Fin de campagne en vue dans l'Hexagone. Les élections européennes se tiennent dimanche 9 juin en France, après une campagne de plusieurs mois qui a vu les principales têtes de liste débattre de l'aide militaire à l'Ukraine, d'immigration, de la situation à Gaza ou encore d'agriculture.
À quelques jours du scrutin, les sondages donnent la liste de Jordan Bardella (Rassemblement national) largement en tête dans les intentions de vote (entre 30 et 33 %), devant la liste de Valérie Hayer (Renaissance-MoDem-Horizons) qui totalise entre 14 et 16 % et la liste de Raphaël Glucksmann (Parti socialiste-Place publique) qui recueille entre 13 et 14,5 %. Suivent les listes de Manon Aubry de La France insoumise (entre 7 et 9 %), de François-Xavier Bellamy du parti Les Républicains (entre 6,5 et 7,5 %), de Marie Toussaint d'Europe Écologie-Les Verts (entre 5 et 7 %) et de Marion Maréchal de Reconquête! (entre 5 et 6,5 %).
Alors que les enjeux sont de taille, France 24 vous propose un petit rappel des principaux enseignements et faits marquants de la campagne qui s'achève.
France 24 publie jusqu'aux élections européennes du 9 juin quatre dossiers thématiques consacrés à des enjeux majeurs de la campagne : défense, immigration, environnement et agriculture. Vous y trouverez les clés de compréhension et les propositions des principales têtes de liste françaises.
-
Vers une progression de l'extrême droite au Parlement européen, mais des équilibres a priori peu modifiés
Les sondages annoncent depuis des mois une poussée des partis populistes ou d'extrême droite un peu partout en Europe pour les élections européennes. En France, en Italie, en Allemagne, en Belgique, en Hongrie, en Pologne ou aux Pays-Bas, les scores de ces partis devraient être élevés. Mais pas au point cependant de mettre en pièces la "grande coalition" des trois principaux groupes actuels (droite, socialistes, libéraux) au sein de laquelle se forgent les compromis et qui permet d'adopter une grande majorité des votes au Parlement. D'autant que ces forces d'extrême droite avancent en ordre dispersé au Parlement européen, où elles sont divisées en deux groupes : les Conservateurs et réformistes européens (ECR) et Identité et démocratie (ID).
En France, par exemple, Jordan Bardella et ses élus du Rassemblement national siégeront au sein du groupe ID, quand Marion Maréchal et ses collègues de Reconquête! ont prévu de siéger avec le groupe ECR.
Selon les enquêtes, le Parti populaire européen (PPE) devrait rester la première force politique à Strasbourg, suivi des sociaux-démocrates (S&D), malgré des pertes prévues pour ces deux familles. L'enjeu est de savoir qui arrivera à la troisième position, actuellement occupée par Renew Europe, qui comprend le parti Renaissance d'Emmanuel Macron, donné en baisse et menacé par la poussée prévue d'ECR et d'ID.
Dans une note publiée en avril par l'Institut Jacques Delors, Nathalie Brack et Awenig Marié estiment que la coalition actuelle "devrait continuer de dominer le processus décisionnel après les élections", mais que "la consolidation de la droite nationaliste et conservatrice (...) pourrait venir accroître la fréquence des coalitions de droite formées par les groupes PPE et ECR".
-
Malgré l'omniprésence du couple exécutif, la campagne de Valérie Hayer prend l'eau
Jusqu'alors inconnue du grand public, Valérie Hayer a été propulsée fin février tête de liste de Renaissance. Un pari qui ne s'est pas avéré payant à en croire les sondages, qui la créditent d'intentions de vote en baisse constante – la liste présidentielle passant de 19 % à 14 % dans les sondages entre début mars et début juin.
Valérie Hayer a pourtant bénéficié de l'omniprésence d'Emmanuel Macron et de Gabriel Attal dans sa campagne. Entre le discours fleuve du président de la République sur l'Europe à la Sorbonne le 25 avril, son interview au 20 h de TF1 et France 2, jeudi 6 juin, à l'occasion du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie et les incessants passages médiatiques du Premier ministre, qui est allé jusqu'à débattre en tête-à-tête face à Jordan Bardella le 23 mai ou à s'inviter dans un studio de Radio France, lundi 3 juin, pour soutenir sa candidate, le message du couple exécutif a été martelé.
"Je suis obligé de tout faire", aurait même déclaré en privé Emmanuel Macron, selon Le Parisien. Autant dire que le probable échec de la liste Renaissance sera avant tout le sien et celui du bilan de son gouvernement.
