Alors que le feuilleton de l'éviction ou non d'Éric Ciotti de la présidence du parti Les Républicains dure depuis deux jours, la justice est désormais saisie et un nouveau bureau politique se réunit. Et au milieu de ce marasme, François-Xavier Bellamy a jugé opportun d'affirmer qu'il voterait "bien sûr" pour le Rassemblement national en cas de duel face au nouveau Front populaire de la gauche.
"Je suis président du parti, je vais à mon bureau", a déclaré, jeudi 13 juin, le président ou ex-président – qui est en mesure de le dire ? – du parti Les Républicains (LR), Éric Ciotti, en arrivant au siège de son parti. Un nouvel épisode dans ce feuilleton digne des séries politiques "House of Cards" ou "Baron noir" et dont les rebondissements ne cessent de se succéder de jour en jour.
"C'est un peu lunaire, mais il est courageux", commentait en direct sur BFMTV Guilhem Carayon, président des Jeunes Républicains et l'un des rares soutiens déclarés d'Éric Ciotti.
Exclu le 12 juin de LR par un bureau politique lui reprochant son annonce, la veille, d'une alliance entre son parti et le Rassemblement national, Éric Ciotti en récuse la validité juridique et a annoncé jeudi matin avoir saisi en référé le tribunal judiciaire de Paris "pour contester cette décision qui n'a aucun sens".
"Je vais à mon bureau": exclu des Républicains, Éric Ciotti entre dans le siège du parti pic.twitter.com/VWsNPTL3rl
— BFMTV (@BFMTV) June 13, 2024"Le coup de force, c'est ceux qui ne respectent pas les statuts, a-t-il ajouté. Il n'y a pas eu de bureau politique hier, mais une réunion de personnes qui se sont réunies elles-mêmes en dehors de tout cadre."
Sur place, une source au sein du parti a indiqué qu'Éric Ciotti a fait constater par un huissier qui parmi les 50 salariés obéissait encore à ses ordres, et précisé que le wifi avait été coupé avant l'arrivée du président déchu, selon l'AFP.
"C'est un spectacle affligeant"
Quelques minutes plus tard, le parti envoyait un communiqué pour informer de la tenue d'un nouveau bureau politique "pour valider" l'exclusion d'Éric Ciotti. "Nous avons très largement recueilli plus du quart des signatures des conseillers nationaux LR qui maillent le territoire national, démontrant que les cadres, les militants et les adhérents ne cautionnent pas un accord avec le RN", indique le communiqué, ajoutant que "la fin est proche" pour l'ex-député des Alpes-Maritimes.
"C'est un spectacle affligeant", regrette la sénatrice de Paris Agnès Évren. "Je suis incapable de vous dire ce qui va se passer maintenant. Les choses n'arrivent jamais comme on pense qu'elles vont se passer. Tout ça me rappelle l'époque de la Cocoe et la guerre Copé-Fillon. Quand on fait passer les postes avant les principes, cela n'honore pas la politique."
L'élue parisienne fait référence à la Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (Cocoe) du parti Les Républicains. Celle-ci s'était retrouvée au centre de l'actualité à l'automne 2012, lorsqu'elle avait eu la charge de départager Jean-François Copé et François Fillon, qui revendiquaient tous deux la victoire à la présidence du parti. Élus et cadres LR s'étaient alors déchirés, offrant déjà un spectacle à rebondissements qui avait fini par déboucher sur la victoire de Jean-François Copé avec 98 voix d'écart.
Vice-présidente de LR, Florence Portelli préfère ironiser sur les événements qui ont émaillé la journée de mercredi, notamment la fermeture du siège du parti par Éric Ciotti. "Quand on se barricade dans un siège et qu'on ne sait pas que la secrétaire générale a le double des clés, c'est assez inquiétant sur ses capacités à gérer les problèmes de sécurité des Français... C’est quand même assez grotesque. C’est du OSS 117", a-t-elle commenté jeudi matin au micro de France Inter, s'excusant au passage vis-à-vis des électeurs pour ce "vaudeville assez grotesque".
