
Plusieurs milliers de Grecs se sont rassemblés, jeudi, à Thessalonique, à Athènes, et dans plusieurs villes de Grèce pour demander des comptes à leur gouvernement, après la mort de près de 60 personnes dans une collision frontale entre deux trains deux jours plus tôt. Des échauffourées ont eu lieu entre jeunes manifestants et forces de l'ordre.
La colère éclate en Grèce deux jours après la tragédie ferroviaire qui a fait au moins 57 morts. "Assassins", "Meurtriers", pouvait-on lire, jeudi 2 mars, sur les panneaux affichés par les manifestants à Thessalonique, rapporte la correspondante de France 24 Alexia Kefalas.
Les protestations se sont multipliées dans le pays, malgré le mea culpa du gouvernement qui a reconnu des défaillances "chroniques" dans les chemins de fer, après la collision frontale entre les deux trains.
Quelque 2 000 personnes se sont rassemblées dans la soirée de jeudi à Thessalonique. La manifestation a donné lieu à des jets de pierre et de cocktails Molotov mais "le calme est désormais revenu", a précisé un porte-parole de la police
"À Thessalonique et dans d'autres villes de Grèce, la majorité des manifestants sont des étudiants, car la plupart des victimes de cette collision frontale entre les deux trains étaient des étudiants qui retournaient à l'université de Thessalonique, deuxième ville du pays où il y a le plus d'établissements universitaires".
Des habitants de Larissa, près de la vallée de Tempé, où s'est produite la catastrophe, ont eux aussi manifesté, portant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : "La privatisation tue".
À Athènes, après un premier rassemblement houleux la veille, des centaines de personnes ont protesté devant le siège d'Hellenic Train, la compagnie du train accidenté. Cette entreprise a été achetée en 2017 par le groupe public italien Ferrovie Dello Stato Italiane (FS) dans le cadre du programme de privatisations exigé par les créanciers de la Grèce pendant la crise économique (2009-2018).
Grève des trains grecs
Parallèlement, les trains n'ont pas circulé jeudi après un appel à la grève de la Confédération regroupant les syndicats de cheminots pour dénoncer "le manque de respect dont ont fait preuve les gouvernements au fil du temps envers les chemins de fer grecs, ce qui a conduit" à cette catastrophe. Le mouvement a été reconduit pour la journée de vendredi. De nouvelles manifestations sont également prévues.
"Malheureusement, nos demandes constantes de recrutement de personnel permanent, de meilleure formation mais surtout d'adoption des technologies de sécurité modernes ont toutes été définitivement jetées à la poubelle", ont déploré ces organisations.
Le président du syndicat des conducteurs de train OSE, Kostas Genidounias, a mis en exergue le manque de sécurité sur la ligne où est survenue la collision. "Toute [la signalisation] est faite manuellement. C'est depuis l'an 2000 que les systèmes ne fonctionnent pas", s'est-il emporté.
Les représentants syndicaux de la compagnie des chemins de fer Hellenic Train avaient, à cet égard, tiré la sonnette d'alarme il y a trois semaines. "Nous n'allons pas attendre l'accident qui arrivera pour voir les responsables verser des larmes de crocodile", avaient-ils mis en garde.
Les excuses du nouveau ministre des Transports
"Les retards [pris dans la modernisation des chemins de fer] trouvent leur origine dans les pathologies chroniques du secteur public grec, dans des décennies de faiblesse", a admis, jeudi, le porte-parole du gouvernement, Yannis Oikonomou.
Le nouveau ministre des Transports, Giorgos Gerapetritis, a pour sa part présenté ses excuses aux familles des victimes, tout en faisant "une autocritique complète du système politique et de l'État". L'ancien ministre, Kostas Karamanlis, avait donné sa démission la veille.
"Jusqu'à 2010, il y avait une certaine modernisation de la signalisation du réseau ferroviaire mais, pendant la crise financière, les systèmes de sécurité ont commencé à s'effondrer", a rappelé Panagiotis Terezakis, un conseiller de l'administration des chemins de fer grecs. "La mise à niveau des systèmes a repris au moment de la privatisation", a ajouté ce responsable.
Quant au chef de gare, âgé de 59 ans, poursuivi pour "homicides par négligence" et pour avoir provoqué des "blessures corporelles", il risque la prison à vie si sa culpabilité est établie. Le porte-parole du gouvernement a assuré que "l'erreur" avait "été avouée par le chef de gare lui-même" et son avocat a confirmé qu'il "reconnaissait ce qu'il avait fait".
Sous la violence du choc survenu peu avant minuit, dans la nuit de mardi à mercredi, les locomotives et les wagons de tête ont été pulvérisés et les conducteurs des deux trains tués sur le coup.
Avec AFP