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Israël menacé de disqualification à l'Eurovision pour une chanson sur les attaques du 7 octobre
La participation d'Israël à l'Eurovision est sous le feu des critiques. Alors que des appels à bannir l'État hébreu du concours se multiplient en raison de la guerre à Gaza, la chanson choisie par la candidate israélienne suscite aussi la controverse. Intitulée "October rain", elle fait référence aux attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre.

"October rain" (la pluie d'octobre). La référence ne laisse peu de place au doute. La chanson proposée par Israël pour le concours de l'Eurovision, organisé le 11 mai prochain à Malmö en Suède, fait directement échos aux attaques commises par le Hamas, le 7 octobre dernier.

Mais ce choix pourrait entraîner la disqualification de l'État hébreu pour l'événement, selon le site israélien YNet. Le règlement de l'Eurovision interdit en effet tout message politique dans les morceaux présentés lors de ce show paneuropéen.

Eden Golan has won 'HaKokhav HaBa' and will represent Israel at #Eurovision2024 🇮🇱 pic.twitter.com/hwi2KWFHtg

— Eurovision Song Contest (@Eurovision) February 6, 2024

D'après le site LPHinfo, la chanson, encore inconnue du public et qui doit être interprétée par Eden Golan, une jeune artiste de 20 ans, comporte les paroles suivantes majoritairement en anglais :

"Des heures et encore des heures et des fleurs

La vie n'est pas un jeu pour les peureux

Pourquoi le temps devient fou

Chaque jour je perds la tête

M'accrochant à ce voyage mystérieux

Dansant dans la tempête

Nous n'avons rien à cacher

Ramenez-moi à la maison

Laisse le monde derrière

Et je te promets que plus jamais ça

Je suis encore mouillé par la pluie d'octobre

Pluie d'octobre"

Les trois dernières phrases d'"October rain" sont en revanche chantées en hébreu :

"Il n'y a plus d'air pour respirer  

Pas de place, pas de moi au jour le jour

C'étaient tous de bons enfants, chacun d'eux."

"Nous ne changerons pas les paroles"

Un porte-parole de l'Union européenne de radiotélévision (UER) qui valide les textes a confirmé au Huffington Post qu'une analyse de ce texte était en cours : "L'UER est en train d'examiner les paroles. (…) Si une chanson est jugée inacceptable pour quelque raison que ce soit, les diffuseurs ont alors la possibilité de soumettre une nouvelle chanson ou de nouvelles paroles conformément aux règles du concours".

Même si la décision lui est défavorable, Israël a d'ores et déjà indiqué que le pays allait conserver ce titre. "Nous ne changerons pas les paroles ni la chanson, même au prix de la non-participation d'Israël à l'Eurovision cette année"a ainsi déclaré le radiodiffuseur public israélien Kan.

Face à la polémique, le ministre israélien de la culture et des sports Miki Zohar est lui aussi monté au créneau en défendant ce morceau : "L'intention de l'UER de disqualifier la chanson israélienne à l'Eurovision est scandaleuse. C'est une chanson émouvante qui exprime les sentiments du peuple et du pays aujourd'hui et elle n'est pas politique", a-t-il écrit sur X, tout en appelant l'UER à "agir de manière professionnelle et neutre et à ne pas laisser la politique influencer l'art".

כוונת איגוד השידור האירופי לפסול את השיר הישראלי לאירוויזיון - שערורייתית.

השיר של ישראל אותו תבצע עדן גולן הוא שיר מרגש, שמביא לידי ביטוי את רחשי העם והמדינה בימים אלה, ואינו פוליטי.

— Miki Zohar מיקי זוהר (@zoharm7) February 21, 2024

Comme le rappelle le New York Times, l'UER est déjà intervenue pour faire modifier des chansons proposées à l'Eurovision.  En 2009, la chanson retenue par la Géorgie avait été retoquée car elle contenait une référence à Vladimir Poutine, alors Premier ministre russe. En 2015, l'Arménie avait également dû changer le titre de son morceau "Don't Deny" en "Face the Shadow" en raison de sa référence évidente au refus de la Turquie de reconnaitre le génocide arménien.

Des appels à l'exclusion d'Israël

Cette polémique s'ajoute à des appels à bannir Israël du concours face à la guerre à Gaza, déclenchée par l'attaque d'une ampleur inédite lancée le 7 octobre par le Hamas en Israël depuis le territoire palestinien.

Comme le décrit Times Of Israël, une association représentant les artistes islandais (FTT) a ainsi demandé au radiodiffuseur local RUV de ne pas participer à l'Eurovision à moins qu'Israël en soit exclu. En janvier, 1 400 musiciens finlandais et professionnels de l'industrie ont également signé une pétition demandant l'exclusion d'Israël du concours.

Interrogée par l'AFP à ce sujet, l'UER, qui regroupe les diffuseurs de la compétition, a réitéré jeudi 15 février la mise au point faite fin janvier par son directeur général, Noel Curran. "Les comparaisons entre les guerres et les conflits sont complexes et difficiles et, en tant qu'organisme de média apolitique, il ne nous appartient pas de les établir", avait alors expliqué ce dernier.

Il indiquait alors que l'UER était "consciente" des nombreuses voix qui s'élèvent pour exclure Israël du concours cette année. "Cependant, le concours Eurovision de la chanson est un événement musical apolitique et une compétition entre les radiodiffuseurs de service public membres de l'UER. Il ne s'agit pas d'un concours entre gouvernements", relevait le directeur général. Dans le cas d'Israël, "nos organes directeurs (...) ont convenu que le radiodiffuseur public israélien Kan satisfaisait à toutes les règles du concours pour cette année et qu'il pouvait participer comme il l'a fait au cours des 50 dernières années".

L'UER a déjà exclu des pays par le passé. En 1993, la Yougoslavie, alors dirigée par Slobodan Milosevic, avait été interdite d'Eurovision à la suite de sanctions de l'ONU liées à la guerre dans les Balkans. Plus récemment, la Russie a aussi été disqualifiée en raison de son invasion de l'Ukraine en 2022. "Dans le cas de la Russie, les radiodiffuseurs russes avaient été suspendus de l'UER en raison de leurs manquements persistants à leurs obligations de membre et pour avoir violé les valeurs du service public", a ainsi rappelé Noel Curran.

Le soutien de personnalités du monde artistique

Sous le feu des critiques, Israël peut toutefois compter sur le soutien d'artistes. L'actrice britannique Helen Mirren mais aussi le musicien Boy George ou encore Gene Simmons, un des fondateurs des géants du hard-rock Kiss, et plus de 400 autres célébrités ont publié le 14 février une lettre ouverte contre ces appels au boycott. "Nous avons été choqués et déçus de voir certains membres de la communauté du divertissement demander qu'Israël soit banni du concours pour avoir réagi au plus grand massacre de Juifs depuis l'Holocauste", peut-on lire dans ce document.

Over 400 Entertainment Industry Leaders Rally Behind Israel's Eurovision Inclusion!

Our open letter stands with the contestants and against efforts to politicize the event, emphasizing @Eurovision's power to foster unity through music.https://t.co/WBnrLP3aGr

— Creative Community for Peace (@CCFPeace) February 14, 2024

Ces personnalités ont rappelé la longue relation entre Israël, qui a remporté la compétition à quatre reprises, et l'Eurovision. Ils ont également insisté sur le fait que "des événements fédérateurs tels que les concours de chant sont cruciaux pour contribuer à combler nos divisions culturelles et unir les personnes de tous horizons autour de leur amour commun pour la musique".