
À l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, France 24 met en lumière l’initiative de l’association Solenciel. Fondée à Grenoble, elle aide des femmes à s’extraire des réseaux de prostitution en leur offrant un emploi pérenne et les accompagne vers de nouveaux projets.
"C'était une mauvaise expérience, un cauchemar même. Je ne le souhaite à personne", résume Sarah*, 25 ans, qui s'exprime en anglais. Cette jeune Nigériane, qui a immigré en Italie en août 2016, a vécu l'enfer de la prostitution durant quatre ans. Depuis, l'association Solenciel l'a aidée à récupérer le contrôle de sa vie et de son corps.
#JourneeDesDroitsDesFemmes - L'association @solenciel aide des #femmes à s’extraire des réseaux de #prostitution en leur offrant un emploi.
"C’était un cauchemar" : Sarah, bénéficiaire de l’association, a vécu l’enfer de la prostitution. Elle témoigne ⤵️@a_abdelbost #IWD2023 pic.twitter.com/GLLoDZkiyd
"Notre projet, c'est de pouvoir aider un maximum de personnes à quitter la prostitution et reconstruire une vie digne et pérenne", déclare Pauline Loriot, ancienne directrice et coach au sein de la structure. Fondée à Grenoble en 2017, l'association Solenciel propose un emploi d'agent d'entretien à ses bénéficiaires. Une quarantaine de personnes sont aujourd'hui employées à Grenoble.
Une formation d'au moins une semaine est proposée sur place aux arrivantes, même si elles ne maitrisent pas encore le français. Elles sont ensuite embauchées en CDI par Solenciel, en tant qu'agent d'entretien, et travaillent notamment dans des hôtels grenoblois.

Réseaux de prostitution nigérians
Comme Sarah, la plupart des salariées sont originaires du Nigeria. "Les réseaux nigérians sont vraiment les plus gros réseaux de prostitution aujourd'hui en Europe", précise Pauline Loriot. En France, 72 % des victimes de la traite des êtres humains pour une exploitation sexuelle sont originaires de ce pays, selon les données publiées par le gouvernement en 2022.
L'idée à l'origine de Solenciel est d'ailleurs née après qu'un groupe de femmes nigérianes a demandé aux bénévoles d'une association iséroise effectuant des maraudes, Magdalena38, de les aider à trouver un travail pour pouvoir s'extraire des réseaux de prostitution. C'est souvent le même schéma qui se reproduit : "Quand ces femmes arrivent en Europe, elles arrivent dans des camps pour migrants. Puis, notamment en Italie, un réseau mafieux les en extrait et les remet aux réseaux de prostitution nigérians", explique l'ancienne directrice.
Ces migrantes sont alors placées entre les mains de femmes proxénètes qu'on appelle les "Madames". "Ce sont souvent d'anciennes prostituées qui, pour ne plus avoir à se prostituer, vont prostituer d'autres femmes", ajoute Pauline Loriot. Une somme de plusieurs dizaines de milliers d'euros est alors demandée à ces jeunes femmes pour rembourser la dette de leur migration à leur passeur.
Une dette qui n'en finit pas
En réalité, cette dette n'en finit jamais : "Quand j'ai eu fini de payer ma dette à ma 'Madame', je suis allée la voir pour le lui dire. Et elle m'a dit que c'était faux, parce que je devais encore rembourser le logement, la nourriture et l'argent qu'elle disait utiliser pour m'obtenir des papiers. Rien que des mensonges. Elle disait aussi qu'elle envoyait de l'argent à ma famille, mais je savais que c'était faux".
Ce soir-là, Sarah, qui se trouve toujours en Italie, a une violente dispute avec sa "Madame", mais sa décision est prise. Quelques heures auparavant, elle vivait une expérience traumatisante. "Quatre hommes m'ont payée et quand je suis partie avec eux, ils m'ont emmenée loin derrière un buisson. Ils m'ont humiliée, ils ont couché avec moi puis ils m'ont tabassée, ils ont pris mon argent. Ils m'ont violée et ont pointé un pistolet sur ma tête. Après cela, j'ai décidé de ne jamais retourner à la rue."
"Montrer qu'elles n'ont plus peur"
Avec le soutien d'un ami, Sarah s'enfuit et se rend à Grenoble, en France. La jeune femme connaissait l'existence de Solenciel grâce à une amie et savait qu'elle serait en sécurité auprès de l'association. Toutefois, certaines bénéficiaires peuvent encore subir des pressions de la part des réseaux de prostitution, qui leur demandent encore de rembourser la dette de leur passage en Europe.
"Souvent, avec le temps, les réseaux cessent de leur mettre la pression et de leur demander cet argent, notamment parce qu'ils nous assimilent à l'État, à la police. Les personnes que l'on accompagne vont aussi faire des dépôts de plainte circonstanciés et vont ainsi montrer qu'elles n'ont plus peur, qu'elles sont accompagnées et soutenues", fait remarquer Pauline Loriot, qui assure rester toutefois vigilante.
"Rêver plus grand"
Solenciel offre un travail à ces jeunes femmes, mais les aide aussi à s'intégrer dans la société. Par exemple en leur apprenant à se déplacer à vélo dans la métropole iséroise, ou en proposant des sorties en montagne. Des cours de français sont également dispensés au sein de la structure, la grande majorité des bénéficiaires étant anglophone.
L'équipe compte également une chargée d'insertion professionnelle, qui les encourage à "rêver plus grand". "On a des personnes qui sont parties en CAP Petite Enfance ou en CAP Cuisine. On a aussi des femmes qui partent avec le projet de construire une famille donc c'est assez diversifié", détaille Pauline Loriot.
Avec l'aide fournie pour les démarches administratives, un tiers des salariées a pu se lancer sur de nouveaux projets depuis 2017. "Le but, c'est qu'elles puissent obtenir l'asile en France en tant que victimes de trafic d'être humain", souligne Pauline Loriot. C'est chose faite pour Sarah, qui se sent désormais en sécurité et fière de son travail d'agent d'entretien. Forte de son succès, l'association a ouvert des antennes à Lyon, à Toulouse et d'autres vont bientôt voir le jour.
*Le prénom a été modifié.