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En difficulté, la Nupes cherche le mode d’emploi pour retrouver l’union

L’ensemble des députés de la Nupes participent mardi soir à un séminaire de travail visant à faire le point sur la séquence des retraites, mais aussi à définir une stratégie pour les mois à venir. Une tâche qui s’annonce délicate, tant les divisions – au sein de l’alliance de gauche, mais aussi du Parti socialiste – sont étalées au grand jour, notamment depuis l’élection, dimanche, d’une dissidente socialiste en Ariège.

Tout ça pour ça. La Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) avait annoncé une marche de ses députés depuis l’Assemblée nationale jusqu’à l’Élysée, mardi 4 avril, pour remettre une lettre demandant le retrait de la réforme des retraites au chef de l’État. Ils devaient être 150 à traverser la Seine, puis la place de la Concorde, pour exiger d’être reçus par Emmanuel Macron. L’image avait vocation à faire le buzz. Mais face aux divergences des uns et aux réticences des autres, ils n’étaient finalement qu’une poignée de parlementaires, essentiellement communistes, à se rendre dans la matinée devant l’Élysée, où Patrick Strzoda, le directeur de cabinet du président, a bien voulu les recevoir.

Cette opération de communication ratée, qui s'inscrit dans un contexte de divisions, promet un séminaire de travail agité de l’intergroupe Nupes. Réunis mardi soir pour la troisième fois seulement en neuf mois, l’ensemble des députés de La France insoumise (LFI), du Parti socialiste (PS), d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) et du Parti communiste (PCF) sont invités à faire le point sur la séquence des retraites, mais aussi à aplanir leurs différends et évoquer la stratégie parlementaire des mois à venir.

"Contrairement à ce que j’entends, il n’y a pas de crise à la Nupes, veut rassurer le député LFI Éric Coquerel. Il y aura des discussions, mais il n’y a pas de divergences sur le fond, la gauche est unie sur un programme de rupture. Maintenant, on a entériné l’idée de se voir plus souvent en organisant un séminaire une fois par mois. Le but est de créer plus de liens et de débats entre nous, avec des réunions plus fréquentes."

Les débats ne manqueront pas au sujet de la nouvelle députée de l’Ariège, pour laquelle l’identité du groupe où elle siégera à l’Assemblée nationale n’a pas encore été tranchée. Candidate socialiste dissidente, Martine Frogier a été élue dimanche 2 avril aux dépens de la députée sortante LFI soutenue par la Nupes, Bénédicte Taurine, mettant de nouveau au grand jour les divisions internes chez les socialistes, entre pro et anti-Nupes.

Être élue avec le soutien de toutes les droites, ça permet ce soir de gagner contre l’union de la gauche et des écologistes. Ça ne permettra pas de construire l’alternative dont le pays a besoin.
C’est ce qu’on appelle une victoire à la Pyrrhus. #Ariege #froger pic.twitter.com/7QeXbyBy33

— Olivier Faure (@faureolivier) April 2, 2023

Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a dénoncé dimanche soir cette élection dans un communiqué laissant clairement entendre que la nouvelle élue n’avait pas sa place au sein du groupe socialiste. "Être élue avec le soutien de toutes les droites, ça permet ce soir de gagner contre l’union de la gauche et des écologistes. Ça ne permettra pas de construire l’alternative dont le pays a besoin. C’est ce qu’on appelle une victoire à la Pyrrhus", a-t-il écrit sur Twitter.

Contacté par France 24, il enfonce le clou : "Se faire élire grâce à la droite et l’extrême droite et voir que vous avez tout le gouvernement et l’extrême droite qui s’en félicitent en parlant de barrage républicain inversé, c’est un naufrage moral. Quelle majorité peut-on construire quand on a comme principal adversaire le reste de la gauche ?"

La Nupes "ne peut pas accueillir une dissidente"

Éliminée dès le premier tour, la candidate du parti Renaissance, Anne-Sophie Tribout, avait en effet appelé à voter pour la socialiste dissidente au second tour. Et dimanche soir, plusieurs ministres – Olivier Dussopt, Clément Beaune, Franck Riester –, mais aussi la patronne du groupe Renaissance à l’Assemblée, Aurore Bergé, et le député du Rassemblement national Julien Odoul ont félicité Martine Froger pour sa victoire.

Bravo aux électeurs de l’#Ariège qui après avoir éliminé la candidate de #Macron au 1er tour, ont dégagé la candidate de l’extrême gauche qui a fait le jeu du pouvoir en empêchant le vote sur la #ReformeDesRetaites. Une députée LFI en moins c’est une victoire pour la République !

