Elle s'appelait Cricket et elle était âgée d'un an et deux mois environ. La mort prématurée de la jeune chienne de la gouverneure républicaine du Dakota du Sud Kristi Noem a provoqué un tollé aux États-Unis.
Le Guardian a en effet révélé, vendredi 26 avril, que cette politicienne, pressentie pour être la colistière et potentielle vice-présidente de Donald Trump, avait tué l'animal avec une arme à feu. Le journal britannique a eu accès aux pages de ses Mémoires publiés le 7 mai dans lesquels elle raconte cet épisode.
"Je détestais cette chienne" qui avait notamment gâché, explique-t-elle, une chasse au faisan parce qu'elle était surexcitée, puis avait tué des poulets. La gouverneure a donc jugé bon de se débarrasser de ce braque allemand en lui tirant dessus. "Ce n'était pas agréable, mais ça devait être fait. Et une fois que j'en ai eu fini, je me suis rendue compte qu'un autre travail désagréable devait être fait".
Il restait en effet un bouc à abattre, poursuit-elle sans ciller dans ce livre intitulé "No going back, the thruth on what's wrong with politics and how we move America forward" (Pas de retour en arrière, la vérité sur ce qui ne va pas en politique et comment nous faisons progresser l'Amérique). Le caprin étant "méchant" et sentant mauvais (une odeur "rance" et "dégoûtante"), il a lui aussi été éliminé.
"Ne votez pas pour quelqu'un à qui vous ne confieriez pas votre chien"
Ces révélations ont immédiatement provoqué un tollé général en pleine campagne pour la présidentielle de novembre. La gouverneure a rapidement été comparée au personnage de Cruella dans le dessin animé "Les 101 dalmatiens". Dans un pays qui adore les chiens, les confessions de la Républicaine Kristi Noem ont suscité de très vives réactions tout particulièrement dans le camp adverse.
L'équipe du président démocrate Joe Biden, son rival, a sauté sur l'occasion, publiant une photo de la gouverneure avec Donald Trump. "Kristi Noem se vante d'avoir abattu son chiot", a proclamé l'équipe sur X.
Les gouverneurs démocrates du Minnesota et du Michigan, Tim Walz et Gretchen Whitmer, ont eux aussi tenté de lancer une tendance sur X : "Publiez une photo avec votre chien qui n'implique pas de l'abattre et de le jeter dans une fosse", ont-ils écrit en partageant des clichés d'eux avec leurs animaux.
Ready for the weekend 💙 🐾 pic.twitter.com/DlD0rf4UOf
— Biden-Harris HQ (@BidenHQ) April 26, 2024Hillary Clinton, candidate démocrate malheureuse face à Donald Trump en 2016, a republié lundi sur X un commentaire qu'elle avait rédigé en 2021 : "Ne votez pas pour quelqu'un à qui vous ne confieriez pas votre chien". "Toujours d'actualité", a-t-elle grincé.
Une vie de chien à la Maison Blanche
Tout en pointant du doigt Kristi Noem, l'ancienne First Lady faisait aussi allusion au manque d'intérêt du candidat républicain pour la race canine. Donald Trump avait en effet été le premier président en plusieurs décennies à ne pas avoir de chien à la Maison Blanche. John Adams, le premier à occuper les lieux de la Maison Blanche en 1800, en avait trois, mais c'est Fala, le scottish terrier de Franklin D. Roosevelt, qui avait véritablement lancé la popularité des animaux domestiques des présidents, faisant même l'objet d'un documentaire.
Plus récemment, Barack Obama avait promis à ses deux filles qu'il ferait rentrer un chien à la Maison Blanche en cas de victoire à l'élection présidentielle. Il a tenu parole en adoptant en 2009 Bo, un chien d'eau portugais devenu une star. Sa mort d'un cancer en 2021 avait été officiellement annoncée par le couple Obama sur leur compte Instagram.
