Un tribunal fédéral américain a jugé, lundi 10 juin, le géant de la banane Chiquita Brands International responsable d'avoir financé un groupe paramilitaire colombien connu pour ses exactions. Une victoire historique pour les familles des victimes.
Le jury du district sud de la Floride a condamné Chiquita à verser 38,3 millions de dollars (35,5 millions d'euros) de dommages et intérêts aux membres des familles de huit personnes tuées par le groupe paramilitaire d'Autodéfense unies de Colombie (AUC), milice d'extrême droite placée par les États-Unis sur la liste des organisations terroristes.
“This verdict sends a powerful message to corporations everywhere: profiting from human rights abuses will not go unpunished. These families, victimized by armed groups and corporations, asserted their power and prevailed” @Power_of_Law https://t.co/BksEHP246X
— EarthRights Intl (@EarthRightsIntl) June 10, 2024"Nos clients ont risqué leur vie pour demander des comptes à Chiquita, en s'en remettant au système judiciaire américain", a déclaré Agnieszka Fryszman, l'une des avocates des plaignants.
"Le verdict ne ramènera pas les maris ni les fils qui ont été tués, mais il remet les pendules à l'heure et place la responsabilité du financement du terrorisme là où elle doit l'être : chez Chiquita", a-t-elle ajouté dans un communiqué.
De l'argent utilisé pour commettre des crimes de guerre
En 2007, Chiquita avait plaidé coupable devant un tribunal fédéral américain d'avoir versé de l'argent aux AUC pendant six ans, arguant avoir agi ainsi pour éviter des violences contre son personnel et ses installations en Colombie.
S'agissant d'une organisation considérée comme terroriste par Washington, ce soutien "prolongé, régulier et substantiel", selon le ministère américain de la Justice, constituait un crime fédéral. Le groupe avait accepté de payer une amende pénale de 25 millions de dollars.
Les huit plaignants du procès civil en Floride accusaient le groupe agro-alimentaire d'avoir versé près de deux millions de dollars aux AUC et de les avoir aidé à transporter des armes et de la drogue.
Le jury a accepté l'argument selon lequel cet argent a été utilisé pour commettre des crimes de guerre tels que des homicides, des enlèvements, des extorsions, des tortures et des disparitions forcées.
D'autres procédures et des centaines de plaignants
"Ce verdict envoie un message fort aux entreprises du monde entier : celles qui profitent des violations des droits humains ne demeureront pas impunies", s'est félicité pour sa part Marco Simons, juriste chez l'organisation non-gouvernementale EarthRights International, qui assiste les plaignants.
Selon cette ONG, c'est la première fois qu'un jury américain juge une grosse entreprise américaine responsable de complicité de violations des droits humains dans un autre pays.
D'autres procédures civiles visant Chiquita sont en cours aux États-Unis pour les mêmes motifs, et rassemblent des centaines de plaignants.
Assassinats, massacres ou déplacements forcés de populations
Plusieurs enquêtes lancées en 2006 par Bogota avaient mis en lumière les liens étroits qui ont unis certains groupes armés illégaux d'extrême droite, comme les milices AUC, à la sphère politique colombienne.
Les AUC, impliquées dans le trafic de drogue, avaient notamment décroché des postes au sein du gouvernement et des services de renseignements, moyennant quelques valises biens garnies... À la suite de ces révélations, des condamnations étaient tombées en cascade avec des dizaines de députés envoyés derrière les barreaux pour avoir trempé dans des assassinats, des massacres ou des déplacements forcés de populations.
Avec AFP