logo

Meryl Streep, Juliette Binoche et un soupçon de #Metoo en ouverture du Festival de Cannes
La 77e édition du Festival de Cannes s’est ouverte mardi avec la remise d’une Palme d'or d'honneur à l’actrice américaine Meryl Streep, inaugurant une quinzaine marquée par le sujet des violences sexuelles et la rocambolesque évasion d’Iran du réalisateur Mohammad Rasoulof.

Des stars internationales, un réalisateur évadé d’Iran et un parfum de scandale #Metoo… Après un compte à rebours sous tension, la 77e édition du Festival de Cannes s’est finalement ouverte, mardi 14 mai au soir, lors d’une cérémonie célébrant la légende d'Hollywood Meryl Streep. L’actrice à la longévité exceptionnelle, lauréate de trois Oscars s’est vu décerner une Palme d'or d'honneur pour l’ensemble de son œuvre, par l’actrice Juliette Binoche, qui n’a pu retenir une larme durant son discours.

“Longue carrière, longs applaudissements” a réagi, émue, la star hollywoodienne, ovationnée avec ferveur. “Je suis tellement reconnaissante que vous ne vous soyez pas lassé de moi et descendus du train” a-t-elle déclaré avant de recevoir son prix.

Meryl Streep et Juliette Binoche ont déclaré le 77e @festival_cannes officiellement ouvert ! ✨#Cannes2024 pic.twitter.com/eRa38MlqKR

— france.tv cinéma (@francetvcinema) May 14, 2024

En introduction de l’évènement, la maitresse de cérémonie Camille Cottin a savouré le moment. “Un tel lieu de retrouvaille est une chance inouïe”, a-telle souligné, après avoir dressé une liste non exhaustive des menaces planant sur notre monde. L’actrice s’est également fendue d’une allusion bien sentie au thème des violences sexuelles, qui agite l’industrie du cinéma et la Croisette : “Les rendez-vous professionnels nocturnes dans les chambres d'hôtel des messieurs tout-puissants ne font plus partie du vortex cannois".

Vingt-deux films sont en lice pour la Palme d’or décernée samedi 25 mai par le jury présidé par la réalisatrice américaine du film “Barbie” Greta Gerwig. 

Parmi les réalisateurs en compétition, Mohammad Rasoulof a d’ores et déjà fait l’évènement. Contre toute attente, cette grande voix du cinéma iranien, a annoncé lundi qu’il était parvenu à fuir son pays alors qu’il a écopé d'une peine de prison pour "collusion contre la sécurité nationale".

Réfugié dans un lieu tenu secret en Europe, il ne sait pas encore s'il pourra s'y rendre être présent à Cannes pour présenter "Les graines du figuier sauvage", son dernier film. Mardi, il s’est alarmé de la situation de ses équipes restées en Iran, dans un communiqué, appelant le cinéma mondial d'apporter un "soutien fort" aux réalisateurs menacés.

#Metoo dans tous les esprits

Outre cette rocambolesque évasion, la 77e édition du festival sera une nouvelle fois marquée par le thème des violences sexuelles, sept ans après la chute du producteur américain Harvey Weinstein, et cinq mois après la prise de parole marquante, en France, de Judith Godrèche.

L’actrice et réalisatrice a parlé avec passion de la nécessité d'un changement lors des Césars, ainsi que devant une commission du Sénat, appelant à mettre fin aux abus sexuels d’une industrie cinématographique "incestueuse". 

La comédienne, qui a accusé les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon de viols dans son adolescence, présentera mercredi un court métrage "Moi aussi", rassemblant de nombreux témoignages de victimes qui l’ont contacté depuis ses prises de paroles.

"Son combat à Judith Godrèche, elle en fait un geste cinématographique, (...) pas un combat personnel", a souligné mardi le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, sur France Inter.  

Un temps fort, au moment où 100 personnalités, dont de nombreuses actrices (Isabelle Adjani, Emmanuelle Béart, Juliette Binoche...) appellent à une loi intégrale contre les violences sexuelles en France.  

