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L'Espagne rurale se rebelle contre la course aux énergies renouvelables
En Castille-et-León, une région située dans le nord de l’Espagne, 95 % de la production d’électricité est d’origine renouvelable. Un record dans le pays. Mais la multiplication des parcs éoliens et photovoltaïques n’est pas au goût de tout le monde. Sur ce territoire riche en biodiversité et en patrimoine culturel, les mégaprojets sont pointés du doigt par une partie de la population locale.

"On a l'impression d'être une colonie européenne." Jaime Nuño González, archéologue, se tient au pied de la montagne Palentina, dans la région espagnole de Castille-et-León, à quelques kilomètres de son village. Juste derrière lui, le "chemin oublié", l'une des plus anciennes branches du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. "Aujourd'hui, il est menacé par trois centrales photovoltaïques, soit 150 hectares de panneaux solaires, explique-t-il. Le pèlerin, au lieu de traverser un paysage naturel, va se retrouver dans un paysage totalement industriel."

Le projet se situe aux abords d'une zone protégée Natura 2000 et en plein milieu d'un site labelisé Géoparc par l'Unesco. Une aberration pour Jaime et ses camarades, réunis dans une plateforme de défense citoyenne. Ils dénoncent la multiplication de ces grands projets dans un territoire riche en biodiversité et patrimoine culturel. Mais, dans cette région dépeuplée du nord du pays, l'opposition reste timide. "Ils s'installent ici parce que les terrains ne sont pas chers, dénonce Jaime. Et comme nous sommes peu nombreux et âgés, il n'y a pas de masse critique pour s'y opposer."

Le feu vert environnemental 

Avant de s'installer, les entreprises doivent réaliser une étude environnementale pour obtenir le feu vert de la région ou du ministère de l'Environnement, suivant la taille de la centrale. "Nous n'utilisons jamais de terrains de grande valeur environnementale", affirme Silvia Alonso Guijarro, attachée de presse chez Solaria. L'entreprise, qui installe 40 % de ses fermes photovoltaïques en Castille-et-León, réalise ses propres études en interne. 

Le ton se veut rassurant également du côté du conseil régional. "Tous les projets sont soumis à une étude d'impact environnemental. Il s'agit d'un processus très rigoureux au cours duquel des techniciens déterminent si un projet donné a un impact intolérable sur l'environnement naturel", se défend Juan Carlos Suárez-Quiñones, conseiller régional chargé du portefeuille Environnement.

Les collectifs de défense, eux, contestent régulièrement l'implantation de projets. Mais les démarches administratives et légales sont compliquées. "Jusqu'à présent, les administrations se sont toujours rangées du côté des entreprises et n'ont pas favorisé le dialogue social", explique Rosa Pardo, présidente d'Aliente, l'alliance nationale des plateformes de défense citoyenne. 

Une région à 95 % verte ?

En Castille-et-León, 95 % de la production d'énergie est déjà d'origine renouvelable. "Nous devons faciliter la décarbonisation", insiste Juan Carlos Suárez-Quiñones. L'Union européenne a des objectifs ambitieux : réduire les émissions de CO2 de 55 % d'ici 2030 par rapport à 1990. 

"Il y a 13 100 mégawatts d'énergie renouvelable installés dans la région et nous exportons pas moins de 55 % de ce que nous produisons", ajoute le conseiller régional. Alors la région compte développer davantage cette industrie, afin de pouvoir exporter encore plus d'énergie verte. "Nous sommes une communauté solidaire de l'ensemble du pays et de l'Europe", se félicite-t-il. "La priorité du gouvernement et des régions est d'atteindre des objectifs pour être en mesure de publier des chiffres, regrette de son côté Rosa Pardo. Alors ils se disent qu'il n'y a qu'à installer les centrales là où il n'y a rien – mais il y a des paysages, de l'agriculture, des gens qui vivent !"

La concentration des centrales est de plus en plus pointée du doigt. Trois régions réunissent la moitié des capacités éoliennes installées : Castille-et-León, Aragon et Castille-La Manche. "On est sur un déploiement qui donne la priorité à ces grandes installations, regrette la militante. On pourrait imaginer un modèle décentralisé qui donne la priorité à l'autoconsommation et aux communautés énergétiques. Mais on a déroulé le tapis rouge aux grandes entreprises, dont l'objectif fondamental est la spéculation financière plutôt que la production d'énergie verte."

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