Le ministre de la Transition écologique lance mardi une consultation sur l’adaptation de la France à un réchauffement climatique dont la trajectoire pourrait mener à une hausse de 4 °C de la température moyenne. Mais à quoi ressemblerait la France avec un tel scénario ? Éléments de réponse.
Objectif : s’adapter dans une France à +4 °C. Le gouvernement lance, mardi 23 mai, une consultation publique pour définir une nouvelle stratégie pour adapter la France aux enjeux du réchauffement climatique qui, dans une "hypothèse pessimiste", pourrait aller jusqu'à 4 °C d'ici 2100.
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a expliqué, dans un entretien au Journal du Dimanche publié le 21 mai, qu’il fallait tabler sur ce scénario qui correspond "à la tendance probable en l'absence de mesures additionnelles", dans lequel le réchauffement mondial serait de 3 °C, et donc de 4 °C en France métropolitaine – la moyenne globale prenant aussi en compte les surfaces océaniques, au-dessus desquelles l'air se réchauffe moins rapidement.
"La réalité globale du réchauffement climatique s'impose (....), il faut donc se préparer concrètement à ses effets inévitables sur notre territoire et sur nos vies", explique le ministre dans un communiqué publié le 20 mai.
Nous devons assumer de préparer notre pays à une évolution des températures aux alentours de 4 degrés.
Ce n’est pas du défaitisme climatique, c’est de la lucidité. Nous devons à nos concitoyens de ne pas être dans une forme de déni climatique !@leJDDhttps://t.co/gbnxMzixXe
Si le prochain plan d'adaptation français au changement climatique (PNACC) ne sera connu qu’en fin d’année, les effets sur la France d’un réchauffement climatique à +4 °C, eux, le sont déjà, notamment grâce aux projections climatiques de Météo France, connues sous le nom de jeu DRIAS-2020.
Concrètement, une hausse de la température moyenne en France de 4 °C d’ici 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle signifierait d’abord des vagues de chaleur plus fréquentes, plus intenses et plus longues, avec des canicules quasi permanentes l’été et des pics de chaleur autour des 50 °C. Alors que le nord de la France ne connaît actuellement pas le phénomène des nuits tropicales – nuit durant laquelle la température ne descend pas en-dessous de 20 °C –, il pourrait en connaître de 30 à 50 par an dans un tel scénario, tandis que certaines zones particulièrement exposées (arc méditerranéen, couloir rhodanien, vallée de la Garonne) pourraient en connaître jusqu'à 90 par an.
Impact majeur sur l’agriculture
De même, les longues périodes de sécheresse liées au manque de pluie devraient s’allonger de dix jours en moyenne avec un réchauffement à +4 °C, soit 50 % de plus que la vingtaine de jours dans le climat actuel. "Les régions de la moitié sud-ouest du pays, de la Bretagne au pourtour méditerranéen, seront les plus touchées", indique le jeu DRIAS-2020 de Météo France, qui prévoit également la fonte des glaciers des Pyrénées et des feux de forêt plus intenses et plus répandus sur l’ensemble du territoire.
En hiver, il n’y aura quasiment plus de neige durable à moins de 1 800 mètres d’altitude et l’épaisseur moyenne hivernale du manteau neigeux devrait se réduire de 80 %, tandis que "le risque de gelée aura quasiment disparu sur la moitié ouest du pays" et qu’il aura "été divisé par trois dans le Grand-Est et en montagne", selon Météo France.
Ces effets auront un impact très visible sur l’ensemble du littoral français. L’élévation du niveau de la mer augmentera le risque d’inondations côtières, d’érosion des plages et de submersion des terres basses. Des régions entières, notamment en Bretagne et en Normandie, pourraient être gravement affectées, mettant en péril les infrastructures côtières, les habitations et les activités économiques liées au tourisme.
Outre le secteur touristique, un réchauffement climatique de la France de 4 °C aura d’importantes conséquences sur toute l’économie du pays, et en particulier sur l’agriculture, souligne un rapport d’information du Sénat, publié en mai 2019, sur l’adaptation de la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050. Celui-ci indique que l’agriculture subira de plein fouet la hausse des températures et la multiplication des périodes de sécheresse avec une baisse des rendements, une baisse de la qualité nutritive des cultures, la perturbation des cycles de croissance, la prolifération de ravageurs et de maladies et "un besoin accru d’irrigation alors même que les ressources hydriques seront plus rares". Les cultures les plus sensibles à la sécheresse, telles que les céréales, les fruits et les légumes, pourraient être particulièrement touchées.
Propagation de maladies vectorielles
Les conséquences seront également sanitaires. La canicule de 2003 avait fait 15 000 morts et les trois épisodes caniculaires de l’été 2022 sont responsables de 2 800 décès, selon Santé publique France. Avec des canicules à répétition et encore plus intenses que celles rencontrées jusqu’à présent, le risque sera grand d’observer chaque été une surmortalité significative. Une France à +4 °C facilitera également "la propagation des maladies vectorielles, notamment en raison de l’extension de l’aire de peuplement du moustique tigre, qui est le vecteur des virus du chikungunya, de la dengue et du zika", indique le rapport d’information du Sénat.
En outre, la biodiversité française serait mise en péril. Les écosystèmes terrestres et marins seraient confrontés à des changements majeurs, menaçant de nombreuses espèces animales et végétales.
Face à cela, le gouvernement, en plus des mesures déjà mises en œuvre (plan Eau, Fonds vert...) propose la mise en place de trois chantiers. Le premier visera à mettre à jour les différents référentiels (DRIAS, DRIAS Eau, Climadiag) sur lesquels s'appuient les autorités pour anticiper les effets du réchauffement climatique. Le deuxième sera un plan d'accompagnement des collectivités locales "en première ligne pour améliorer la résilience de leur territoire", tandis que le troisième mettra en place des études de vulnérabilité pour adapter l'activité économique.
Une adaptation indispensable qu’il faudra bien financer : "Les mesures d'adaptation à mettre en place dès aujourd'hui, quelle que soit la trajectoire d'adaptation fixée, représentent au minimum 2,3 milliards d'euros additionnels par an", a déjà prévenu le gouvernement, reprenant à son compte la conclusion d'un rapport de l'Institut de l'économie pour le climat.