Depuis le début de l'année, les marchés financiers retrouvent des sommets. Les Bourses de Londres et Paris ont même enregistré la semaine dernière des records historiques. Un optimisme qui ne manque pas de laisser perplexe alors que l'inflation s'envole et que les incertitudes liées à la guerre en Ukraine sont loin d'être dissipées.
C'est un début d'année en fanfare pour les Bourses européennes : loin des préoccupations quotidiennes liées à l'inflation ou aux doutes qui pèsent sur la reprise économique mondiale, les marchés financiers affichent ces dernières semaines un optimisme à toute épreuve. Exemple à la Bourse de Paris, où l'indice phare du CAC 40 a enregistré jeudi 16 février un nouveau record à 7 387,29 points.
Même dynamique du côté de Londres où le FTSE 100 a dépassé, la veille, pour la première fois de son histoire, la barre des 8 000 points. "Les actions européennes n'ont pas connu de début d'année plus favorable depuis le début du siècle", résume le journal Les Échos.
Malgré un climat d'incertitudes lié à la guerre en Ukraine, les investisseurs semblent rassurés par la résilience des grands groupes qui ont enregistré des résultats historiques en 2022, comme ceux de TotalEnergies (36 milliards d'euros de bénéfices) ou encore ceux du secteur du luxe emmené par LVMH (14 milliards d'euros).
À Paris, le CAC 40 est tiré vers le haut par les performances du fabricant d'armes Thales dont les affaires ont été dopées par la guerre en Ukraine. Mais l'embellie est quasi générale : la valeur du constructeur automobile Renault a ainsi augmenté de 36 % depuis le début de l'année tout comme celle de BNP Paribas (22,5 %).
Une zone euro qui résiste mieux que prévu
Cette bonne santé des marchés financiers ressemble à bien des égards à un "ouf" de soulagement après la crainte d'une récession en zone euro. "Il y avait de fortes inquiétudes sur la disponibilité des matières premières, en particulier du gaz. Depuis, elles se sont atténuées, même si la crainte d'une récession n'a pas totalement disparu pour autant", précise Denis Ferrand, directeur général de l'institut d'analyse économique Rexecode.
Les risques de pénurie d'électricité ont en effet été évités et le prix du gaz naturel est redescendu mi-février à son plus bas niveau depuis août 2021. Malgré le choc énergétique, l'économie européenne tient debout. La Commission européenne a même révisé à la hausse sa prévision de croissance pour la zone euro en 2023.
Autre bonne nouvelle de ce début d'année : l'inflation commence enfin à se tasser. L'UE prévoit ainsi une hausse des prix à la consommation de 6,4 % en 2023 puis 2,8 % en 2024, contre un taux d’inflation historique s’élevant à 9,2 % en moyenne l’an dernier.
"Les marchés financiers réalisent que la politique monétaire menée par des banques centrales et notamment par la Banque centrale européenne (BCE) visant à lutter contre l'inflation à travers la hausse des taux d'intérêt est efficace", analyse Stéphanie Villers, conseillère économique chez PwC France.
"On a l'impression que l'essentiel de la hausse des taux directeurs est passé et certains acteurs anticipent désormais une baisse en 2024. Cette anticipation participe à cette amélioration sur les marchés boursiers, qui retrouvent leur niveau antérieur du début 2022", précise Denis Ferrand, qui rappelle cependant que la Bourse ne reflète pas l’ensemble de l’économie, mais uniquement les entreprises qui y sont cotées.
En attendant la Chine
Enfin, le redémarrage tant attendu de l'économie chinoise après la fin de la politique "zéro Covid", qui a placé le pays sous cloche pendant près de trois ans, contribue également à redonner le sourire aux investisseurs en ce début 2023. "La politique calamiteuse du 'zéro Covid' a enfin été levée et cela laisse espérer une reprise. La Chine devrait ainsi contribuer au quart de la croissance mondiale", précise Stéphanie Villers.
Cette anticipation d'une reprise vigoureuse de la consommation chinoise profite avant tout aux "quatre valeurs du luxe au sein du CAC 40 (LVMH, Kering, Hermès et L'Oréal), qui représentent 35 % de l'indice", note Denis Ferrand.
Sans être totalement déconnectée de l'économie réelle, la santé insolente des Bourses européennes suscite toutefois un certain scepticisme parmi des experts qui jugent les perspectives économiques encore trop incertaines alors que l'économie de la zone euro tourne au ralenti.
Comme le rappelle la BCE, "les risques pesant sur les perspectives de croissance économique sont devenus plus équilibrés" mais la guerre en Ukraine "demeure un important risque à la baisse sur l’économie et pourrait de nouveau entraîner une hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires".
"L'anticipation des marchés financiers repose sur des faits tangibles mais un nouveau choc externe pourrait de nouveau créer des tensions et faire dégonfler cette embellie", rappelle Stéphanie Villers. "Le risque zéro n'existe pas."