Dans la ville de Bulanik, un commerçant a tiré sur des manifestants qui dénonçaient la dissolution du DTP, le principal parti pro-kurde, prononcée vendredi par la Cour constitutionnelle. Deux personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées.
AFP - Deux manifestants kurdes ont été tués par un commerçant en colère mardi dans le sud-est de la Turquie, illustrant la tension de ces dernières semaines autour de la question kurde, attisée par la dissolution du principal parti pro-kurde.
L'homme, armé d'un fusil d'assaut, a tiré sur un groupe de plusieurs dizaines de manifestants qui s'en prenaient aux commerces dans la ville de Bulanik, a déclaré Ali Edip Budan, le gouverneur-adjoint de la province de Mus, dont dépend administrativement cette localité d'environ 40.000 habitants.
Le tireur a été arrêté, a précisé le responsable à l'agence Anatolie.
La foule était rassemblée sur la principale artère de la ville pour protester contre l'interdiction prononcée vendredi par la Cour constitutionnelle du parti pro-kurde DTP (Parti pour une société démocratique).
Les manifestants ont saccagé des magasins, dont celui du tireur, et une banque de la ville, où la tension est restée vive pendant des heures.
Sept manifestants ont été blessés.
Les gendarmes contrôlaient les entrées à la ville, a constaté mardi après midi un correspondant de l'AFP.
Selon M. Budan, les protestataires ont attaqué les commerces qui n'avaient pas fermé, mesure traditionnellement utilisée pour appuyer la cause kurde et protester contre l'Etat turc dans le sud-est de la Turquie, peuplé majoritairement de Kurdes.
Le DTP a été interdit pour ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation armée considérée comme terroriste par Ankara et par de nombreux pays, et qui lutte depuis 25 ans contre les forces d'Ankara.
Les autorités locales à Bulanik ont exclu une attaque à caractère ethnique, c'est-à-dire entre Kurdes et Turcs. Lundi, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait appelé à l'unité nationale après une confrontation entre manifestants kurdes et habitants (turcs) d'un quartier d'Istanbul.
Mais depuis plusieurs semaines, la tension reste élevée en Turquie, avec des émeutes de jeunes Kurdes dénonçant dans un premier temps les conditions carcérales du chef-fondateur du PKK, Abdullah Öcalan, emprisonné à vie, puis la dissolution du DTP.
Des dizaines d'arrestations ont eu lieu.
Les 19 députés restants du DTP (sur 550) --deux ayant été bannis de la vie politique aux termes du verdict de la Cour constitutionnelle-- doivent démissionner collectivement mercredi, du Parlement à Ankara.
Mais, pour être effectif, leur démarche nécessite l'accord du Parlement.
Cette procédure ne devrait pas aboutir, car elle devrait être empêchée par le Parti de la justice et du développement (AKP), majoritaire au Parlement, qui estime qu'une démission des députés DTP compromettrait le projet d'"ouverture démocratique" lancé par le gouvernement islamo-conservateur pour répondre aux aspirations des Kurdes et tenter de mettre fin à la rébellion du PKK.
Ces mesures annoncées en octobre concernent surtout des revendications linguistiques.
Elles ont mécontenté presque tout le monde, jugées trop timides par les partisans d'une solution politique, et dénoncées par l'opposition qui y voit une remise en cause de l'unité de l'Etat.
Une embuscade du PKK qui a coûté la vie à 7 soldats lundi dans le nord du pays a achevé de mettre le gouvernement dans une situation difficile.
Et selon un sondage publié mardi, 70% des Turcs sont opposés aux réformes en faveur des 12 millions de Kurdes de Turquie (sur 71 millions d'habitants).