L'ancien chef d’État brésilien Jair Bolsonaro, est désormais privé de son immunité présidentielle depuis l'élection de Lula à la tête du pays. Mais l'ancien président d'extrême droite traîne derrière lui de nombreuses casseroles qui pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires, notamment sa gestion de la pandémie de Covid-19 ou encore sur de potentiels détournements de fonds publics.
Après les assauts contre des lieux de pouvoir brésiliens, dimanche, par ses partisans, le président sortant Jair Bolsonaro, actuellement en Floride, réfute toute responsabilité. S'il est trop tôt pour déterminer une quelconque implication du chef de file de l'extrême droite brésilienne dans ces événements, l'ancien président n'en est pas moins visé par au moins quatre enquêtes au Brésil.
La justice se penche notamment sur sa mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 ou encore sur de potentiels détournements de fonds publics. Ces enquêtes ont été repoussées ou stoppées jusqu'à présent en raison de son immunité présidentielle, qu'il n'a plus depuis sa défaite contre Luiz Inacio Lula da Silva à la présidentielle d'octobre. France 24 fait le point sur ces affaires à retardement.
-
Des abus de pouvoir
En 2018, en pleine campagne présidentielle, Flavio Bolsonaro, l'un des fils de l'ex-président, alors député de Rio, est impliqué dans un scandale de détournement de salaires d'assistants parlementaires.
Deux ans plus tard, en mai 2020, alors président du Brésil, Jair Bolsonaro est accusé par son ministre de la Justice, Sergio Moro, d'avoir exercé des pressions pour remplacer deux responsables de la police fédérale, et ainsi éviter les enquêtes visant deux de ses fils, dont Flavio, accusés de corruption.
Malgré le démenti du chef de l'État, le procureur général a ouvert une enquête, toujours en cours, sur les accusations du ministre de la Justice, qui a démissionné peu de temps après ses accusations.
-
La diffusion de fausses informations électorales
Jair Bolsonaro et la diffusion de fake news, une histoire qui a démarré dès la présidentielle de 2018. Pendant la campagne de l'entre-deux-tours, une enquête du quotidien Folha de Sao Paulo a révélé que des entreprises soutenant Jair Bolsonaro auraient financé une campagne de fausses informations via l'application WhatsApp. Des dizaines de milliers de messages publicitaires auraient été envoyés pour discréditer son rival, le candidat de gauche Fernando Haddad.
Par ailleurs, l'ex-chef de l'État est accusé d'avoir abrité au sein de la présidence une "ferme à trolls" destinée à répandre des "fake news". En 2020, une enquête de la police fédérale a démontré que cette stratégie de désinformation a été orchestrée par la famille présidentielle elle-même. Toutefois, les fils de Jair Bolsonaro ont toujours nié l'existence de ce cabinet.
Plus récemment, en août 2021, le juge du Tribunal suprême brésilien Alexandre de Moraes a ordonné une enquête pour "désinformation" contre le président, qui remettait en cause la validité du vote électronique, en place depuis 1996.
-
Le désastre de la crise du Covid-19
Rejet des mesures de confinement, pénurie d'oxygène, retards délibérés dans les commandes de vaccins... La gestion de la crise du Covid-19 par Jair Bolsonaro a été vivement critiquée au Brésil, le pays comptant plus de 680 000 morts imputés à la maladie.
Le 2 juillet 2021, le parquet brésilien annonce l'ouverture d'une enquête sur des accusations portées contre Jair Bolsonaro, soupçonné d'avoir omis de signaler une tentative de corruption dans l'achat de plusieurs millions de vaccins contre le Covid-19 en provenance d'Inde.
En octobre 2021, un rapport accablant de la commission d'enquête parlementaire accuse le gouvernement de Jair Bolsonaro d'avoir volontairement exposé les Brésiliens à une contamination de masse au Covid-19. Elle réclame son inculpation pour "crimes contre l'humanité".
