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Président, ministres, activistes… Ces cinq personnalités à suivre lors de la COP28
La COP28 s'ouvre jeudi à Dubaï, aux Émirats arabes Unis, pour une nouvelle session annuelle de négociations sur le climat sous l'égide de l'ONU. Personnalités politiques, militants… Dans la foule, plusieurs personnalités seront particulièrement scrutées.

Une foule de chefs d'État, ministres, représentants d'ONG, industriels, lobbyistes… Plus de 70 000 visiteurs sont attendus à la COP28, qui se tiendra du jeudi 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis. 

Une affluence inédite pour ce nouveau volet du grand rendez-vous annuel sur le climat, sous l'égide de l'ONU. L'événement s'annonce particulièrement scruté avec, au menu, deux grandes batailles autour de la finance et des énergies fossiles. 

Dans la foule, plusieurs personnalités pourraient particulièrement faire parler d'elles et peser sur les négociations. Parmi elles, le président de la COP28, l'émirati Sultan Al-Jaber, ou encore l'émissaire de la Chine pour le climat, Xie Zhenhua. France 24 liste cinq protagonistes à suivre.

  • Sultan Al-Jaber, un cheval de Troie du pétrole à la COP ?

Président, ministres, activistes… Ces cinq personnalités à suivre lors de la COP28

L'annonce de sa nomination comme président de la COP28 avait immédiatement fait polémique. À 50 ans, le ministre de l'Industrie émiratie Sultan Al-Jaber est un habitué des négociations climatiques : envoyé spécial des Émirats pour le climat, il était à la tête de la délégation de son pays à la COP26 à Glasgow, et à la COP27 à Charm el-Cheikh. Fondateur en 2006 de Masdar, une entreprise spécialisée dans les énergies renouvelables, il se présente aussi souvent comme le visage du développement de ces énergies propres dans le pays. 

Mais Sultan Al-Jaber est aussi le patron de la compagnie pétrolière nationale Adnoc. Un titre, qui, pour beaucoup de défenseurs de l'environnement, le rend incompatible avec la bataille contre le dérèglement climatique, les énergies fossiles en étant les premières responsables. 

"Les gens qui m'accusent de conflit d'intérêts ne connaissent pas mon parcours. J'ai passé la majorité de ma carrière dans le développement durable, la gestion de projets et les énergies renouvelables", avait-il ainsi fait valoir à l'AFP en juillet.

Malgré tout, ces derniers mois, ce profil qui détonne par rapport à celui de ses prédécesseurs est parvenu, si ce n'est à convaincre, au minimum à améliorer son image auprès d'une partie de ses détracteurs. "Il est très direct, à l'écoute", confie ainsi à l'AFP Harjeet Singh, vétéran des COP, qui parle au nom de l'incontournable Climate Action Network (un réseau de 1 900 organisations), pourtant bien conscient de complimenter un dirigeant pétrolier. 

Un premier tournant s'est produit à Bonn, en Allemagne, en juin, lorsque Sultan Al-Jaber a ouvertement qualifié la réduction des énergies fossiles d'"inévitable". Des propos rarement tenus parmi les dirigeants dans les COP, et que peu attendait de la part d'un responsable du Golfe. Puis, en juillet, il a de nouveau surpris en détaillant dans une "lettre aux parties" sa position ambitieuse sur les énergies fossiles, les renouvelables, la finance... 

À quelques jours de la COP, sa position a cependant été mise à mal lundi par des révélations de la BBC. Selon le média britannique, Sultan Al-Jaber aurait en effet mis à profit son rôle de président de la COP pour négocier des marchés dans les énergies fossiles. Des accusations immédiatement démenties par l'Émirati. "C'est exactement le genre de conflit d'intérêts que nous craignions quand le directeur général d'une compagnie pétrolière a été nommé à ce poste", a déploré Kaisa Kosonen, coordinatrice des politiques chez Greenpeace International

Au-delà de ces inquiétudes, reste à savoir si Sultan Al-Jaber saura manœuvrer pour faire adopter un texte ambitieux par les près de 200 États participant à la COP28. Des dizaines de pays ont déjà annoncé vouloir y faire figurer un appel explicite à réduire les fossiles, ce qu'aucune COP n'a jamais réussi. 

