![Opération terrestre à Rafah : le gouvernement Netanyahu veut rendre "la bande de Gaza inhabitable" Opération terrestre à Rafah : le gouvernement Netanyahu veut rendre "la bande de Gaza inhabitable"](/data/posts/2024/02/20/1708450982_Operation-terrestre-a-Rafah-le-gouvernement-Netanyahu-veut-rendre-la-bande-de-Gaza-inhabitable.jpg)
Le compte à rebours a commencé pour Rafah. Israël a menacé dimanche 18 février de mener une attaque au sol de grande envergure avant le début du ramadan, le mois du jeûne musulman qui commence cette année autour du 10 mars. De quoi alimenter l'inquiétude internationale sur le sort d'1,5 million de Palestiniens pris au piège dans cette ville du sud de la bande de Gaza.
"Si d'ici au ramadan, nos otages ne sont pas à la maison, les combats vont continuer partout, y compris dans la région de Rafah", a prévenu l'ancien ministre de la Défense Benny Gantz, membre du cabinet de guerre de Benjamin Netanyahu.
Resté jusque-là hermétique aux mises en garde de ses alliés occidentaux, le Premier ministre israélien semble lui aussi plus que jamais déterminé à poursuivre la guerre contre le Hamas. "Quiconque veut nous empêcher de mener une opération à Rafah nous dit en fait de perdre la guerre. Je ne vais pas céder à cela", a-t-il dit samedi, avant de réaffirmer dimanche viser "une victoire totale" contre le mouvement islamiste palestinien.
"Les déclarations de Benny Gantz traduisent une dissension au sein du cabinet de guerre", analyse sur l'antenne de France 24, l'expert militaire Guillaume Ancel. "Si les extrémistes conduits par Netanyahu veulent aller jusqu'au bout, les plus modérés comme Benny Gantz, veulent laisser une porte ouverte pour des négociations qui se passent actuellement très mal".
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D'après un responsable du Hamas, cité par le quotidien israélien Haaretz, l'arrivée au Caire mardi 20 février du leader du mouvement palestinien Ismaïl Haniyeh ne signifie pas une quelconque avancée dans les négociations.
Parrainés par l'Égypte et le Qatar, plusieurs cycles de discussions ont déjà eu lieu au Caire au début du mois mais sans permettre de parvenir à un accord sur une trêve et la libération des otages israéliens contre celle de prisonniers palestiniens. Selon l'État hébreu, 130 otages sont encore détenus à Gaza, dont 30 seraient morts, sur environ 257 personnes enlevées le 7 octobre.
Les discussions échoppent sur les demandes du Hamas qualifiées de "délirantes" par Benjamin Netanyahu. Celles-ci comprennent un cessez-le-feu, un retrait israélien de Gaza, la fin du blocus israélien du territoire palestinien et un abri sûr pour les centaines de milliers de civils palestiniens déplacés par la guerre.
"Plus que sur le Hamas, il s'agit ici de mettre la pression sur les partenaires impliqués dans les négociations, c'est à dire l'Égypte, le Qatar et les États-Unis", estime de son côté l'enseignant-chercheur et docteur en histoire militaire Tewfik Hamel qui voit dans cet ultimatum lancé par Israël un appel à la capitulation du mouvement islamiste.
Le crainte d'un "carnage"
En cas d'échec d'éventuelles nouvelles négociations, la perspective d'une offensive militaire sur cette ville surpeuplée fait craindre le pire pour les réfugiés palestiniens alors que plus de 29 000 personnes ont déjà été tuées à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas.
"Sur une superficie de 10 km2, il y a près d'1,5 million Palestiniens, cela va nécessairement générer un massacre de la population civile", pointe Tewfik Hamel. "Attaquer la ville de Rafah où se sont pressés les deux tiers de la population de Gaza, c'est commettre un carnage", abonde Guillaume Ancel qui rappelle que la ville est déjà soumise à des bombardements quotidien destinés "à préparer le terrain" à une attaque au sol.
"On ne peut même pas comprendre ce que cela signifierait pour tous ces déplacés. Une offensive militaire va créer encore plus de chaos", affirme de son côté Jamie MacGoldrick, coordinateur des Nations unies pour le Moyen-Orient, interrogé sur l'antenne de France 24.
Les rapports des organisations humanitaires sont de plus en plus alarmants sur la situation dans la bande de Gaza, où 2,2 millions de personnes sont menacées de famine. Selon les agences de l'ONU, les denrées alimentaires et l'eau potable sont devenues "extrêmement rares" et 90 % des jeunes enfants y souffrent de maladies infectieuses.
Benjamin Netanyahu avait assuré que l'armée permettrait aux civils "de quitter les zones de combat" avant l'assaut, sans dire vers quelle destination. En cas d'offensive, les civils palestiniens pourraient être contraints de forcer la frontière fermée avec l'Égypte. "L'Égypte ne veut pas de réfugiés dans le Sinaï car les autorités ne savent pas si Israël accepterait leur retour dans la bande de Gaza et elle ne veut pas non plus, même si cela n'est pas dit explicitement, qu'il y ait parmi ces réfugiés des combattants du Hamas", explique Bruno Daroux, chroniqueur international de France 24.
Mais ces derniers jours, Le Caire semble déjà se préparer à cette éventualité. Selon le Wall Street Journal et une ONG égyptienne, le pays fait ériger un camp fermé dans le Sinaï pour accueillir les Palestiniens de Gaza. Des images satellite montrent la construction d'un mur du côté égyptien, parallèle à la frontière avec Gaza.
"Vider Gaza"
Guillaume Ancel voit dans la possible fuite des civils réfugiés de Rafah, le véritable objectif poursuivi par le gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Rafah est le seul centre urbain qui n'a pas été détruit par l'armée israélienne. Le gouvernement veut donc achever ici la destruction des infrastructures de la bande de Gaza pour la rendre inhabitable. Ce que cherche Netanyahu, c'est vider la bande de Gaza des Palestiniens sous couvert de lutter contre le Hamas", juge l'ancien officier, selon qui "une organisation terroriste ne se détruit pas avec une offensive militaire".
"Le gouvernement israélien actuel rejette la création d'un État palestinien. Dans cette optique, l'option la plus raisonnable revient à chasser les Palestiniens de ce territoire", estime Tewfik Hamel. "Cependant, l'attachement des Gazouis reste fort car ils savent que dès qu'il y a eu un déplacement de population, l'option du retour était ensuite complètement exclue".
Le 8 février, le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, avait accusé l'armée israélienne de détruire tous les bâtiments de la bande de Gaza situés à moins d’un kilomètre de la barrière entre Israël et Gaza, dans le but de créer une "zone tampon".
Outre la destruction des terres agricoles, l'armée israélienne a anéanti de nombreux bâtiments de l'enclave palestinienne. Selon une étude israélienne, près de 40 % des bâtiments de la bande de Gaza avaient été détruits au 17 janvier.
Ces destructions renforcent "le déplacement des communautés qui vivaient dans ces zones avant l’escalade des hostilités, et semblent avoir pour objectif ou pour effet de rendre impossible le retour des civils dans ces zones", avait dénoncé Volker Türk, rappelant aux autorités que "le transfert forcé de civils peut constituer un crime de guerre".