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Combattante, musicien, réfugié politique : les trois victimes kurdes de l’attaque à Paris

Trois personnes ont été tuées, vendredi, lors d’une attaque raciste perpétrée devant un centre culturel kurde du 10e arrondissement de Paris. France 24 fait le portrait de ces trois victimes, qui étaient toutes des membres investis dans la communauté kurde.

Une attaque contre un centre culturel kurde rue d’Enghien, dans le 10e arrondissement de Paris, a fait trois morts et trois blessés, vendredi 23 décembre. Le suspect, Willam M., 69 ans, est français, conducteur de train à la retraite. En garde-à-vue, il a justifié son acte en revendiquant son caractère "raciste".

Transféré en psychiatrie, sa garde à vue a été levée. Il a justifié son acte en revendiquant son caractère "raciste" et a reconnu ressentir une "haine des étrangers devenue complètement pathologique". Le suspect s'est décrit comme "dépressif" et "suicidaire", selon le Monde. Il a également précisé qu’il avait "toujours eu envie d’assassiner des migrants, des étrangers", "avant de [s]e suicider", depuis un cambriolage subi en 2016, qui selon lui a été le déclencheur de sa haine raciste.

Les trois victimes, toutes Kurdes, étaient des membres investis dans leur communauté. Un rassemblement a été organisé samedi à Paris pour leur rendre hommage. France 24 dresse leur portrait. 

Ce soir au centre kurde Ahmet Kaya, les bougies étaient allumées en hommage aux 3 martyrs.

Beaucoup de tristesse mais aussi de rage d’avoir vu la manifestation finalement interdite.

« Jin Jiyan Azadî » sur les fleurs déposées pour Emine Kara (Evîn, « amour » en kurde. pic.twitter.com/lQQ1INgHDI

— Serhildan (@reseauserhildan) December 24, 2022
  • Emine Kara, une ancienne combattante contre l’Organisation État Islamique

Aussi connue sous le nom d'Evîn ("amour", en kurde) Goyî, cette femme, poursuivie en Turquie pour ses activités politiques, avait combattu l’Organisation État Islamique (EI) dans le nord et l’est de la Syrie, selon le Conseil démocratique kurde de France (CDK-F). Elle avait notamment participé à la reconquête de Raqqa, et combattu à Kobané (Kurdistan syrien). Son combat a duré trente ans, et l'a conduite dans les quatre parties du Kurdistan, en Turquie, en Irak, en Syrie et en Iran. 

Après avoir vécu dans un camp de réfugiés dans le nord de l’Irak, la militante était arrivée, selon son oncle cité par Libération, en France pour soigner ses blessures de guerre. Elle avait déposé une demande d’asile auprès de l’OFPRA, qui avait été rejetée, selon le CDK-F. Elle comptait faire appel. 

Depuis son arrivée en France, Emine Kara s’était investie dans le mouvement des femmes kurdes en France, dont elle était la responsable nationale. Elle travaillait ces derniers mois à soutenir le mouvement en Iran, auquel de nombreux Kurdes participent. Une manifestante interviewée par Libération lui impute notamment l’origine du slogan "Femme, vie, liberté", scandé par les manifestants iraniens et assure qu’elle ne se trouvait en France que depuis "un an". 

Ce slogan est en effet employé depuis plusieurs années par la branche féminine du Parti de la paix et de la démocratie, une formation liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Dans ce cadre, Emine Kara travaillait à l’organisation d’une manifestation, le 7 janvier prochain, pour réclamer plus de transparence sur les circonstances de l’assassinat, le 9 janvier 2013, de trois militantes kurdes tuées par balles dans le 10e arrondissement de Paris.

Selon les déclarations d’Agit Polat, porte-parole du CDK-F à franceinfo, la militante "avait une certaine responsabilité plus large à l'échelle du mouvement des femmes kurdes du monde entier. Dans ce sens, ce n'est pas une cible qui a été prise au hasard pour nous."

One of the murdered Kurds in #Paris is Emine Kara, nom de guerre Evin Goyi, one leading figure of the Kurdish women's liberation movement. One of those who created the notion of #JinJiyanAzadi with their struggle for freedom under the most difficult circumstances. #JeSuisKurde pic.twitter.com/kbeIefjIIb

— deftera reş (@DefteraRes) December 23, 2022
  • Miran Perwer, chanteur et auteur-compositeur 

Ce jeune homme était un chanteur et auteur-compositeur kurde célèbre au sein de sa communauté, originaire de Muş-Varto au Bakur (Kurdistan du Nord). Miran Perwer bénéficiait du statut de réfugié politique en France, après avoir été "poursuivi en Turquie pour son art", selon le CDK-F, et pour ses "activités politiques", et "notamment" son soutien au HDP, selon La Dépêche. 

Selon les informations du Monde, il avait passé deux ans en prison en Turquie et avait quitté le pays pour la France en laissant derrière lui sa femme et ses deux enfants. 

Le porte-parole des relations extérieures du Conseil démocratique kurde en France a ajouté que Miran Perwer "a été tué alors qu'il était en train de manger dans le restaurant en face du centre démocratique kurde", selon le Figaro

  • Abdulrahman Kizil, "membre actif" de la communauté

Citoyen kurde originaire du Kurdistan du Nord (Bakur) selon le site d’information kurde Serhildan, et âgé d’une soixantaine d’années, Abdulrahman Kizil bénéficiait du statut de réfugié politique en France.

Il venait quotidiennement au centre culturel kurde de la rue d’Enghien, dont il était un "membre actif", arrivant souvent tôt le matin et restant "jusqu’au soir", selon Berivan Firat, l’une des porte-paroles du CDK-F. 

"Il était de toutes les actions. Cet homme a voué sa vie à la lutte kurde", a-t-elle ajouté. Selon Serhildan, il était très apprécié dans sa communauté. 

Abdurahman Kizil était aussi réfugié depuis le Kurdistan du Nord (Bakur). Il venait tous les jours au centre kurde pour participer aux activités et y retrouver sa communauté. Il était connu et aimé de beaucoup. pic.twitter.com/fFWqJdV9fm

— Serhildan (@reseauserhildan) December 24, 2022

Trois autres personnes ont été blessées dans l’attaque. Leurs jours ne sont pas en danger.