L’artiste français Christian Boltanski s’empare du Grand Palais jusqu’au 21 février. Sous la nef, le plasticien installe son "Monumenta", une scénographie dérangeante qui renvoie à nos propres interrogations sur la vie et la mort.
Passant du rock’n’roll endiablé de Prince à l’audacieuse présentation de sous-vêtements signés Sonia Rykiel pour H&M, le Grand Palais redescend son thermostat en accueillant la troisième édition de "Monumenta" : une initiative du ministère de la Culture, qui propose chaque année à un artiste de renommée internationale de confronter son propre regard à l’espace monumental de la nef du Grand Palais.
Cette année, l’artiste phare de la scène française d’art contemporain, Christian Boltanski, propose "Personnes", scénographie qui poursuit un travail de mémoire entamé depuis un demi-siècle.
Boltanski de plein fouet
Avec la lumière sombre de l’hiver et les températures qui l’accompagnent, le visiteur pénètre dans le monument et tombe nez à nez avec un mur composé de centaines de boîtes à biscuits rouillées et numérotées, de sorte que le visiteur se coupe de la réalité pour pénétrer dans un monde différent. Ce mur aux airs funéraires fait office de sas de transition. A l’autre bout de la nef, un immense bras mécanique vient piocher des vêtements avant de le rejeter sur un tas de haillons démesuré. Dans les allées, le sol est jonché de vêtements usés et de photos trouvées. Quelque 31 tonnes de pulls, pantalons et chaussures "ayant appartenus" - comme le dit Boltanski - évoquent les rivages d’Asie ravagés par le tsunami ou encore les camps de concentration écumés par la mort. Dépouillé de son habituel apparat, le sol du Grand Palais (béton dur et brut) résonne au son des battements de cœur qui rythment cette scénographie.
Un retournement de la tragédie vers la vie
Si au premier regard, l’installation semble quelque peu dépouillée, tout y est pourtant. L’artiste à volontairement avancé son exposition, à l’origine prévue au printemps, au mois de janvier pour s’assurer que la lumière et le froid soient des composantes de cette œuvre qu’il veut comme une expérience. "Le fait d’avoir froid, d’être angoissé et bouleversé, de chercher la sortie, de vouloir retrouver la vie à tout prix est une expérience originale. Mes installations sont souvent propices à de pareils retournements. Après avoir progressé au travers des lieux sombres et tristes, on retrouve soudain un espace de vie et de mouvements joyeux. En sortant du Grand Palais, je suis convaincu que les gens éprouvent du soulagement", indique le créateur à France 24.
Contrairement aux expositions classiques où l’art défile sous nos yeux, l’artiste Boltanski a souhaité que le spectateur pénètre à l’intérieur de l’œuvre. "Plutôt qu’un objet de contemplation, cette installation forme un espace d’immersion", explique son fondateur qui compare son travail à l’enfer de Dante.
"Personnes", une expérience intime
Le travail de Christian Boltanski - né à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans une famille juive - qu’il soit peinture, sculpture ou vidéo résonne comme un memento mori. Dans un livre d'entretien "La Vie possible de Christian Boltanski", publié aux éditions Seuil en 1997, l'artiste, qui dit ne s'être jamais remis de la Shoah, confie que "la référence à l'Holocauste est toujours présente." Et d'ajouter que "ce sont des images qui [le] hantent." Pour autant, l'artiste atteste devant les caméras de France 24, qu'au-delà de la Shoah, il évoque "la destinée humaine en général, une mort qui frappe au hasard".