-
La surprise Glucksmann, les Verts en grand danger
Il y a cinq ans, Raphaël Glucksmann avait flirté avec le seuil des 5 % nécessaires pour envoyer des élus au Parlement européen. En 2024, il talonne Valérie Hayer dans les sondages et le voici présenté par de nombreux médias comme le nouvel homme fort de la gauche. Faisant de l'aide à l'Ukraine son axe de campagne principal, le leader du petit parti Place publique, allié du Parti socialiste, a rassemblé derrière lui l'ensemble des socialistes et capté une part non négligeable d'électeurs macronistes de centre-gauche déçus par le président de la République.
Pour autant, attention à ne pas tirer des conclusions trop hâtives en cas de bon résultat pour la liste de Raphaël Glucksmann : en 2019, les écologistes pensaient être en mesure de prendre le leadership de la gauche après les 13,48 % de Yannick Jadot aux européennes. Trois ans plus tard, ce dernier n'a totalisé que 4,63 % des voix à l'élection présidentielle de 2022.
Les Verts, justement, sont cette fois-ci en grand danger. Le parti de Marine Tondelier a été le premier des quatre partis de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) à faire savoir, fin 2022, qu'il partirait seul aux européennes. Cette élection réussit généralement plutôt bien aux écologistes : 16,28 % des voix en 2009, 8,95 % en 2014 et 13,48 % en 2019. Ses dirigeants pensaient donc profiter de ce scrutin pour affirmer leur marque et faire valoir leurs différences avec le reste de la gauche. Le pari est en passe d'être perdu, si on en croit les sondages. La liste menée par Marie Toussaint est donnée entre 5 et 7 %, derrière celles du Parti socialiste et de La France insoumise, mais surtout tout juste au-dessus du fameux seuil de 5 %. L'inquiétude est grande chez les Verts de se réveiller lundi matin sans aucun député européen.
-
Ukraine, Gaza, immigration, agriculture : ces sujets qui ont dominé la campagne
La campagne des élections européennes passe souvent à côté des vrais enjeux, et le scrutin a généralement tendance à être rendu à des enjeux nationaux, à la fois par les partis et par les médias. Le contexte de la guerre en Ukraine et de la colère des agriculteurs européens au début de l'année a quelque peu changé la donne. Il a ainsi été beaucoup question de politique agricole commune (PAC) en janvier et février. Le Salon de l'agriculture, fin février, où se sont pressées toutes les têtes de liste, a d'ailleurs été le coup d'envoi médiatique de la campagne.
La guerre en Ukraine, l'aide apportée par l'Union européenne et la question d'une défense européenne ont aussi beaucoup occupé les débats, Raphaël Glucksmann et Valérie Hayer, en particulier, en faisant le thème majeur de leur campagne respective. À l'inverse, Manon Aubry, de La France insoumise (LFI), accompagnée de la militante de la cause palestinienne Rima Hassan (7e sur sa liste), a choisi de faire de la situation à Gaza l'axe fort de sa campagne. L'opération a tellement bien marché que les électeurs ont pu avoir l'impression que LFI ne parlait que de ça, alors que Manon Aubry a fait campagne sur de nombreux autres sujets, dont ceux de l'austérité budgétaire, du pouvoir d'achat et de l'énergie.
Enfin, signe de la montée des extrêmes droites dans de nombreux pays européens et de la reprise de leurs idées par la droite et le centre, l'immigration a animé les débats du début à la fin de la campagne – les uns souhaitant bâtir une Europe forteresse, les autres voulant accueillir dignement les migrants.
Pour autant, impossible d'échapper à une nationalisation des enjeux. Jordan Bardella et le Rassemblement national ont transformé le scrutin en un référendum pour ou contre Emmanuel Macron. Ce dernier a une nouvelle fois réduit le scrutin à un face à face entre lui et l'extrême droite, présentant les élections européennes comme un référendum pour ou contre l'Europe. De son côté, Jean-Luc Mélenchon a carrément lancé la campagne de son parti en affirmant qu'aux européennes se jouait le premier tour de l'élection présidentielle de 2027.
-
Environnement, pouvoir d'achat, santé : ces sujets passés à la trappe
Dans ce contexte, certains sujets pourtant essentiels et directement liés aux prérogatives du Parlement européen ont été oubliés du débat médiatique. Contrairement à la campagne de 2019, il a très peu été question d'environnement, de réchauffement climatique ou de biodiversité en 2024. Les enjeux de pouvoirs d'achat, de santé et de transports sont également passés à la trappe.
Pourtant, lorsqu'il a été demandé aux Français de classer les enjeux dont devrait s'occuper en priorité l'Union européenne, 37 % d'entre eux ont répondu la lutte contre le changement climatique, 34 % ont répondu les questions migratoires, 27 % la santé et 26 % la lutte contre la pauvreté, selon un sondage commandé par le collectif du Pacte de pouvoir de vivre. Or, trois de ces quatre préoccupations n'ont pas ou peu été abordées durant la campagne.