
À trois mois des Jeux olympiques, Hélène Noesmoen s'y projette déjà. Quand elle n'est pas en compétition, elle s'entraîne quasiment chaque jour dans la marina de Marseille, où auront lieu les épreuves de voile. Elle entrera en lice dès le dimanche 28 juillet, et si tout se déroule bien, elle concourra pour une médaille le vendredi 2 août.
"L'ambition est de décrocher la médaille d'or. Mais dans la voile, le niveau est dense : n'importe quelle membre du top 20 peut gagner", explique la véliplanchiste. "C'est l'évènement sportif où tout le monde arrive le couteau entre les dents ! Les JO, c'est un seul représentant par pays et par discipline, et ça n'a lieu que tous les quatre ans. Je suis fière d'y participer."
La sportive de 31 ans représentera la France en IQ foil, la discipline de planche à voile qui remplace le RS:X aux Jeux. Au lieu de flotter, la planche donne l’impression de voler grâce à l’utilisation de l’hydrofoil attaché sous la planche, la surélevant ainsi hors de l’eau.

Pour grimper sur le podium, Hélène Noesmoen mise sur deux atouts : sa connaissance du terrain, l'équipe de France ayant la chance de s'entraîner sur le plan d'eau de Marseille, et sa polyvalence. "Ma grosse force, c'est ma capacité d'adaptation, et à Marseille, c'est l'une des clés. Il y a des filles meilleures que moi dans toutes les conditions, des spécialistes de tel vent ou tel état de mer. Mais moi, je suis à l'aise quand c'est technique et tactique. Donc avec ce plan d'eau complexe, j'ai mes chances", estime-t-elle.
La voile en famille
Hélène Noesmoen est native des Sables-d'Olonne, un haut lieu mondial de la voile puisqu'y est donné le départ du Vendée-Globe tous les quatre ans. Elle baigne très vite dans l'univers marin : chez les Noesmoen, tout le monde fait de la voile. Son père est un ancien véliplanchiste de haut niveau qui bricole une planche à voile avec une canne à pêche en guise de mât pour leur permettre de naviguer dès leur plus tendre enfance.
Si dans un premier temps, la dernière de la fratrie Noesmoen se spécialise dans le RS:X, elle se réoriente vers l'IQ Foil dès l'annonce que celui-ci devenait une discipline olympique avec les JO de Paris en ligne de mire.
Et comme la voile est une affaire de famille, elle a construit quelques uns de ses plus grands succès avec l’un de ses frères, Pierre, entraîneur de l'équipe de France féminine d'IQ Foil.
"J'ai eu la chance de partager avec lui mes victoires en championnat d'Europe et du monde en 2021. En tant qu'athlète, on a besoin d'avoir confiance en nos entraîneurs, et c'est plus facile avec quelqu'un qui nous connait super bien. C'est important de pouvoir se comprendre très vite et de se dire les choses", loue la véliplanchiste. "Dans les moments durs, c'est une plus-value. Et dans les moments de joie, c'est tout simplement super de partager ça avec son frère."
Sa première olympiade IQ Foil a d'ailleurs été couronnée de succès. Elle a été sacrée championne d'Europe à trois reprises (2020, 2021 et 2022) et a remporté les championnats du monde de planche à voile sur foil en 2021, en Suisse. De quoi nourrir ses ambitions, même si une contreperformance majeure aux championnats du monde 2024 à Lanzarote (25e) a retardé jusqu'au dernier moment l'officialisation de sa sélection pour les JO. Mais elle fait bien partie des 14 membres de l'équipe de France de voile, répartis dans 6 disciplines
Fidèle à la devise de Juvenal "un esprit sain dans un corps sain", Hélène Noesmoen est ingénieure de formation, diplômée en génie civil de l'Insa Rennes. Elle a cependant mis de côté sa profession pour se consacrer pleinement à son sport, bénéficiant notamment du soutien de l'Armée des champions, comme la moitié des membres de l'équipe olympique de voile.
Ce dispositif est l'héritier du "bataillon de Joinville" que fréquentèrent moult gloires françaises, dont Michel Platini et Yannick Noah, du temps de la conscription. L'armée soutient les sportifs tricolores, leur offrant modeste salaire et accompagnement, assortis de perspectives d'évolution voire de reclassement pour ceux qui le souhaitent.
"L'océan, un terrain de jeu qu'on doit préserver"
Hélène Noesmoen est également une athlète engagée. Via l'association Water Family, elle tente d'œuvrer à la préservation de l'environnement, rappelant sans cesse "le devoir d'exemplarité des sportifs" : "Notre sport est magnifique. L'océan est notre terrain de jeu et on se doit de le préserver pour que les générations suivantes puissent en profiter autant que nous. L'océan est essentiel à la vie. Comme les arbres, il nous apporte également beaucoup d'oxygène", explique-t-elle.
"C'était donc important pour moi de m'engager pour faire passer ces messages. C'est ce que je fais avec la Water family, qui est une association qui sensibilise à la protection du cycle de l'eau et qui va dans les écoles pour éduquer les plus jeunes. On sait que c'est à la jeunesse qu'il faut parler, car ensuite ils sensibilisent leurs parents, leurs oncles, et ça fait boule de neige !"
La sportive réfléchit également à son empreinte carbone individuelle. Elle tente de mettre en adéquation ses valeurs avec les exigences du haut niveau. "C'est une position qui n'est pas facile à tenir si on veut vraiment être engagé, et pas être simplement dans la communication", juge-t-elle avant de tenir son raisonnement à voix haute.
"Comment avoir l'impact carbone le plus faible ? J'achète du matériel conçu en matières carbonées, je passe ma vie à droite à gauche pour faire des compétitions. Quand je m'entraîne, il y a souvent un zodiac qui me suit… Ce sont des choses dont il faudrait se passer dans le futur", regrette-elle.
"Cependant, si chacun reste dans son coin, les messages ne passent pas. Donc, j'essaie de voir à quel point, malgré mon impact négatif, j'arrive à embarquer des gens dans mon combat avec ma position. Et j'essaie aussi à mon échelle de limiter mon impact : je m'entraine la moitié de l'année à Brest, mais pour venir à Marseille, je prends le train même si l'avion existe. J'évite aussi de partir m'entrainer aux quatre coins du monde pendant l'hiver…", détaille Hélène Noesmoen.
"C'est une réflexion qui grandit dans le haut niveau. Des athlètes arrêtent à cause de ça. Il faut dire qu'en tant que sportifs en extérieur, on est chaque jour confrontés à la dégradation de l'environnement !", alerte-t-elle.
Nul doute qu'une médaille d'or l'été prochain sera l'occasion de faire passer haut et fort ce message.