— Julien ODOUL (@JulienOdoul) April 2, 2023

Du côté des socialistes anti-Nupes, cette élection est au contraire le signe que l’alliance avec LFI prônée depuis le printemps 2022 par Olivier Faure est une impasse. La victoire de Martine Froger, soutenue notamment par l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, la présidente de la région Occitanie Carole Delga, la maire de Paris Anne Hidalgo et le maire de Rouen et leader de l’opposition à Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol, serait l’illustration du désir des électeurs de gauche pour une ligne moins radicale.

"C'est la preuve qu'une Nupes avec une France insoumise dominante, ça ne marche pas. C'est un plafond de verre", a expliqué lundi à l'AFP Nicolas Mayer-Rossignol, dans la continuité de son communiqué de presse de dimanche soir, qui appelait à "un autre rassemblement de la gauche".

La députée socialiste Valérie Rabault a de son côté jugé, mardi sur Franceinfo, que le communiqué d’Olivier Faure était "un scandale" et appelle son groupe parlementaire à accueillir en son sein "une militante qui a beaucoup donné au Parti socialiste".

🗣"Le communiqué est un scandale. Parler comme ça d'une militante qui a beaucoup donné au PS n'est pas acceptable" affirme la députée PS @Valerie_Rabault à propos du communiqué d'Olivier Faure sur l'élection de la dissidente Martine Froger en Ariège. #franceinfo @ABouilhaguet pic.twitter.com/QFDZkADDSd

— franceinfo plus (@franceinfoplus) April 4, 2023

Le reste de la Nupes est aux aguets, en particulier le groupe LFI. "Elle ne peut pas siéger chez nous. On ne peut pas accueillir une dissidente qui a fait battre l’une de nos députées. Qu’elle aille chez Liot, comme cela a déjà été avancé", affirme Éric Coquerel, en référence au groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer, Territoires composé d’élus centristes.

Au-delà du cas Martine Froger, c’est bien la stratégie globale de la Nupes qui sera mise sur la table mardi soir. Certains députés reconnaissent que les outrances des insoumis finissent par être préjudiciables à l’ensemble de la gauche. D’autant que le gouvernement, et en particulier le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, occupe le terrain médiatique avec une stratégie de diabolisation de la Nupes.

"La Nupes est dépassée, il faut rassembler bien au-delà"

"Évidemment, le discours de Gérald Darmanin, pour qui la gauche est antirépublicaine, écoterroriste et islamo-gauchiste, a une vocation : il vise à disqualifier par les mots et à rallier du centre-droit à l’extrême droite sur la question de l’ordre. C’est un jeu très dangereux", estime Olivier Faure.

"C’est un message qui rentre petit à petit dans les têtes, abonde la députée EELV Sandrine Rousseau. Mais c’est aussi le signe que ce que nous construisons à gauche inquiète le pouvoir. Que ce soit sur les retraites ou sur les bassines, ce sont des projets d’un monde passé et les Français en ont marre des politiques libérales et ils en ont marre qu’on les prenne pour des imbéciles. À nous d’être au rendez-vous de l’Histoire."

La députée écologiste, qui propose "une forme de Constituante de la Nupes", fait partie de celles et ceux qui plaident depuis plusieurs mois pour un "acte II" de la Nupes. L’expression a fait florès et même Jean-Luc Mélenchon a fini par y souscrire, dimanche 2 avril, sur France 3, en se déclarant "partisan" d’une nouvelle étape de l’union de la gauche.

"Il nous faut de nouvelles règles communes et nous devons avoir pour objectif de construire un projet de coalition qui permette de converger sur le fond, le tout dans l’unité", insiste Olivier Faure.

Cette coalition peut-elle s’ouvrir jusqu’au mouvement de Bernard Cazeneuve, qui a soutenu la dissidente Martine Froger ? C’est ce que réclame le patron des communistes Fabien Roussel, lundi 3 avril, dans une interview à L’Express.

"La Nupes, elle est dépassée. Il faut rassembler bien au-delà. Nous devons parler à toute la gauche. Il n’est pas imaginable d’exclure qui que ce soit si l’on veut incarner une force de progrès capable de l’emporter", juge l’ancien candidat à l’élection présidentielle.

Une proposition qui n’a pas manqué d’échauffer encore un peu plus les esprits avant la rencontre prévue mardi soir. "Je propose à Fabien Roussel de se consacrer à l’organisation de son barbecue avec Cazeneuve et de laisser la Nupes tranquille. Son petit jeu de diviseur nous a déjà coûté le second tour de la présidentielle", a notamment réagi sur Twitter le député LFI Paul Vannier.

Je propose à Fabien Roussel de se consacrer à l’organisation de son barbecue avec Cazeneuve et de laisser la #NUPES tranquille.

Son petit jeu de diviseur nous a déjà coûté le second tour de la présidentielle. https://t.co/yXJWlVP64X

— Paul Vannier (@PaulVannierFI) April 3, 2023