logo

Un important dispositif policier était en place à Hong Kong pour l'ouverture lundi du procès du magnat de la presse et activiste démocrate Jimmy Lai. Il est accusé de "collusion avec des puissances étrangères" dont les États-Unis, en vertu de la stricte loi de sécurité nationale imposée par la Chine.

Le procès du magnat pro-démocratie Jimmy Lai, au cours duquel il risque la prison à vie, s'est ouvert à Hong Kong lundi 18 décembre au matin. Le milliardaire, qui apparait en publique pour la première fois depuis 2021, est arrivé au tribunal vêtu d'un costume, adressant des sourires et des saluts en direction des sièges occupés par les membres de sa famille.

Jimmy Lai, qui vient d'avoir 76 ans, est accusé de "collusion avec des forces étrangères" entre autres atteintes à la sécurité nationale.

Il est emprisonné déjà depuis trois ans en vertu d'une loi radicale sur la sécurité nationale, imposée par Pékin en 2020, un an après les grandes manifestations pro-démocratie.

Le procès, qui doit se dérouler en audience publique au cours des 80 prochains jours, devrait permettre d'évaluer le niveau des libertés civiles à Hong Kong et l'indépendance de la justice vis-à-vis de la Chine.

Un important dispositif de sécurité était déployé autour du tribunal, devant lequel des habitants ont attendu toute la nuit dans le froid pour espérer assister à l'ouverture du procès. Parmi eux, Alexandra Wong, une militante mieux connue sous le nom de "Grandma Wong", a crié "Soutenez Apple Daily [un quotidien hongkongais fondé en 1995 et appartenant à Jimmy Lai, NDLR] soutenez Jimmy Lai" en brandissant le drapeau britannique, avant d'être écartée par la police.

"Si quelqu'un tente de perturber le procès ou d'intimider les personnes impliquées dans la procédure judiciaire, nous n'hésiterons pas à prendre des mesures immédiates", a mis en garde vendredi le responsable de la sécurité de la ville, Chris Tang.

Londres et Washington réclament sa libération

Le propriétaire du tabloïd engagé Apple Daily, fermé en 2021, est l'une des figures les plus célèbres du mouvement pro-démocratie.

Son journal, sévère critique de Pékin, a soutenu les grandes manifestations pro-démocratie de 2019 et appelé à des sanctions internationales contre les autorités chinoises et locales.

Son cas a suscité l'indignation et la condamnation de la communauté internationale, notamment aux États-Unis.

"Nous exhortons les autorités de Pékin et de Hong Kong à respecter la liberté de la presse à Hong Kong" et à "libérer immédiatement Jimmy Lai et toutes les autres personnes emprisonnées pour avoir défendu leurs droits", a ainsi déclaré le porte-parole du département d'État américain, Matthew Miller, dans un communiqué dimanche.

Le Royaume-Uni, dont Jimmy Lai est citoyen, a également réagi dimanche par un communiqué de son chef de la diplomatie David Cameron. "Jimmy Lai a été pris pour cible dans une tentative évidente d'empêcher l'exercice pacifique de ses droits à la liberté d'expression et d'association", a estimé le ministre.

At the start of Jimmy Lai’s national security trial in Hong Kong, I call on the Hong Kong authorities to end his prosecution and release him. Read my statement here: https://t.co/6hKhXRNMaK

— David Cameron (@David_Cameron) December 17, 2023

David Cameron s'est dit particulièrement préoccupé par "les poursuites engagées pour des raisons politiques" contre le patron de presse, appelant les autorités hongkongaises "à libérer Jimmy Lai".

David Cameron a rencontré mardi à Londres le fils du dissident, Sebastien Lai.

"Lord Cameron a dit que [cette affaire] était une priorité et qu'il en avait parlé avec son homologue Wang Yi", a déclaré samedi à l'AFP Sebastien Lai, en référence au plus haut diplomate chinois.

En découvrant récemment dans la presse, des photos de son père apparaissant "plus vieux, plus maigre" dans la cour de sa prison, Sebastien Lai en a eu "le cœur brisé", a-t-il confié.

"Je ne me fais aucune illusion sur l'indépendance du système judiciaire de Hong Kong", a-t-il ajouté.

L'opposition bâillonnée, la presse muselée

Jimmy Lai sera jugé, sans jury, par trois juges choisis par le dirigeant de Hong Kong parmi un groupe de magistrats triés sur le volet.

Son emprisonnement, depuis que la plus haute Cour de Hong Kong a refusé sa libération sous caution fin 2020, a marqué un changement à Hong Kong en matière de détention provisoire.

Le procès a subi de multiples retards car les autorités de Hong Kong ont empêché Jimmy Lai d'être représenté par Tim Owen, avocat britannique des droits humains, arguant de risques pour la sécurité.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en 2020, les défenseurs des droits affirment qu'elle a effectivement bâillonné la dissidence et réduit les libertés civiles.

Selon Reporters sans frontières (RSF), plus de 100 dirigeants de médias du monde entier ont cosigné une déclaration au début de l'année appelant à la libération de Lai.

"Nous demandons au tribunal de respecter l'État de droit et, s'il le fait, il devrait naturellement classer l'affaire", a déclaré à l'AFP Cédric Alviani de RSF, vendredi.

Dans un communiqué, le Comité pour la protection des journalistes a estimé vendredi que ce procès était "une parodie de justice" qui entache l'État de droit à Hong Kong.

Avec AFP