Cinquième de la course à l'américaine en cyclisme sur piste aux JO de Tokyo, Clara Copponi, 24 ans, veut prendre sa revanche à l'occasion des Jeux de Paris. Avec cet unique objectif en tête, la coureuse de la FDJ-Suez-Futuroscope vit à 100 à l'heure, pour honorer ses engagements sur route et en vélodrome.
Un départ de saison en Australie, un passage express par Paris et le vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines, un crochet par la Suisse avant de s'envoler pour Jakarta, et enfin un détour par Le Caire… À 24 ans, Clara Copponi mène une vie de globe-trotteuse. La faute à son métier : coureuse cycliste. Et à son ambition : monter sur la plus haute marche du podium lors des JO de Paris-2024.
"Clara, c’est quelqu’un qui sait ce qu’elle veut. Son objectif est clair : elle veut ramener la médaille d’or sur piste à Paris", confirme son manager à la FDJ-Suez-Futuroscope Stephen Delcourt.
Cycliste pour faire "comme son frère"
Quand on lui demande pourquoi elle a choisi de devenir coureuse, la réponse est évidente : "La gagne ! J’ai toujours été une hargneuse, à vouloir tout le temps gagner, pour tout. Même au cross de l’école… Et le vélo, c'est justement se dépasser et aller au bout de soi", loue-t-elle. Cette native d’Aix-en-Provence a gardé un accent du sud de la France, où elle vit sur le papier – "dans les faits, c’est plutôt un garde-meuble", rigole-t-elle, ajoutant que la deuxième motivation de son choix de carrière est de "visiter le monde".
Le vélo, elle y est pourtant venue un peu par hasard, son père étant plutôt fan d’un autre type de deux-roues : le moto-cross. "J’ai commencé le vélo à l’âge de quatre ans pour faire comme mon grand frère. Il faisait du VTT, j’ai fait du VTT. Puis, il a commencé la route, donc j’ai commencé la route." Et quand Thomas Copponi s’est mis à la piste au point de devenir champion de France juniors…
Dans les vélodromes, la blonde de 24 ans est habituée à disputer l’américaine (aussi appelé "madison") et l’omnium. Dans la première discipline, le but est d’enchaîner 120 tours de vélodrome en se relayant avec une partenaire en tentant de prendre un tour aux adversaires ou de remporter les sprints intermédiaires pour mettre des points de côté. La seconde est quant à elle une combinaison de six épreuves de piste.
![Jeux olympiques : Clara Copponi en piste pour Paris-2024 Jeux olympiques : Clara Copponi en piste pour Paris-2024](/data/posts/2023/03/04/1677937382_Jeux-olympiques-Clara-Copponi-en-piste-pour-Paris-2024_1.jpg)
Sur route, Clara Copponi fait figure d’équipière modèle et de sprinteuse pour la FDJ-Suez-Futuroscope, la seule équipe française en World Tour, la plus haute division professionnelle.
"Le sprint, c’est une qualité familiale puisque mon frère l’avait aussi. Ça va avec mon côté hargneuse. Ce qui me plait, c’est d’aller au combat, de frotter", résume férocement la jeune femme, lors de la conférence de rentrée de son équipe.
Une année dense et un casse-tête logistique en perspective
Et pour "la gagne", l'année 2023 de la "hargneuse" s'annonce dense, à l'image des trois premiers mois décrits plus haut. Elle va cumuler ses obligations sur route avec la FDJ et les stages et compétitions sur piste avec l'équipe de France et ainsi accumuler suffisamment de points pour se qualifier pour Paris. De quoi susciter quelques maux de tête logistiques pour ses deux équipes.
"[La FDJ] est hyper conciliante avec l’équipe de France. Ils essaient de me préparer un calendrier qui me permette de me reposer", explique-t-elle. Mais un programme optimal est aussi une affaire de choix, même si certains peuvent être des crève-cœur.
C'est donc au sprint que se termine cette 3e edition de la Choralys Fourmies Féminine Classic, Clara Copponi fait parler sa puissance et s'impose devant Valentina Basilico. Maria Martins complète le podium. pic.twitter.com/xWKmS6relT
— Actu CyclismeFéminin (@ActuCyclismeFem) September 11, 2022"C’était important pour moi de lancer ma saison sur route avec l’Australie mais la prochaine course ne sera qu’en avril. Ça fait un gros trou ! Mais c’est aussi une chance car je peux pratiquer la piste et, si tout se passe bien, la qualification des JO sera alors acquise", détaille Clara Copponi, qui a déjà renoncé à disputer la deuxième édition du Tour de France.
"L’an dernier, j’en avais fait un objectif et j’étais très déçue de ne pas y être mais j'avais su rebondir sur le Tour d’Italie. Là, avec les Mondiaux juste après, ça ne colle pas. Il faut savoir ce qu’on veut et moi ce que je veux, c’est être championne olympique sur piste en 2024", tranche la Sudiste. "Il faut faire une préparation optimale et là préparation optimale, c’est d’aller aux Mondiaux de Glasgow, car les dates seront quasi-exactement les mêmes que celles des JO l’année d'après."
Deux disciplines complémentaires physiquement et mentalement
"Mes deux disciplines sont complémentaires. Les sorties de quatre heures sur route renforcent mon endurance pour la piste et pour faire les 120 tours de Madison. De même, le sprint me sert aussi pour la piste", explique-t-elle en pédagogue habituée à détailler les complexités des règlements des courses sur piste. "C’est aussi complémentaire mentalement. M’amuser sur la piste me permet de couper, de lutter contre la lassitude".