Après le mandat sans canin de Donald Trump, Joe Biden a lui aussi perpétué cette tradition en faisant vivre à ses côtés à Washington son berger allemand appelé Commander. Mais ce chien a depuis été exclu de la Maison Blanche après avoir mordu plusieurs agents de sécurité.
Des explications qui peinent à convaincre
Dans son livre, Kristi Noem affirme qu'elle souhaitait raconter comment elle a tué Cricket pour montrer qu'elle est prête, en politique comme dans sa vie, à faire le nécessaire, même si c'est "moche" et "difficile". Après les révélations du Guardian, elle a écrit dimanche sur X que "les gens cherchent des dirigeants authentiques, prêts à tirer des leçons du passé et qui ne reculent pas face aux défis difficiles". "Comme je l'ai expliqué dans le livre, ce n'était pas facile. Mais souvent, ce qui est facile, ce n'est pas ce qu'il faut faire", a-t-elle poursuivi.
I can understand why some people are upset about a 20 year old story of Cricket, one of the working dogs at our ranch, in my upcoming book — No Going Back. The book is filled with many honest stories of my life, good and bad days, challenges, painful decisions, and lessons…
— Kristi Noem (@KristiNoem) April 28, 2024Mais ses explications peinent à convaincre. Interrogée par le Washington Post, Joan Payton de l'association américaine du braque allemand souligne que la politicienne aurait dû faire preuve de plus de patience avec son jeune chien et prendre le temps de l'éduquer : "Je ne sais pas ce qui est le plus stupide : assassiner son chien ou le raconter dans un livre".
Mais pour Reynold Nesiba, membre démocrate du Sénat du Dakota du Sud, ces révélations sont peut-être plus calculées qu'elles n'y paraissent. Comme il le décrit au Washington Post, cette histoire circulait depuis plusieurs années et s'apprêtait à être rendue publique alors que Kristi Noem est pressentie pour être la colistière de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche : "Elle savait qu’il s’agissait d’une vulnérabilité politique et elle devait le faire savoir avant que cela ne soit évoqué ailleurs".
Des positions très conservatrices
Populaire dans le Midwest où plusieurs États-clés sont courtisés par les démocrates et les républicains, elle avait jusqu'à présent le vent en poupe. Elle était apparue en mars dernier aux côtés de l'ancien président lors d'un meeting dans l'Ohio.
Après avoir grandi dans le ranch familial dans son Dakota natal, elle a arrêté tôt ses études pour reprendre la ferme de ses parents, une exploitation de 4 000 hectares évaluée à deux millions de dollars. Ancienne reine de beauté, elle s'est ensuite engagée en politique au début des années 2000.
Souvent comparée à l'ancienne candidate républicaine à la vice-présidence Sarah Palin, Kristi Moem n'a jamais perdu une seule élection. Elle est connue pour ses positions conservatrices. Lors de l'épidémie de Covid-19 en 2020, elle avait refusé de confiner le Dakota du Sud. Cette mesure avait été saluée par Donald Trump. Dans la foulée de l'annulation de l'arrêt Roe vs Wade par la Cour suprême en juin 2022, elle avait aussi annoncé que l'avortement était désormais illégal dans son État.
Il y a encore quelques jours, elle faisait figure de favorite chez les parieurs de Las Vegas pour être le premier choix de l'ancien président comme colistière. Mais le scandale de "Cricket" pourrait bien lui coûter cher. Comme l'a souligné dans un message sur X, Meghan McCain, la fille de l'ancien sénateur républicain John McCain qui avait choisi Sarah Palin comme colistière : "Vous pouvez vous remettre de tout un tas de choses en politique et réécrire l'histoire, mais pas d'avoir tué un chien".
You can recover from a lot of things in politics, change the narrative etc. - but not from killing a dog.
All I will distinctly think about Kristi Noem now is that she murdered a puppy who was "acting up" -which is obviously cruel and insane.
Good luck with that VP pick lady... https://t.co/HHcfzsmKRI
Avec AFP.