L'Assemblée nationale a donné jeudi raison au gouvernement français, qui souhaite expérimenter la vidéosurveillance basée sur des algorithmes avant et pendant les JO-2024. La gauche et Amnesty international craignent des dérives sécuritaires.
Un pas vient d'être franchi. L'Assemblée nationale a approuvé, jeudi 23 mars, le recours à de la vidéosurveillance dite "intelligente", basée sur des algorithmes. Un dispositif inédit que l'exécutif veut expérimenter avant et pendant les JO-2024, malgré les craintes de dérives sécuritaires exprimées par la gauche.
Adopté avec 59 voix pour (majorité présidentielle - LR - RN) face à 14 contre (Nupes), l'article 7 du projet de loi sur les Jeux olympiques prévoit la possibilité d'expérimenter, dès la promulgation de la loi, l'analyse au moyen d'algorithmes d'images de caméras et de drones lors de grands événements, afin d'alerter les autorités sur des faits et gestes potentiellement à risque.
"Voté en l’état, ce projet de loi marquerait une première étape dangereuse pour les droits humains, dont le droit à la vie privée" avait également critiqué l'ONG Amnesty international en janvier, dénonçant un projet qui "comporte de graves dangers pour nos droits". Le Conseil national des barreaux s'est également prononcé contre cette mesure.
"Pas les sweats à capuche" dans les algorithmes
Les Jeux olympiques sont en ligne de mire mais l'expérimentation, qui doit s'arrêter fin 2024, pourrait démarrer dès la promulgation de la loi, et concerner par exemple la prochaine Coupe du monde de rugby à l'automne.
La liste des "événements" à détecter doit être fixée par décret, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Lors des débats, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a cité en exemples "un départ de feu, des goulots d'étranglement de population, un colis ou un sac abandonné". Mais "pas les sweats à capuche", a-t-il assuré, pressé de questions par la gauche.
Les députés de la Nupes s'inquiètent du possible dévoiement de cette technologie, craignant que les Jeux ne servent que de tremplin pour généraliser par la suite ce type de surveillance à la population.
L'exécutif insiste sur les garde-fous, l'absence de reconnaissance faciale, et sur la nécessité de sécuriser les Jeux et les millions de spectateurs attendus. "Les événements prédéterminés concernent non pas des personnes, mais des situations", a insisté Gérald Darmanin, sans les convaincre
Un traitement des données sous-traité au privé ?
Lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée, les débats ont beaucoup tourné autour du caractère "biométrique" ou non des données, dans le cas par exemple où il est nécessaire d'isoler et de suivre une personne. La majorité et le gouvernement assurent qu'elles ne revêtent pas ce caractère. "Ce seront forcément des données biométriques", a insisté Sandra Regol (écologiste).
Les députés de l'opposition ont tenté de circonscrire davantage l'expérimentation, de la cantonner aux abandons de bagage, ou d'imposer le fait que l'État soit seul responsable de l'analyse des données, sans recourir au privé, mais sans succès.
Un amendement du RN Aurélien Lopez-Liguori, président du groupe d'étude sur la sécurité et la souveraineté numériques, a été adopté. Il entend prioriser le recours à des entreprises européennes. Mais le fait que des députés de la majorité, membres du groupe d'étude, ont cosigné ou sous-amendé un amendement RN, a indigné à gauche.
Avec AFP