-
Des détournements de fonds publics
En juillet 2021, une nouvelle affaire met un peu plus sous pression Jair Bolsonaro. L'ex-belle-sœur du président a rendu publics des enregistrements audios de l'époque où il était député fédéral. Andrea Siqueira Valle explique que son frère, assistant parlementaire de Jair Bolsonaro entre 2006 et 2007, aurait été licencié après avoir refusé de donner une partie de son salaire.
"Ça suffit, on peut s'en débarrasser parce qu'il n'a pas rendu l'argent comme convenu", entend-on dans l'enregistrement révélé par le site d'information UOL.
Le bureau de procureur général ouvre alors une enquête sur l'implication de Jair Bolsonaro dans le vol de salaires du personnel politique, une pratique appelée "rachadinha – quand des employés du cabinet d'un élu rémunérés par l'État reversent une partie de leur salaire à leur employeur. Bien qu'il s'agisse d'une pratique répandue au Brésil, elle reste illégale.
-
La déforestation de l'Amazonie, un "crime contre l'humanité" ?
Essor de l'agriculture intensive, mines, extraction de pétrole… La déforestation de l'Amazonie s'est aggravée sous le gouvernement du climatosceptique Jair Bolsonaro, bondissant de 150 % pendant le dernier mois de son mandat par rapport à décembre 2021.
En janvier 2021, le cacique Raoni Matuktire, défenseur emblématique de la forêt amazonienne, demande à la Cour pénale internationale (CPI) d'enquêter pour "crimes contre l'humanité" contre le président brésilien, accusé de "persécuter" les peuples autochtones en détruisant leur habitat et bafouant leurs droits fondamentaux.
En octobre 2021, une ONG autrichienne dépose plainte à son tour auprès de la CPI pour "crimes contre l'humanité" contre Jair Bolsonaro pour son rôle dans la déforestation et ses impacts attendus sur la vie et la santé humaine à travers le monde.
-
Un patrimoine immobilier qui interroge
Enfin, le patrimoine immobilier de l'ex-président est également dans le viseur de la justice. Entre 1990 et 2022, Jair Bolsonaro, sa mère, ses frères, ses sœurs et ses fils ont négocié l'achat de 107 propriétés foncières.
En août 2022, les finances de la famille Bolsonaro ont été révélées au grand jour par le site d'informations UOL, indiquant que 51 de ces propriétés avait été payée totalement ou partiellement en espèces, pour un total de près de 4,8 millions d'euros. D'après les conclusions du média UOL, les procureurs de Rio de Janeiro examinent si 25 d'entre elles ont été achetées avec de l'argent prélevé sur les salaires du personnel.
Interrogé sur ces nouvelles révélations, l'ancien président s'est montré étonné : "Quel est le problème avec l'achat en liquide d'un bien immobilier, je ne sais pas ce qui est écrit dans l'article... Quel est le problème ? (...) Qu'est-ce que j'ai à voir avec leurs affaires ? ", a-t-il poursuivi à propos de ses enfants et des membres de sa famille qui vivent à Vale do Ribeira (São Paulo).
Privé de son immunité présidentielle depuis le 1er janvier, Jair Bolsonaro peut désormais faire l’objet de poursuites devant les tribunaux de première instance et non plus le seul Tribunal suprême. Même si les procédures pourraient prendre des années, les analystes considèrent que le risque d'emprisonnement est bien réel.
L'avenir judiciaire de l’ancien président appartient en grande partie aux décisions du juge du Tribunal suprême, Alexandre de Moraes, principal rapporteur des enquêtes le visant . Mais aussi des calculs politiques de Lula, lui-même condamné pour corruption par le Tribunal suprême et emprisonné en 2018 et 2019.
En septembre 2023, Lula pourra nommer un nouveau procureur général, habilité à inculper Jair Bolsonaro si ses dossiers restent aux mains du Tribunal suprême, en remplacement de l'actuel procureur Augusto Aras, soupçonné de protéger Bolsonaro et actuellement suspendu par le juge Alexandre de Moraes.