
Le compte n'y est pas pour les agriculteurs français. Les blocages se poursuivent, jeudi 1er février, en particulier autour de Paris, où les forces de l'ordre contrôlent les accès au marché de Rungis. Emmanuel Macron doit se rendre à Bruxelles, où la crise agricole européenne s'invite en marge d'un sommet des Vingt-sept.
Le président français s'entretiendra avant 10 h avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au sujet du "futur de l'agriculture européenne", a annoncé l'Élysée, avant un sommet européen extraordinaire consacré au budget de l'UE et à l'aide à apporter à l'Ukraine.
Les aides dégagées mercredi par le gouvernement français, comme les concessions de la Commission européenne sur les jachères et les importations ukrainiennes, n'ont pas semblé trouver grâce aux yeux de la profession, également mobilisée en Italie, Espagne et Allemagne.
À Bruxelles, des centaines de tracteurs bloquent déjà plusieurs rues de la capitale belge, selon les organisateurs. La principale confédération syndicale agricole italienne, Coldiretti, a annoncé s'y rendre avec un millier de ses membres pour dénoncer "les folies qui menacent l'agriculture".
Mercredi soir, des agriculteurs français et belges ont bloqué "ensemble" un point de la frontière, dénonçant "la distorsion de concurrence" entérinée par les accords de libre-échange, et réclamant "des annonces très fortes" jeudi.
Tensions autour du marché de Rungis
En France, les agriculteurs maintiennent la pression sur les autoroutes aux abords de Paris, où sept points de blocage étaient actifs mercredi soir, entravant l'accès à la capitale sans toutefois l'empêcher.
L'objectif affiché de la Coordination rurale, non suivi par les autres syndicats, d'envahir le marché de Rungis, poumon alimentaire de la région parisienne, s'est esquissé mercredi après-midi : 91 personnes ont été interpellées en fin d'après-midi pour s'être introduites à pied dans l'enceinte du marché de gros, où des "dégradations" ont été commises, selon le préfet de police de Paris.
Mais le convoi de tracteurs visant Rungis n'est pas encore arrivé : une partie, bloquée dans le Loiret par les forces de l'ordre, a décidé d'y passer la nuit, un autre groupe s'est arrêté à Étampes en Essonne.
Par ailleurs, des appels à converger vers l'Assemblée nationale en soutien aux agriculteurs interpelés ont été lancés par la coordination rurale, le deuxième syndicat agricole représentatif en France derrière l'alliance FNSEA-Jeunes Agriculteurs.
Dans le pays, plus de 150 rassemblements - barrages filtrants, blocages ou manifestations - ont été recensés mercredi, notamment autour d'Orange, Nîmes, Arles, Aix-en-Provence, Grenoble ou Nantes. À Lyon, l'encerclement était quasi complet, mis à un part un dernier nœud routier.
"Aujourd'hui, le compte n'y est pas. Ce qui va nous permettre de vivre et de survivre, c'est nos prix de vente", a dénoncé Laurent Saint-Affre, délégué de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) rencontré à Rodez, au milieu de 400 tracteurs mobilisés dans le centre-ville.
"Importations massives" d'Ukraine
Face à la grogne, la Commission européenne a proposé d'accorder pour 2024 une dérogation "partielle" aux obligations de jachères imposées par la PAC et envisage un mécanisme limitant les importations d'Ukraine (volaille, oeufs et sucre).
Si Paris s'est félicité que Bruxelles ait "répondu aux demandes de la France", la dérogation intervient "tardivement" et les mesures sur les importations restent "insuffisantes", a regretté le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires dans l'UE.
"Vingt-neuf substances actives (fongicides, insecticides, herbicides) encore utilisables en Ukraine sont interdites dans l'Union européenne", a rappelé mercredi la Confédération générale des planteurs de betteraves, inquiète de voir "les importations massives" de sucre se poursuivre : 700 000 tonnes pour la campagne en cours contre 20 000 tonnes avant la guerre".
Politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence étrangère, accumulation de normes, flambée des prix du carburant: les mêmes revendications se retrouvent dans la plupart des pays européens.
Un autre sujet de friction reste en suspens à Bruxelles : la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui inquiète le secteur agricole et dont Paris ne veut pas en l'état actuel.
La tête de liste écologiste aux européennes, Marie Toussaint, a demandé mercredi à Emmanuel Macron de s'atteler lors du sommet à "former une coalition d'États-membres contre l'accord UE-Mercosur".
Avec AFP