
Odes à la diversité, films choc, sanguinolents, classiques ou novateurs, le cru cannois 2024 n’a pas dérogé à la règle, dévoilant une palette exhaustive de genres cinématographiques issus des quatre coins du globe. Mais il n’y a qu’une seule Palme d’or, dont l’attribution suscite comme chaque année de vifs débats, à l’approche de la cérémonie de clôture.
“Anora” de l’américain Sean Baker, “Emilia Pérez” et “The Substance” des français Jacques Audiard et Coralie Fargeat, “Bird” de la britannique Andrea Arnold ainsi que le film chinois de Jia Zhangke, “Caught by the Tides”, font partie des films les plus plébiscités.
Mais les diffusions tardives des très attendus “Les Graines du figuier sauvage” du réalisateur iranien Mohammad Rasoulof ou bien du film indien “All we imagine as light” pourraient bousculer ces prévisions. Sans compter que les goûts des journalistes ne sont pas toujours ceux du jury.
“Anora” le chouchou de la presse
Diffusé au début de la deuxième semaine du festival, “Anora” huitième film du cinéaste américain Sean Baker, a été salué de manière quasi-unanime par la presse internationale sur la Croisette. Ani, jeune stripteaseuse devenue call-girl se marie avec son client, le fils d’un oligarque russe. Le conte de fées tourne au vinaigre lorsque les parents du jeune homme débarquent pour faire annuler cette union. Ani, de son côté, ne compte pas se laisser faire.
“C’est l’un des meilleurs films de Sean Baker, dont la devise pourrait être : il ne faut jamais sous-estimer qui que ce soit” se réjouit le journaliste britannique John Bleasdale, critique de films pour les médias Variety, Sight & Sound ou bien encore Cine-Vue, depuis le Palais du festival. Ziyue Zhang, journaliste chinois, partage son enthousiasme. “Ce film mérite de gagner car c’est une histoire très émotionnelle qui résonne pour tous, au-delà des cultures”.

L’élégant “Emilia Pérez”
Le film de Sean Baker a volé la vedette à la comédie musicale de Jacques Audiard “Emilia Pérez”, récit d’un chef de cartel qui décide de changer de sexe pour retrouver sa vraie nature, considéré comme le premier gros coup de cœur du festival. Mais pour la journaliste italienne Gabriella Gallozzi, le réalisateur français demeure le candidat le plus sérieux à la Palme.
“C’est un film élégant, post-moderne qui expérimente des nouveaux langages et peut parler à la jeunesse. C’est l’incarnation parfaite du nouveau cinéma politique” commente cette habituée du Festival de Cannes qui attribuerait volontiers au lauréat de de la Palme d’or de 2015, avec le film Dheepan, son second sacre.

La baffe “The Substance”
Mais la compétition est rude à Cannes, comme en témoigne le percutant “The Substance”, film de genre aussi sanguinolent que jouissif, qui ressuscite Demi Moore pour un duo de choc avec Margaret Qualley. Le film de Coralie Fargeat, réinterprétation très personnelle du mythe de la jeunesse éternelle, a sidéré la Croisette et impressionné les critiques par sa maîtrise et sa créativité.
Peut-il pour autant remporter la récompense suprême ? La question divise. Comparé, avant même sa projection cannoise, à l’horrifique “Titane”, Palme d’or de 2022 signé Julia Ducournau, “The Substance” serait le deuxième film du genre à l’emporter en à peine trois ans alors que ce style de films est une rareté en sélection officielle. Un timing peu favorable jugent certains.
Les autres pistes...
Parmi les autres films particulièrement appréciés figurent “Grand Tour” du portugais Miguel Gomes, film historique, minimaliste et grandiose dont certains jugent qu’il a toutes ses chances. “Caught by the Tides”, dernier long-métrage du réalisateur chinois Jia Zhangke semble lui aussi bien positionné. Une question reste néanmoins en suspens : que recherche le jury présidé par Greta Gerwig ?
On connaît l'intérêt prononcé de la réalisatrice de “Barbie” pour le thème du patriarcat et les personnages de femmes fortes. Mais dans ce domaine les candidat(e)s ne manquent pas : “The substance”, “Diamant Brut” d’Agathe Riedinger, “Bird” d’Andrea Arnold ou bien “La fille à l’aiguille” de Magnus von Horn rentrent tous dans cette catégorie.
“De la part de Greta Gerwig, je verrais bien un choix assez consensuel comme “Bird”, qui est un bon film bien qu’assez classique” analyse le critique John Bleasdale. "Et “Diamant brut" pourrait être un choix intéressant, c’est le seul premier film de la compétition, réalisé par une femme avec lui aussi un personnage féminin très fort”.
D'autres misent sur "Les Graines du figuier sauvage" du réalisateur iranian Mohammad Rasoulof, dont la fuite d’Iran après sa condamnation à plusieurs années de prison, a fait les gros titres en ce début de festival. La remise en main propre de la Palme au cinéaste persécuté, dont la présence a été confirmée à la dernière minute, resterait à coup sûr comme une image marquante de l’histoire de Cannes.
