logo

Loi immigration en France : le Sénat adopte le texte controversé avant le vote à l'Assemblée
Le Sénat, dominé par la droite et le centre, a largement adopté mardi soir le projet de loi immigration, qui suscite la controverse jusqu'au sein du gouvernement d'Emmanuel Macron, du fait du soutien du Rassemblement national. L'Assemblée doit se prononcer dans la foulée sur le texte.

En France, un accord a finalement été conclu, mardi 19 décembre, sur le projet de loi immigration. Les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire (CMP) sont parvenus à un terrain d'entente sur ce texte au combien polémique, avec le soutien de l'extrême droite, après de longues et difficiles heures de tractations. Le Sénat, dominé par la droite et le centre, a largement adopté quelques heures plus tard le texte, qui doit désormais faire l'objet d'un vote à l'Assemblée nationale.

La CMP, composée de sept sénateurs et sept députés, avait commencé ses travaux à 17 h lundi, puis les avait repris à 10 h 30 après une nuit chaotique, en raison notamment de désaccords de dernière minute sur la question des prestations sociales. Il reste à ce texte à franchir l'étape du vote dans les deux chambres, prévu dans la soirée.

"Nous allons voter ce texte (de la loi immigration) tel qu'il ressort de la commission mixte paritaire", a réagi Marine Le Pen, en saluant "une victoire idéologique du Rassemblement national".

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, s'est félicité, sur le réseau social X, de l'"accord" trouvé par la commission mixte paritaire (CMP) autour du projet de loi qu'il porte sur l'immigration, estimant que ses mesures "protègent les Français".

Un accord est trouvé par le Parlement sur le texte immigration. C’est une bonne chose : des mesures qui protègent les Français, de fermeté indispensables vis-à-vis des étrangers délinquants, et des mesures de justice comme la fin (historique) de la rétention des mineurs ou de…

— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) December 19, 2023

Le patron de LR, Éric Ciotti, a affirmé que Les Républicains avaient "imposé" le texte sur l'immigration issu de la commission mixte paritaire (CMP) et assuré que la totalité des 62 députés de son parti l'approuveront.   

"Aujourd'hui, ce sont les Républicains qui, grâce à leur travail, grâce à leurs idées, imposent ce texte", a déclaré à la presse le président de LR, qui a estimé que ce texte constitue "un véritable tournant".

La gauche vent debout

Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a pour sa part fustigé "une honte absolue" et "un grand moment de déshonneur".

Boris Vallaud dénonce "une honte absolue" après l'accord trouvé sur la loi immigration en Commission mixte paritaire pic.twitter.com/2plZZE7v39

— BFMTV (@BFMTV) December 19, 2023

Même son de cloche chez le patron des socialistes Olivier Faure. "Appliquer le programme de l'extrême droite, c'est la fin du barrage républicain", a-t-il averti, invitant les parlementaires macronistes "à faire front" contre le président et la Première ministre. "Il y a des moments où les convictions doivent l'emporter sur la soumission au chef", a-t-il affirmé.

"Ressaisissez-vous", a réagi le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon sur X (ex-Twitter), en s'adressant "aux macronistes". "Ne laissez pas le Rassemblement national contaminer les lois", a-t-il plaidé.

Au sein même de la majorité, le député Sacha Houlié, figure de l'aile gauche macroniste et président de la commission des Lois, a annoncé à ses collègues du groupe Renaissance voter contre le projet de loi, selon des sources parlementaires.

La macronie divisée

D'autres députés de l'aile gauche de Renaissance ont annoncé voter contre, tels Stella Dupont, Cécile Rilhac, Nadia Hai et Éric Bothorel, certains évoquant une "trentaine" de défections, entre contre ou abstentions, dans le groupe de la majorité présidentielle.

L'ancien ministre de l'Agriculture Stéphane Travert a également annoncé à l'AFP voter contre, souhaitant "démarquer (sa) voix de celle du Rassemblement national" et constatant que la version du texte issue de la commission mixte paritaire est "la copie du Sénat".

Toujours à l'aile gauche, Caroline Janvier a annoncé sans surprise qu'elle s'opposerait elle aussi au texte. "Trop de lignes rouges ont été franchies et les aspects positifs de l'immigration, notamment de travail, sont trop peu présents dans ce texte", a-t-elle indiqué à l'AFP. Le député Gilles Le Gendre devrait lui aussi voter contre.

L'ex-ministre Joël Giraud hésite pour sa part entre contre et abstention. "Je ne voterai jamais avec le RN sur un tel sujet", a-t-il souligné par message. Selon un député, "entre 20 et 30" membres du groupe ont de "sérieuses réserves. Mais la vérité des prix se mesure seulement au moment du vote" à partir de 21 h 30 à l'Assemblée.

Restrictions sur les prestations sociales 

La question inflammable d'une durée de résidence minimale en France pour que les étrangers non européens en situation régulière puissent toucher des prestations sociales avait failli faire capoter les tractations finales.

La droite voulait instaurer un minimum de cinq ans pour ouvrir le droit aux allocations familiales, aux aides au logement (APL) ou encore à la prestation de compensation du handicap (PCH).

Selon des sources parlementaires, le compromis scellé mardi au forceps est notamment basé sur une distinction entre les étrangers non communautaires selon qu'ils sont ou non "en situation d'emploi". Pour les allocations familiales, le droit opposable au logement ou encore l'allocation personnalisée d'autonomie, un délai de cinq ans est ainsi prévu pour ceux qui ne travaillent pas. Il est de trente mois pour ceux qui sont en situation d'emploi.

Pour l'accès aux APL, qui a été le principal point d'achoppement, une condition de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas et de trois mois pour les autres. Les nouvelles restrictions ne s'appliquent pas aux étudiants étrangers. Sont par ailleurs exclus de toutes ces mesures les réfugiés ou encore les titulaires d'une carte de résident.

Vers une réforme de l'aide médicale d'État

Le camp présidentiel a validé plusieurs mesures réclamées par la droite, notamment des quotas d'immigration pluriannuels définis au Parlement, le rétablissement d'un délit de séjour irrégulier puni d'une amende. La CMP a également confirmé, mardi après-midi, que les régularisations de travailleurs sans papiers se feront au cas par cas et sous la responsabilité des préfets.

Le gouvernement a par ailleurs répondu aux ultimatums des Républicains, avec notamment un engagement écrit à réformer l'aide médicale d'État "en début d'année 2024".

Des concessions qui inquiètent les associations. "Les digues sautent les unes après les autres", se désole Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade qui exhorte à "arrêter cette course vers l'abîme".

Le texte "n'est ni plus ni moins désormais que le projet de loi le plus régressif depuis au moins 40 ans pour les droits et conditions de vie des personnes étrangères, y compris celles présentes depuis longtemps en France", ont déploré dans un communiqué commun une cinquantaine d'associations, syndicats et ONG, dont France terre d'asile ou la Ligue des droits de l'homme.

Les opposants à un texte trop dur ont reçu mardi le soutien du Medef, par la voix de son patron Patrick Martin, qui a souligné que l'économie française aurait "massivement" besoin de "main d'œuvre immigrée" dans les prochaines décennies.

Avec AFP