L'ancien ministre des Finances et président de la chambre des députés allemand, Wolfgang Schäuble, est décédé mardi, à l'âge de 81 ans. Il était notamment reconnu comme maître architecte de la politique d'austérité dans l'Union européenne, qui s'est imposée à la faveur de la crise financière de 2008.
L'Allemagne perd l'une de ses grandes figures politiques. L'ancien ministre Wolfgang Schäuble s'est éteint mardi 26 décembre à l'âge de 81 ans. Il a incarné à lui seul et pendant des années le rigorisme budgétaire promu par son pays en Europe.
"Wolfgang Schäuble a façonné notre pays pendant plus d'un demi-siècle : en tant que député, ministre et président du Bundestag. Avec lui, l'Allemagne perd un penseur aiguisé, un homme politique passionné et un démocrate pugnace", a salué le chancelier allemand Olaf Scholz, dans un message sur X (ex-Twitter) publié mercredi matin.
Cette personnalité de premier plan issue du parti conservateur allemand CDU, qu'il présida à la fin des années 1990, est décédé mardi soir "paisiblement" après avoir lutté pendant plusieurs années contre un cancer, selon le quotidien Bild.
Tentative d'assassinat
Ministre à partir de 1984, notamment à l'Intérieur et aux Finances, il a marqué la vie politique allemande des trois dernières décennies, terminant sa longue carrière comme président de la chambre des députés entre 2017 et 2021.
Rendu paraplégique par une tentative d'assassinat contre lui en octobre 1990, il se déplaçait en fauteuil roulant.
Il a d'abord œuvré à la négociation et à la signature du traité de réunification des deux Allemagnes en 1990, entrant de ce fait très tôt dans l'histoire de son pays comme cheville ouvrière du chancelier de l'époque, Helmut Kohl.
Mais c'est au portefeuille des Finances, qu'il obtient en 2009, que Wolfgang Schäuble s'est surtout fait connaître. Il y défendit avec poigne la rigueur budgétaire que Berlin n'a eu de cesse de promouvoir en Europe, notamment pendant la crise financière de la zone euro à partir de 2010.
Défenseur de l'austérité pendant la crise financière
Cette posture lui a valu de vives inimitiés. Notamment en Grèce, où il s'est montré inflexible lors de la crise de la dette traversée par ce pays. En 2015, il avait évoqué en particulier l'idée d'une sortie temporaire de ce pays de la zone euro.
La nouvelle de son décès, mercredi, a logiquement suscité de nombreux commentaires désobligeants à son égard sur les réseaux sociaux dans ce pays. L'ancien ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, membre du parti de gauche radicale Syriza en 2015, négociait régulièrement avec Wolfgang Schäuble à cette époque. Il a critiqué mercredi l'ancien grand argentier allemand pour avoir défendu une "austérité violente" et "l'appauvrissement de la Grèce".
Obstiné et ne mâchant pas ses mots, Wolfgang Schäuble n'a jamais hésité à endosser l'habit de "Père Fouettard" de la zone euro. Ce protestant rappelait sans cesse les uns et les autres à leurs "devoirs". Une attitude qu'il a aussi appliquée dans sa gestion des deniers publics allemands, en s'escrimant à garder les finances à l'équilibre.
Européen convaincu
Au-delà de l'Allemagne, c'est au niveau européen que Wolfgang Schäuble a marqué son époque. Né à Fribourg im Breisgau, à la frontière française, il fut un militant infatigable du rapprochement franco-allemand et de la construction européenne. Il parlait lui-même couramment le français.
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a salué mercredi en Wolfgang Schäuble "un des dirigeants européens les plus influents de sa génération".
À la fin des années 1990, Wolfgang Schäuble avait proposé l'idée d'un "noyau dur" d'États "pionniers" qui pourraient avancer plus vite vers l'intégration européenne. Cette idée a fait son chemin avec notamment le lancement de l'euro.
Il s'est aussi toujours battu contre la montée des partis "antisystème". En 2017, dans une lettre adressée à ses "amis français", il avait mis en garde les électeurs du pays voisin contre la montée du populisme, se rangeant résolument du côté d'Emmanuel Macron face à Marine Le Pen.
La plus grande déception de sa longue carrière politique fut d'échouer à devenir chancelier. Bien placé à la fin des années 1990 pour succéder à Helmut Kohl, il se fit griller la politesse par Angela Merkel, suite notamment à une affaire de financement illégal qui éclaboussait le parti conservateur.
Les relations entre les deux rivaux au sein du CDU restèrent de ce fait très ambivalentes. Fin 2022, il a critiqué l'ex-chancelière Angela Merkel, affirmant qu'elle n'avait pas fait pas partie des "grands chanceliers", et regretté l'aveuglement allemand face à la Russie.
Avec AFP