqué la députée écologiste Sandrine Rousseau.
L’antisemistime n’est pas résiduel.
Il explose.
Depuis le 7 octobre, les actes antisémites ont connu une forte augmentation en France. Quelque "366 faits antisémites" ont été enregistrés par le ministère de l'Intérieur au premier trimestre, soit "une hausse de 300 %" par rapport à la même période en 2023, avait indiqué début mai le Premier ministre Gabriel Attal.
L'autre point de friction entre Shannon Seban et LFI concerne son employeur. La candidate du parti Renaissance a récemment été nommée responsable des affaires publiques Europe d'Altice, un groupe de médias et de télécoms accusé par les militants pro-palestiniens de soutenir l'activité économique dans les colonies israéliennes, considérées comme illégales par le droit international.
À ce titre de nombreux fonds internationaux ont exclu le groupe @Altice pour ses activités illégales en territoires palestiniens occupés. Le conflit d’intérêts entre les activités de Mme Seban et ses activités politiques est tout bonnement scandaleux. pic.twitter.com/nzSPI3wdFY
— Rima Hassan (@RimaHas) April 19, 2024Qualifiée de candidate parachutée par ses détracteurs, Shannon Seban aura fort à faire dans ce fief de la gauche. Dans cette dixième circonscription du Val-de-Marne, Mathilde Panot était arrivée largement en tête du premier tour avec plus de 54 % des voix puis avait confirmé son avance au deuxième tour avec 67,63 % des voix contre 32,37 % pour le candidat de la majorité présidentielle.
Avec AFP