  • Mia Mottley, la voix des États les plus vulnérables

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"Si je pollue votre propriété, vous vous attendez à ce que je vous indemnise !", avait lancé Mia Mottley en novembre 2022 à la tribune de la COP27, à Charm el-Cheikh, en Égypte. Première ministre de la Barbade, un petit État insulaire des Caraïbes menacé de disparition à cause de la montée des eaux, Mia Mottley est devenue au fil des ans la voix des États du Sud, les plus vulnérables au réchauffement climatique.

Déjà en 2021, elle avait marqué les esprits en concluant un discours à l'ONU par une référence à Bob Marley et son titre "Get Up Stand Up" : "Qui se lèvera et tiendra bon pour les droits des peuples, pour ceux qui sont morts dans la pandémie de Covid-19, pour ceux qui meurent de la crise climatique, pour les petits États insulaires qui ont besoin d'un réchauffement inférieur à 1,5°C pour survivre ?", avait-elle clamé. Et d'ajouter : "Si nous pouvons résoudre des problèmes hautement complexes comme l'envoi de gens sur la Lune ou les calvities masculines, on doit pouvoir régler de petits problèmes comme la faim et la pauvreté."

Mais c'est l'année suivante, à Glasgow, lors de la COP27, qu'elle s'est officiellement positionnée comme l'une des figures influentes dans les négociations climatiques. À 58 ans, cette avocate de formation a joué un grand rôle dans la création d'un fonds sur les "pertes et dommages", ces réparations financières réclamées aux pays riches – principaux responsables du dérèglement climatique – par les pays pauvres – les principales victimes. 

Elle est aussi à l'origine de la tenue, en juin dernier, d'un sommet, à Paris, "pour un nouveau pacte financier mondial". Son objectif : tendre à une plus grande justice climatique en effaçant la dette des États peu développés, en mettant en place un fonds de garantie abondé par les banques de développement et le Fonds monétaire international (FMI), ou encore en taxant les profits des sociétés d'énergie fossile. 

Ce qui frappe, c'est son éloquence et sa maîtrise des sujets, avait confié à l'occasion dans le journal L'Express Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre et désormais directrice de l'ONG ONE. "Elle captive l'auditoire, sans effet de manches, grâce à la solidité de ses propos et à son approche innovante."

En 2022, Mia Mottley a aussi été citée parmi les 100 personnes les plus influentes de l'année. "Mia Mottley est une icône de son pays et nous rappelle à tous qu'il faut traiter notre planète avec dignité", écrivait le journal. Son nom circulerait désormais pour devenir la prochaine secrétaire générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) à la fin du second mandat d’Antonio Guterres. Le poste se libère en 2026.

@miaamormottley is an embodiment of our conscience, reminding us all to treat our planet and therefore one another with love, dignity, and care,” writes Ngozi Okonjo-Iweala (@NOIweala) #TIME100 https://t.co/HuMRgPMnZr pic.twitter.com/DsNieGB1Qt

— TIME (@TIME) May 23, 2022
  • Xie Zhenhua, le "monsieur climat" de la Chine

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Xie Zhenhua est le "monsieur climat" de la Chine, le premier émetteur mondial de CO2. Il est présent à toutes les COP depuis 2007 et a notamment participé aux négociations ayant abouti à l'accord de Paris de 2015. Il est ainsi une figure incontournable de ces rendez-vous annuels sur le climat.

En Chine, cet homme de 74 ans au visage rond et aux lunettes à fine monture – ingénieur de formation – est à la tête de l’Agence chinoise de la protection de l’environnement depuis 1993. Mais lors des COP, ce sont surtout ses qualités de diplomate qui sont saluées. Pour cause, il a réussi au fil des années à nouer des relations privilégiées avec son homologue américain John Kerry, malgré les relations parfois tendues entre la Chine et les États-Unis.