"Elle est heureuse, il s’agit de son épanouissement personnel. Forcément, c’est frustrant car on aimerait l’avoir sur plus de courses mais au moins quand elle revient, elle revient toujours en forme et avec l’envie. Elle revient avec ce sentiment de nous devoir quelque chose qui la pousse à se dépasser", loue Stephen Delcourt. "On pourrait indiquer dans nos contrats, 'tu ne feras pas de piste". Mais ce ne serait pas dans notre intérêt : derrière, comment l'imaginer renouveler son contrat ?", qui s'achève pour le moment à la fin de l'année 2023.
La vie de Clara Copponi ressemble à un contre-la-montre permanent, un format sur laquelle son manager assure que l'Aixoise pourrait : "Il faut lui laisser le temps de se développer mais pour moi ce n’est pas qu’une sprinteuse : elle va vite, elle frotte bien, elle grimpe bien, elle va vite en chrono – elle a d'ailleurs fait 3e sur un contre-la-montre Women’s Tour en 2021. Elle a des capacités, elle est douée", assure son manager
Une dépression après Tokyo
"Je sais que mon entraîneur adorerait que je m’y mette, mais bon, le chrono… ", repousse pourtant dans un sourire Clara, qui attribue ces performances extraordinaires lors du Women’s Tour 2021 à un contexte à part et auquel les JO de Tokyo, dont elle garde un souvenir contrasté, ne sont pas étrangers :
"Physiquement, je n’avais jamais été aussi forte que quand j’ai quitté les Jeux, alors dans ma tête, je m'étais jamais sentie aussi nulle", rembobine-t-elle. "[Parler de Tokyo] a été très compliqué pendant très longtemps. Pendant six mois, je ne pouvais pas en parler sans pleurer. C’est difficile de revenir d’une compétition comme ça, où tu t’attendais à de grandes choses. Il y a eu des grandes choses mais il n'y a pas eu de podium, alors que j’en rêvais depuis gamine", dit-elle avec un sourire amer, en repensant à cette immense sensation de vide post-Japon.
"Juste après, j’étais chez moi dans le sud de la France, au bord de la piscine. Je n’avais plus envie de rien. Ma famille n’a jamais entendu parler des Jeux", explique-t-elle en évoquant son passage à vide post-Tokyo. "Maintenant, je relativise : cinquième aux Jeux olympiques, à 22 ans, c’est quand même pas mal. Et puis, je m’en sers aussi. Désormais, je sais ce que c’est la pression. Car, c’est la réalité des Jeux olympiques : tu stresses. Même si tu es la plus détendue du monde, voir tout ce monde autour qui stresse, te stresse toi. On en a beaucoup discuté avec mes entraîneurs et en prépa mentale".
Et pour surmonter cette dépression post-olympique, rien de tel que de se remettre en selle rapidement : "J’ai eu de la chance. Ma saison n’était pas terminée, donc j’ai repris la route en plein pic de forme et j’ai performé, à commencer par le Tour de Grande-Bretagne [où elle a terminé deuxième du classement général, NDLR]. Cette fin de saison m’a permis de surmonter ça et de revenir avec l’envie de faire mieux."
Le cocon FDJ
L’envie de faire mieux, c’est ce qui guide Clara Copponi pour l’année et demie qui la sépare des JO de Paris. Depuis Tokyo, elle a enchaîné les performances, tout comme son équipe de la FDJ. En 2022, elle a obtenu son premier succès en World Tour avec une victoire d’étape sur le Women’s Tour et une victoire de prestige sur la classique de Fourmies. Elle a également collectionné les places d’honneur et 2023 démarre sous les mêmes auspices : une 2e place sur l’étape inaugurale du Down Under. En piste, au championnat d’Europe à Granges à la 1ere étapte de la Coupe des Nations à Jakarta, c’est également parée d’argent qu’elle est rentrée de l’épreuve de madison, une couleur qu’elle commence à trop connaître à son goût.
Clara Copponi wins stage one of the Women’s Tour in Bury St Edmunds - https://t.co/XZjbakJ185{
Clara Copponi won the first stage of the 2022 Women's Tour in three hours 40 minutes 15 seconds for her first road-racing victoryFrench cyclist Clara Copponi won the opening stage o... pic.twitter.com/7ZrJ3KvYAc
"Ça commence à faire beaucoup de deuxièmes places et ma saison commence de la même façon. La roue n’a pas encore tourné", se désole-t-elle, déterminée à tout faire pour changer la donne.
"Elle est souvent déçue de faire deuxième. Il y a peut-être un travail à faire sur les choix lors des arrivées. Avec sa spécialisation piste, les sprints ne sont pas gérés pareil puisqu’on a tendance à sprinter assis", note Stephen Delcourt. "J'adorerais l’avoir à disposition une année complète…", ajoute-t-il, rêvant des résultats que ça permettrait.
Pour l’aider à franchir un palier supplémentaire, la FDJ semble l’équipe idéale avec sa dynamique hors-norme depuis 2022 : quatrième au classement mondial l'an passé et première pour le moment au classement UCI en 2023. Dans ce groupe uni par de solides liens d'amitié et l'envie commune de se dépasser, elle côtoie au quotidien Marie Le Net, une de ses partenaires en équipe de France, mais aussi Vittoria Guazzini, l’un des piliers de l’équipe d’Italie. Les deux femmes sont complices et aiment s'asticoter sur l’échéance à venir.
"Il y a de la rivalité, forcément, quand on est dans le vélodrome. Mais au départ de la course, on a toujours un petit regard, un sourire", glisse la Française, "et puis quand le coup de pistolet retentit, il n’y a plus d’amie jusqu’à la ligne d’arrivée". "En plus, on est souvent en finale contre les Italiennes et on perd souvent contre les Italiennes… À Paris, on verra bien qui aura le dernier mot."