
Au moment où la réforme des retraites enflamme l’opinion en France, "Ici l'Europe" reçoit Nicolas Schmit, le commissaire européen responsable de l'emploi et des droits sociaux. Il évoque un agenda social chargé : le chômage, le revenu minimum européen, la lutte contre la pauvreté mais aussi l’insertion des réfugies ukrainien et des immigrés dans le marché du travail. Ce Luxembourgeois social-démocrate plaide pour le dialogue social.
Concernant la réforme des retraites en France, qui vient d’être imposée par le gouvernement par le biais de l'article 49.3, Nicolas Schmit récuse l’idée que ce projet aurait été imposé par l’Union européenne. "La Commission n’a jamais demandé d’entamer une réforme comme celle qui a été adoptée", explique-t-il. "Elle demande à tous les pays, y compris la France, un système de retraite qui soit à la fois soutenable financièrement et avec des prestations suffisantes. Et dans le contexte des finances publiques, il s'agit d'un élément primordial." Il affirme que le plan de relance européen de plus de 40 milliards d'euros n’était pas conditionné à cette réforme.
Le commissaire européen reconnaît qu’il y a un élément démographique : "la population européenne est vieillissante, il faut un équilibre entre ceux qui payent et ceux qui sont à la retraite".
Sur la disparité de l’âge de la retraite en Europe, il affirme que "si la moyenne en Europe est plutôt à 65 ans, il faut distinguer l’âge de retraite légal, de l’âge effectif de départ". Il plaide pour prendre en compte la pénibilité et surtout gérer les conditions de travail des seniors, "les préparer à évoluer ou à se former pour changer de poste suivant leur âge".
Nicolas Schmit estime que les entreprises ne doivent pas se séparer des seniors, car il y a une pénurie de travailleurs qualifiés. "Il faut changer l’attitude des travailleurs âges", estime-t-il. Le commissaire recommande aussi la négociation et le dialogue social que "les États devraient privilégier pour toutes les questions industrielles ou le verdissement de nos économies".
Enfin, "l’insertion des travailleurs ukrainiens est un succès relatif", souligne-t-il. "La directive de protection temporaire a été le bon choix. Même ces travailleurs sont souvent payés en dessous de leur qualification. On travaille maintenant sur la reconnaissance des qualifications des femmes – puisque la plupart des réfugiées sont des femmes."
À propos du chômage, s’il faut former les jeunes et intégrer un maximum de personnes face à la pénurie dans certains secteurs en tension comme le soin ou la construction," il faut organiser une immigration légale basée sur les compétences. Il faut préparer ces travailleurs et les aider à s’intégrer grâce au logement, à l’éducation, et qu’ils acceptent les valeurs de nos sociétés".
Par ailleurs, pour améliorer les conditions des travailleurs des plateformes telles que Uber et Deliveroo, la Commission européenne prépare une directive pour éviter les abus et requalifier en contrat d’employé les cas d’indépendants déguisés.
Enfin, la Commission européenne a fait une recommandation sur le revenu minimum. "Il doit permettre une vie décente", reconnaît Nicolas Schmit. Avant de compléter : "Mais la Commission ne peut pas fixer un revenu minimum pour tous les États membres. Nous n’avons pas cette compétence". Il invite aussi les États à travailler sur l’insertion et l’inclusion dans le marché du travail de chacun pour retrouver leur autonomie.
Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Sophie Samaille