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Russie : un complice de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa gracié pour avoir combattu en Ukraine
Un ex-policier russe condamné pour le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa, qui avait dénoncé les exactions commises lors de la guerre en Tchétchénie, a été gracié par le président Vladimir Poutine en échange de sa mobilisation en Ukraine. Sergueï Khadjikourbanov devait purger sa peine jusqu'en 2030. De son côté, la famille de la journaliste assassinée en 2006 a dénoncé "une monstrueuse injustice arbitraire".

Condamné à vingt ans de prison pour son rôle dans l'assassinat de la journaliste russe d'investigation Anna Politkovskaïa en 2006, Sergueï Khadjikourbanov, un ancien policier, a bénéficié d'une grâce présidentielle pour avoir rejoint les forces russes en Ukraine, a indiqué, mardi 14 novembre, son avocat à l'AFP.

La mort de la journaliste, tuée par balles à Moscou le 7 octobre 2006 – soit le jour de l'anniversaire du président russe –, est l'un des meurtres les plus retentissants de l'ère Poutine, au pouvoir en Russie depuis 2000, et qui a vu nombre de ses détracteurs assassinés.  

Alexeï Mikhaltchik, l'avocat de Sergueï Khadjikourbanov, a indiqué à l'AFP que son client avait rejoint les forces russes engagées en Ukraine dès 2022, ce qui lui a valu une grâce présidentielle. "Il lui a été proposé un contrat pour y participer. Il l'a fait et quand le contrat s'est terminé il a été gracié sur décret du président", a précisé le juriste, disant que la famille de son client l'en avait informé.

"C'est une monstrueuse injustice arbitraire, une profanation de la mémoire d'une personne tuée pour ses convictions et la réalisation de son devoir professionnel", a relevé dans un communiqué la famille de d'Anna Politkovskaïa et le journal Novaïa Gazeta, son ancien employeur.

La grâce accordée par Vladimir Poutine n'est en aucun cas "une preuve de l'expiation et des remords du meurtrier", poursuivent-ils.

Christophe Deloire, secrétaire général de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), a fustigé sur X (ex-Twitter) "le cynisme" du président russe.

Vladimir Poutine vient de gracier un complice de l’assassinat de la journaliste d'investigation Anna Politkovskaïa (tuée en 2006). Le motif ? Sergueï Khadjikourbanov a rejoint les forces russes en #Ukraine. Le cynisme habituel du chef du #Kremlin. pic.twitter.com/6YIlSD4Idv

— Christophe Deloire (@cdeloire) November 14, 2023

Selon l'avocat, Sergueï Khadjikourbanov devait purger sa peine jusqu'en 2030, mais les autorités lui ont proposé un contrat du fait de son expérience dans une unité des forces spéciales russes.

Alexeï Mikhaltchik avait initialement révélé l'information aux médias russes Baza et RBK.

"Expier ses crimes"      

Des dizaines de milliers de détenus russes ont signé de tels contrats avec des formations paramilitaires comme le groupe Wagner.

Ces hommes ont souvent servi dans les secteurs les plus dangereux du front et, de l'aveu même du défunt patron de Wagner, Evguéni Prigojine, y ont été utilisés comme de la chair à canon. Mais les survivants retrouvaient leur liberté.

Cette politique est publiquement assumée par le Kremlin. "Les personnes condamnées, y compris pour des crimes graves, expient leur crime par le sang sur le champ de bataille", a encore déclaré vendredi Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine.

Sergueï Khadjikourbanov sert toujours sur le front ukrainien, selon son conseil.

"En 2023, il a signé un nouveau contrat en tant que volontaire et combat désormais dans des fonctions de commandement", a poursuivi l'avocat, qui se dit "convaincu de l'innocence" de son client dans l'affaire Politkovskaïa.    

Journaliste d'investigation mondialement reconnue, spécialiste des crimes commis par les autorités en Tchétchénie et critique de Vladimir Poutine, Anna Politkovskaïa a été abattue dans le hall de son immeuble à Moscou.

Les commanditaires du crime n'ont jamais été identifiés, même si nombre d'opposants au Kremlin et au régime qu'il a mis en place en Tchétchénie considèrent que Ramzan Kadyrov, l'autoritaire dirigeant de cette région du Caucase, est le principal suspect. L'intéressé a toujours démenti.

Assassinats en série

Il aura fallu plusieurs procès, des acquittements, puis des condamnations pour que les exécutants de l'assassinat soient condamnés. Parmi eux se trouve Sergueï Khadjikourbanov.

L'organisateur logistique de l'assassinat, Lom-Ali Gaïtoukaïev, est mort en prison en 2017. Son neveu, Roustam Makhmoudov, a été reconnu coupable d'avoir abattu la journaliste, et purge une peine à perpétuité.

Anna Politkovskaïa, qui travaillait pour le journal indépendant Novaïa Gazeta, est l'une des nombreuses personnalités critiques de la Russie de Vladimir Poutine à avoir été assassinées sans que ces crimes ne soient jamais élucidés.

Parmi les autres victimes, l'opposant Boris Nemtsov, le journaliste Paul Klebnikov, la militante des droits humains Natalia Estemirova ou l'avocat Stanislav Markelov.

Le principal détracteur du Kremlin, Alexeï Navalny, a survécu à un empoisonnement en 2020 et purge une longue peine de prison. Une condamnation que l'intéressé et l'Occident qualifient de politique.

La Russie a lancé, après son offensive contre l'Ukraine, une vaste campagne de répression de toutes les voix, célèbres ou anonymes, dénonçant sa responsabilité dans ce conflit.

Avec AFP