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L'Union européenne s'accorde sur une vaste réforme de sa politique migratoire
Parlement européen et les États membres sont parvenus mercredi à un accord de principe sur la difficile réforme de la politique migratoire européenne, après une nuit entière de tractations et plus de trois ans après la présentation de ce projet par la Commission.

Après des années de difficiles discussions et une nuit d'ultimes tractations, les eurodéputés et représentants des 27 États membres ont trouvé mercredi 20 décembre un accord, dénoncé par les défenseurs des droits humains, sur la réforme du système migratoire européen.

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué cet "accord historique" débouchant sur le Pacte sur la migration et l'asile. La présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, s'est dite "très fière", estimant qu'il s'agissait "probablement de l'accord législatif le plus important de ce mandat".

Hasard du calendrier, cette percée est intervenue peu après l'adoption en France de la controversée loi sur l'immigration, qui a provoqué une crise dans le camp du président Emmanuel Macron en raison du soutien apporté au texte par l'extrême droite.

L'Allemagne, la France, l'Espagne, la Grèce et les Pays-Bas se sont félicités, tout comme l'Italie, pour qui la réforme permet aux pays en première ligne aux frontières de l'UE de ne "plus se sentir seuls". À l'inverse, la Hongrie, opposée aux mesures de solidarité prévues, a rejeté "avec force" cet accord, qui ne requiert toutefois qu'une majorité qualifiée pour être adopté.

Pacte asile et migration

Ce pacte sur la migration et l'asile, présenté par la Commission européenne en septembre 2020, consiste en une refonte des règles européennes, après l'échec d'une précédente proposition en 2016, dans la foulée de la crise des réfugiés.

Il prévoit notamment un contrôle renforcé des arrivées de migrants dans l'UE, des centres fermés près des frontières pour renvoyer plus rapidement ceux qui n'ont pas droit à l'asile, et un mécanisme de solidarité obligatoire entre pays membres au profit des "États sous pression migratoire".

L'accord politique obtenu sur les cinq textes de cette réforme devra encore être formellement approuvé par le Conseil, c'est-à-dire les États membres, et le Parlement européen.

L'objectif est une adoption finale avant les élections européennes de juin 2024, alors que la question de l'immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays européens, sur fond de montée des partis d'extrême droite et populistes.

La réforme suscite toutefois les critiques des organisations de défense des droits humains. Une cinquantaine d'entre elles s'étaient inquiétées de la voir déboucher sur "un système mal conçu, coûteux et cruel". Caritas a estimé qu'elle "limite l'accès à l'asile et les droits de ceux qui sont en quête de protection".

L'eurodéputé français Damien Carême (Verts) a dénoncé un pacte "qui fait honte aux plus belles valeurs de l'Europe". "On ressort avec un texte qui est pire que la situation actuelle. [...] On va financer des murs, des barbelés, des systèmes de protection partout en Europe", a-t-il déclaré sur X (ex-Twitter).

Solidarité obligatoire

La réforme conserve la règle en vigueur selon laquelle le premier pays d'entrée dans l'UE d'un demandeur d'asile est responsable de son dossier, avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays méditerranéens, où arrivent de nombreux exilés, un système de solidarité obligatoire est organisé en cas de pression migratoire.

Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d'asile, en les relocalisant sur leur territoire nationale ou en apportant un soutien financier au pays d'entrée.

La réforme prévoit aussi un "filtrage" des migrants à leur arrivée et une "procédure à la frontière" pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d'obtenir l'asile, qui seront retenus dans des centres pour pouvoir être renvoyés plus rapidement vers leur pays d'origine ou de transit.

Cette procédure s'appliquera aux ressortissants de pays pour lequel le taux de reconnaissance du statut de réfugié est inférieur à 20 %, en moyenne, dans l'UE.

Le Conseil européen a insisté pour que même les familles avec enfants de moins de 12 ans soient concernées par une telle procédure, qui implique une détention dans des centres situés près des frontières ou des aéroports, par exemple.

La réforme "respecte pleinement nos valeurs", a déclaré l'eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux). Elle a précisé que le Parlement européen avait obtenu des garanties sur un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux dans ces procédures à la frontière, sur les conditions d'accueil des familles avec jeunes enfants, sur l'accès à un conseil juridique gratuit pour les migrants.

Autre texte agréé : un règlement sur les situations de crise et de force majeure, destiné à organiser une réponse en cas d'afflux massif de migrants dans un État de l'UE, comme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016.

Il prévoit là encore une solidarité obligatoire entre les États membres et la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile que les procédures habituelles, avec un allongement possible de la durée de détention aux frontières extérieures du bloc.

L'UE connaît actuellement une hausse des arrivées irrégulières, ainsi que des demandes d'asile. Sur les onze premiers mois de l'année 2023, l'agence Frontex a enregistré plus de 355 000 traversées des frontières extérieures de l'UE, soit une hausse de 17 %. Les demandes d'asile pourraient quant à elles s'élever à plus d'un million d'ici la fin 2023, selon l'Agence de l'UE pour l'asile (EUAA).

Avec AFP