Cette entente entre les deux hommes sera d'autant plus importante à Dubaï que le président amércain Joe Biden sera absent, a-t-on appris lundi. "Nous aurons une délégation robuste", autour en particulier de John Kerry, l'émissaire américain pour le climat, ont ainsi confirmé Karine Jean-Pierre, la porte-parole du président, et le secrétaire d'État Antony Blinken.

"Xie Zhenhua est un modèle pour les futurs diplomates du climat. Il est profondément engagé en faveur de l'action climatique et montre une volonté et une capacité à combler le fossé entre la Chine et la communauté mondiale", a de son côté salué à l'AFP Li Shuo, un ancien de Greenpeace qui a rejoint l'Asia Society Policy Institute.

  • La ministre brésilienne Marina Silva, gardienne de la forêt amazonienne

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Ministre de l'Environnement du Brésil, Marina Silva est une figure emblématique de la lutte environnementale dans le pays. Après quatre années dévastatrices pour l'Amazonie sous la présidence de Jair Bolsonaro, cette femme de 65 ans s'est donné une mission : sauver la plus grande forêt tropicale du monde.

Quelques semaines à peine après sa nomination, elle affichait une première victoire : Paris et l'Union européenne envisageaient de contribuer au Fonds pour l'Amazonie, un fonds administré par le Brésil et soutenu principalement par la Norvège.

Au cours de la COP28, elle et le président Lula espèrent aller plus loin. Ils devraient proposer la création d'un nouveau fonds destiné à préserver les forêts tropicales dans quelque 80 pays. L'initiative consiste en "un mécanisme de paiement par arbre sur pied, par hectare, pour aider à protéger les forêts tropicales des 80 pays" qui en possèdent sur leur territoire, a indiqué la ministre lors d'un séminaire le 24 novembre.

  • Ineza Umuhoza Grace, la voix de "l'éco-féminisme"

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En dehors des négociations officielles, la COP28 attirera aussi des voix de la société civile qui entendent peser sur les débats. Parmi elle, la militante "éco-féministe" rwandaise Ineza Umuhoza Grace viendra porter les mêmes combats que Mia Mottley.

Fondatrice de l'ONG The Green Protector dans son pays, la jeune femme de 27 ans est coordinatrice mondiale de la "Coalition de la jeunesse pour les pertes et dommages" (LDYC). Ce mouvement, qui regroupe des jeunes du Sud et du Nord, plaide pour la mise en place de mesures de lutte contre les pertes et dommages causés par le dérèglement climatique dans les pays vulnérables.

Elle-même se souvient en avoir été victime dès l'enfance, lorsque sa maison, au Rwanda, a été détruite par des pluies et vents extrêmes. "À l'époque, je ne savais pas que cela était dû au réchauffement climatique", témoigne-t-elle. Elle ne l'apprend qu'au lycée, en regardant un reportage à la télévision locale. "Le journaliste expliquait qu'une communauté vivant d'une région du Rwanda devait se déplacer à cause d'inondations et faisait le lien avec le réchauffement climatique", poursuit-elle. "Cela m'a rappelé l'impuissance que j'avais ressentie, enfant, en voyant ma maison détruite."

Pour la jeune femme, c'est le déclic. Après le lycée, elle décide d'étudier les sciences de l'environnement au Rwanda et commence à s'investir dans des associations de défense du climat. "Tout le monde, partout, est exposé [au réchauffement climatique]", alerte-t-elle auprès de l'ONG Global Impact. "Tout le monde est vulnérable. Mais la vulnérabilité dépend aussi du niveau d'infrastructures déjà en place, du système éducatif, des fonds et des finances..."

Sans surprise, son message à la COP28 devrait ainsi être axé sur la justice climatique, selon son entourage. La Coalition de la jeunesse portera dix demandes à la COP28, dont la mise en place opérationnelle du fonds pour les pertes et dommages, dont le principe avait été décidé lors de la COP27.

Avec AFP