![Le rapprochement entre la Turquie et Israël à l'épreuve du conflit à Gaza Le rapprochement entre la Turquie et Israël à l'épreuve du conflit à Gaza](/data/posts/2024/02/16/1708108204_Le-rapprochement-entre-la-Turquie-et-Israel-a-l-epreuve-du-conflit-a-Gaza.jpg)
Le temps des accolades, des sourires et des poignées de main chaleureuses aura été de courte durée. La guerre entre Israël et le Hamas – déclenchée à la suite de l’attaque meurtrière du mouvement islamiste palestinien le 7 octobre en territoire israélien – a chamboulé les relations entre la Turquie et l’État hébreu.
Pourtant, il y a à peine plus d’un an, les deux pays avaient annoncé le rétablissement complet de leurs relations diplomatiques, tirant ainsi un trait sur plus d’une décennie de brouilles. Le ministre des Affaires étrangères turc de l'époque, Mevlüt Cavusoglu, avait toutefois pris le soin de préciser que la Turquie "n'abandonnerait pas la cause palestinienne".
Selon Nicolas Monceau, maître de conférences en science politique à l'université de Bordeaux et chercheur associé à l'Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul, ce rapprochement turco-israélien traduit la volonté d’Ankara de sortir "de l’isolement diplomatique dans lequel il se trouvait depuis quelques années, en se rapprochant de ses anciens partenaires, dont l’État d’Israël, notamment sur l’aspect économique compte tenu de la crise que traversait la Turquie".
Ce rapprochement, notamment caractérisé par la rencontre entre Recep Tayyip Erdogan et Benjamin Netanyahu aux Nations unies en septembre dernier, explique l’universitaire, "a connu un arrêt net avec les événements tragiques en Israël puis à Gaza depuis le mois d’octobre". "Le principal élément déclencheur de cette dégradation des relations (turco-israéliennes, NDLR) repose sur la réaction d’Israël dans la bande de Gaza, dont les bombardements sont jugés disproportionnés par la Turquie en raison du nombre de victimes civiles", ajoute-t-il.
Relations diplomatiques maintenues
Le président Erdogan s'était posé en médiateur dans les premiers jours du conflit entre Israël et le Hamas. L’idée était sans doute de ne pas abîmer les relations fraîchement rétablies avec l’État hébreu. Le Monde rappelle que le chef de l’État turc "a d’abord et étonnamment retenu ses coups, adoptant le ton de la désescalade".
Mais depuis, la tonalité a changé. Le président Erdogan a pris fait et cause pour les Palestiniens et le Hamas, et multiplié les critiques contre Israël et ses soutiens occidentaux. Il n’a d’ailleurs pas hésité, fin octobre, à qualifier le Hamas de "groupe de libérateurs qui protègent leur terre", la Turquie entretenant des liens avec le mouvement islamiste palestinien.
Le 15 novembre, deux jours avant de se rendre en Allemagne, le président turc n’a pas non plus hésité à qualifier Israël d’"État terroriste", dénonçant le coût en vies humaines des bombardements israéliens dans la bande de Gaza. "Erdogan qualifie Israël d'État terroriste mais soutient en réalité l'État terroriste du Hamas. Il a lui-même bombardé des villages turcs, à l'intérieur même des frontières turques. Nous n'accepterons pas de recevoir de remarques de sa part", a répondu le soir-même Benjamin Netanyahu. Rappelons par ailleurs que le président Erdogan avait déjà qualifié Israël d’"État terroriste" et même de "tueur d’enfants" en 2017, quatre jours après que l’ancien président américain Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État hébreu.
En plus de cette escalade verbale, Israël et la Turquie ont rappelé leurs ambassadeurs, sans toutefois rompre les relations diplomatiques. Recep Tayyip Erdogan a néanmoins déclaré que "rompre complètement les liens n'est pas possible, surtout dans la diplomatie internationale". Le jour même, il a cependant déclaré rompre tout contact avec Benjamin Netanyahu.
"La rupture des relations diplomatiques est un geste très fort, qui entraîne des conséquences pour les deux parties, et qui peuvent s’avérer négatives pour la Turquie", indique Nicolas Monceau. Ce dernier rappelle par ailleurs qu’il y a une série "d’escalades verbales" accompagnées de "décisions politiques et symboliques" telles le rappel des ambassadeurs, "mais dans le même temps, les relations commerciales se poursuivent". "Aucune des deux parties n’a intérêt à terme à une rupture des relations diplomatiques. Cela entraînerait un coup politique, diplomatique, mais aussi économique et commercial pour les deux."
La question des otages
À savoir si les relations Ankara-Tel Aviv pourraient se dégrader ou s’améliorer, Nicolas Monceau estime que tout dépendra de la suite et de l’ampleur des opérations militaires israéliennes actuellement en cours dans la bande de Gaza, et si le bilan humain continue de s’alourdir. "Il semblerait que les opérations militaires soient très loin d’être terminées. On peut présager que les relations entre les deux pays ne vont pas s’améliorer dans l’immédiat. Elles risquent de se dégrader davantage", estime-t-il.
Parallèlement, en coulisses, la Turquie tente d’avancer sur la question de la libération des otages aux mains du Hamas, qui seraient environ 240, selon l’armée israélienne. Au cours d’une visite officielle mardi 21 novembre en Algérie, le président Erdogan a indiqué, lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, que son ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan, et son chef des services de renseignement, Ibrahim Kalin, travaillaient en coordination avec les autorités qataries sur la libération des otages.