Éric Ciotti "victime d'un putsch" ?
"Quand on se barricade dans un siège et qu'on ne sait pas que la secrétaire générale a le double des clés, c'est assez inquiétant sur sa capacité à gérer les problèmes de sécurité des Français", lui répond @FloPortelli. #le710inter pic.twitter.com/AO5684ZazF
François-Xavier Bellamy préfère le barrage à la gauche plutôt qu'à l'extrême droite
Malgré le côté rocambolesque de l'affaire, l'enjeu est de taille pour le parti : savoir s'il faut, oui ou non, faire alliance avec l'extrême droite et savoir s'il faut, oui ou non, appeler à voter pour l'extrême droite. L'ensemble des figures encore présentes chez LR – Gérard Larcher, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, Aurélien Pradié, Jean-François Copé notamment – ont toutes condamné l'annonce d'Éric Ciotti portant sur une alliance avec le RN.
Mais le président par intérim du parti et ancienne tête de liste aux élections européennes, François-Xavier Bellamy, a déclaré jeudi matin sur Europe 1 qu'il voterait "bien sûr" pour le parti lepéniste face à un candidat de l'alliance de gauche du Front populaire s'il était dans une circonscription où LR était absent du second tour des législatives. "Je ferai tout pour empêcher que La France insoumise arrive au pouvoir", a-t-il déclaré, ajoutant que "le vrai danger pour la France, c'est l'arrivée au pouvoir de Jean-Luc Mélenchon".
Un candidat du front populaire face à un candidat du Rassemblement national ? « Je voterai bien sûr pour un candidat du Rassemblement national », assure @fxbellamy, député @lesRepublicains européen #PascalPraudEtVous @PascalPraud #Europe1 pic.twitter.com/rU70ulaYnv
— Europe 1 (@Europe1) June 13, 2024S'il ne parle pas d'alliance mais seulement d'un choix à faire lors d'un second tour aux élections législatives, cette déclaration de François-Xavier Bellamy a de quoi semer le trouble. Les ténors de la droite ont en effet invoqué la figure du général de Gaulle pour fustiger la décision d'Éric Ciotti.
"Lorsque vous êtes un responsable politique comme Éric Ciotti et que, pour sauver votre petite place, vous sacrifiez l’histoire de la droite gaulliste, qui ne s’est jamais associée avec l’extrême droite, vous êtes un des acteurs du pourrissement des comportements dans la vie politique et vous bafouez son code d’honneur", a encore déclaré l'ancien député du Lot, Aurélien Pradié, dans une interview publiée jeudi par Le Monde.
Rappelons également que le premier barrage républicain, en 2002, avait consisté à demander aux électeurs de gauche de voter Jacques Chirac au second tour de l'élection présidentielle pour empêcher une victoire de Jean-Marie Le Pen.
Contacté par France 24 pour savoir si cette position de François-Xavier Bellamy était désormais la ligne officielle du parti, Annie Genevard, coprésidente par intérim, a préféré botter en touche. "La ligne est que nous ferons tout pour éviter d'avoir à arbitrer un duel Mélenchon-Le Pen au second tour. C'est le sens même de notre combat", a-t-elle répondu, rappelant "qu'il y a un premier tour" pour justifier sa non-réponse sur l'attitude à adopter pour LR en cas d'affrontement au second tour entre un candidat RN et un candidat du Front populaire.
De son côté, Éric Ciotti doit déjeuner avec Jordan Bardella, patron du Rassemblement national. D'humeur combative, il a publié à midi une vidéo sur le réseau social X le montrant dans son bureau avec une musique de fond digne d'un film d'action et intitulée : "Au travail pour la France !"
Au travail pour la France ! 🇫🇷 pic.twitter.com/rtOwR4WfkP
— Eric Ciotti (@ECiotti) June 13, 2024