Une dose de légèreté avec le boulimique Dupieux

Dans ce contexte grave, les organisateurs du festival de Cannes ont souhaité cette année éviter au maximum les polémiques au sein de la programmation du festival. Exit donc les stars controversées comme Johnny Depp, qui avait fait en 2023 son grand retour en Roi Soleil dans le "Jeanne du Barry" de Maïwenn. Pour l’ouverture, le festival a misé en 2024 sur une valeur sure et sans risque, le fantasque réalisateur français Quentin Dupieux, de retour avec "Le deuxième acte". 

Cet habitué du festival est sans conteste le cinéaste le plus prolifique du moment, avec pas moins de cinq longs métrages sortis au cours des deux dernières années. Pour cette comédie décalée et grinçante sur le cinéma, mettant en scène un combat d’égos entre quatre acteurs, il a réuni comme à son habitude un casting cinq étoiles composé cette fois de Léa Seydoux, Louis Garrel, Vincent Lindon et de Raphael Quenard.

Cette première, diffusée dans la foulée de la cérémonie d’ouverture, donne le coup d’envoi d’une "grande fête", selon les mots de Thierry Frémaux, proposant une liste impressionnante de films d'auteurs célèbres et de vedettes hollywoodiennes.

Les vétérans du 'Nouvel Hollywood' et un jeune Donald Trump

L’œuvre la plus attendue est certainement la superproduction autofinancée de Francis Ford Coppola, "Megalopolis", une épopée romaine avec Adam Driver en architecte visionnaire cherchant à reconstruire un New York au bord de l’abime. Ce projet, qui a pris des décennies à se concrétiser, 45 ans après le second triomphe à Cannes de Coppola, parvenu à remporter une Palme d'or avec un montage inachevé d'"Apocalypse Now".  

Un autre vétéran du 'Nouvel Hollywood', Paul Schrader, est de retour sur la Croisette, un demi-siècle après avoir écrit le scénario de "Taxi Driver" de Martin Scorsese, qui avait lui aussi remporté une Palme d'or. Sa dernière œuvre, "Oh, Canada", met en scène Richard Gere dans le rôle d'un cinéaste mourant qui raconte sa vie dans le cadre d'un documentaire.

Autre mastodonte du cinéma hollywoodien et non des moindres : le créateur des sagas "Star Wars" et "Indiana Jones" George Lucas, qui recevra une Palme d'or honorifique lors de la cérémonie de clôture du festival.

Parmi les autres films en lice pour la Palme d'or, citons "Kinds of Kindness", qui réunit Emma Stone et le réalisateur Yorgos Lanthimos, tout juste auréolé de leur succès aux Oscars avec "Poor Things". Le film met en vedette la jeune actrice Margaret Qualley, fille d'Andie McDowell, qui joue également dans le retour improbable de Demi Moore, le film d'horreur et d'épouvante" The Substance". 

Les cinéphiles sont également impatients de découvrir les nouvelles œuvres du maître de l'horreur corporelle David Cronenberg ("The Shrouds"), de l'Italien Paolo Sorrentino ("Parthenope") et de la Britannique Andrea Arnold ("Bird"), qui recevra le Carosse dans le cadre de la Quinzaine des Cinéastes.

La politique américaine pointera le bout de leur nez avec "The Apprentice", un biopic sur les années de formation de Donald Trump réalisé par le cinéaste originaire d’Iran Ali Abbasi.  

Hors compétition, l'acteur et réalisateur américain Kevin Costner revient à son genre favori, le western, avec l'épopée "Horizon : une saga américaine". L'une des plus grandes productions chinoises, "She's Got No Name", met en scène la mégastar Zhang Ziyi qui aborde le sujet très sensible des droits de la femme. Et pour mettre le feu aux poudres, le festival accueillera "Furiosa : A Mad Max Saga", la dernière dystopie apocalyptique de George Miller. 

Avec AFP