Au lendemain du coup de tonnerre de la dissolution annoncée par Emmanuel Macron, les grandes manœuvres ont commencé lundi 10 juin : la gauche a appelé à un "front populaire" avec des candidatures communes dans chaque circonscription tandis que le RN de Jordan Bardella, candidat à Matignon, cherche à élargir son assise.
Le chef de l'État entrera de plain pied mardi dans la campagne, en tenant une conférence de presse dans l'après-midi.
La classe politique a passé sa journée en conciliabules et autres rendez-vous secrets ou ultra-médiatisés, après la victoire historique de l'extrême droite aux européennes dimanche et la dissolution retentissante de l'Assemblée nationale.
La France est désormais plongée en zone de turbulences, déroulant "un scénario extraordinairement incertain" selon l'expression de Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos.
Trois semaines de campagne éclair s'ouvrent avant le premier tour des législatives le 30 juin puis le second le 7 juillet, à la veille des Jeux olympiques de Paris (26 juillet - 11 août).
C'est pour Emmanuel Macron un coup de poker car le vote sanction vient d'atteindre des records. Emmenée par Jordan Bardella, la liste du Rassemblement national a triomphé avec quelque 31,37 % des voix, très loin devant la candidate macroniste Valérie Hayer (14,60 %) et la tête de liste du PS Raphaël Glucksmann (13,83 %).
Bardella courtise le LR
Marine Le Pen a réaffirmé que Jordan Bardella avait vocation à devenir Premier ministre en cas de victoire de son camp le 7 juillet. Elle a rappelé le partage des rôles au sein du RN : à elle de briguer la présidence, à lui de viser Matignon.
Le jeune président du parti s'est posé lundi en rassembleur en recevant au siège du RN Marion Maréchal sous l'œil d'une nuée de caméras. Marion Maréchal, tête de liste Reconquête fraîchement élue à Bruxelles (5,74 %), a exprimé son "souhait ardent" d'un accord avec le RN en vue des législatives, à l'issue d'un entretien d'une heure auquel participait sa tante Marine Le Pen.
Surtout, Jordan Bardella, reconnaissant qu'il était "difficile de gagner seul", a "tendu la main" aux Républicains, affirmant avoir eu "des discussions" avec certains de leurs cadres. Le RN est prêt à ne pas présenter de candidats face à des LR "pour faire rassemblement", a renchéri Marine Le Pen sur TF1. Une manière de semer encore davantage la confusion chez des LR plus que jamais en quête d'une ligne directrice, après un nouveau score terne dimanche (7,25 %).
À gauche, le PS, EELV, le PCF et LFI ont appelé lundi soir "à la constitution d'un nouveau front populaire" et indiqué vouloir "soutenir des candidatures uniques dès le premier tour" des élections législatives, dans un communiqué également signé par Place publique, ou Générations.
Tous ces partis, qui s'étaient réunis dès le début d'après-midi au siège parisien des Écologistes avant d'en sortir vers 22 h 30, ont également appelé à "rejoindre les cortèges" prévus ce week-end à l'appel de la CFDT, la CGT, l'UNSA, la FSU et Solidaires et à "manifester largement".
Plus tôt, Raphaël Glucksmann avait répété sa ligne de fermeté face à la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Il a surtout proposé qu'en cas de victoire de la gauche, le nom de l'ex-secrétaire général de la CFDT Laurent Berger soit proposé pour le poste de Premier ministre - une idée qui n'a pour l'heure pas été reprise par les autres partis de gauche.
Opposant farouche à la réforme des retraites d'Emmanuel Macron, Laurent Berger est "une figure de la société civile qui est capable d'apaiser, qui est l'antithèse du président actuel, qui ne jouera pas avec les institutions, qui réconciliera les Français", avait fait valoir Raphaël Glucksmann sur France 2.
"Brutalité" de la vie politique
Les socialistes, qui entendent pousser leur avantage né du bon score de Raphaël Glucksmann devant LFI (9,89 %), avaient déjà participé à une première rencontre dans la matinée avec EELV, le PCF, des syndicats et des membres de la société civile.
La tête de liste des socialistes a affiché son "rejet de la brutalité de la vie politique, des insultes, des fake news, des calomnies", dans une claire allusion à la stratégie de conflictualité du débat politique choisie par le leader insoumis.
La gauche était depuis dimanche pressée de s'unir de toutes parts, alors qu'ont fleuri les appels en ce sens de syndicats, associations féministes ou encore du monde de la culture.
Selon un tout premier sondage Harris Interactive - Toluna publié lundi, le RN obtiendrait 34 % des intentions de vote au premier tour, contre 22 % pour la gauche si elle est unie et 19 % pour les macronistes.
Avec AFP