Le gouvernement péruvien a déclaré, mercredi, l'état d'urgence sur tout le territoire, alors que des manifestations font rage à travers le pays après la destitution du président Pedro Castillo, la semaine dernière. Le pouvoir veut une réponse "d'autorité" face aux violences ayant fait déjà sept morts et plus de 200 blessés et propose d'avancer une nouvelle fois les élections générales, cette fois à décembre 2023.
Une réponse "d'autorité". Empêtré dans une crise politique, le gouvernement du Pérou a décrété, mercredi 14 décembre, l'état d'urgence dans tout le pays pour 30 jours afin d'essayer d'enrayer les troubles qui ne faiblissent pas et ont fait sept morts depuis dimanche, a annoncé le ministre de la Défense.
Sur le plan judiciaire, le président destitué Pedro Castillo, qui espérait sortir mercredi de prison, reste incarcéré.
"L'état d'urgence est décrété dans tout le pays pour trente jours (...) Il faut une réponse énergique avec autorité" face aux violences, a affirmé le ministre de la Défense Alberto Otarola, soulignant que la mesure comprend "la suspension de la liberté de circuler et de réunion" avec "possibilité de couvre-feu".
"La police avec le soutien des forces armées aura le contrôle de tout le territoire", a-t-il précisé, l'état d'urgence permettant notamment à l'armée d'intervenir dans le maintien de l'ordre. Le gouvernement avait déjà décrété l'état d'urgence lundi dans plusieurs provinces, puis l'avait étendu mardi.
Les élections avancées à décembre 2023 ?
Débordé par les manifestations qui se poursuivent, le pouvoir tente de sortir de la crise soufflant le chaud et le froid.
Parallèlement, la présidente Dina Boluarte, qui était la vice-présidente de Pedro Castillo jusqu'à sa tentative ratée de dissolution du Parlement, a annoncé vouloir à nouveau avancer le calendrier électoral.
Elle a affirmé que le gouvernement, le parlement et l'organisme électoral faisaient des "ajustements" afin "d'avancer les élections à décembre 2023", précisant qu'"avant cette date, ça ne marche pas légalement. Il faut que nous restions dans le cadre légal".
Dina Boluarte, qui cristallise sur sa personne une partie du mécontentement, s'était déjà engagée dimanche à les avancer de 2026 à avril 2024, sans pour autant enrayer les protestations. Elle est elle même concernée par la mesure : son mandat court théoriquement jusqu'en 2026, Pedro Castillo ayant été élu en 2021 pour cinq ans.
Des touristes bloqués sur le site du Machu Picchu
Outre la libération de Pedro Castillo, les manifestants exigent la démission de la présidente, issue du même parti radical de gauche que lui, et la dissolution du Parlement.
Le mobilisation restait forte mercredi avec de nombreuses routes bloquées, selon les images des télévisions locales. La police avait mardi soir comptabilisé des rassemblements dans 14 des 24 régions du pays. La partie sud du pays et celle au nord restent les zones les plus touchées par les manifestations.
Le train reliant Cuzco et la citadelle inca du Machu Picchu, le joyau touristique du Pérou, est suspendu depuis mardi en raison de la situation, a annoncé l'opérateur Peru Rail. Selon la municipalité de Machu Picchu, quelque 779 touristes de différentes nationalités sont bloqués depuis mardi. "Je veux juste me rendre en toute sécurité dans un autre pays mais PeruRail (l'opérateur du train) me dit qu'il n'y pas de train. Je suis avec des enfants, pour moi c'est un problème", a déclaré Gale Dut, une touriste israélienne.
L'aéroport de Juliaca a été fermé mercredi "par précaution".
À Lima, à l'image des derniers jours, des échauffourées ont eu lieu mardi en soirée entre policiers et manifestants près du Parlement.
"Seul le peuple sauve le peuple"
L'ancien président restera en prison dans sa caserne située à l'est de la capitale. Le juge Juan Checkley, qui devait statuer mercredi sur une demande de détention préventive de 18 mois déposée par le parquet pendant la nuit, a accordé un délai à la défense qui a assuré ne pas avoir tous les documents nécessaires. Mais il a maintenu le président en détention pour 48 heures supplémentaires.
La Cour suprême avait ordonné le 7 décembre la détention provisoire de Pedro Castillo pour sept jours. Il devait en théorie sortir mercredi en début d'après-midi.
L'ex-président, qui avait juré "je ne renoncerai jamais" la veille lors d'une précédente audience, avait appelé ses partisans à l'accueillir à sa sortie de prison.
"Ça suffit ! L'outrage, l'humiliation et les mauvais traitements se poursuivent. Aujourd'hui, il me privent à nouveau de liberté pour 18 mois. Je demande à la CIDH (Commission interaméricaine des droits de l'Homme) d'intercéder pour mes droits et ceux de mes frères et sœurs péruviens qui demandent justice", a-t-il écrit sur son compte Twitter officiel.
En nombre de los miles de hermanos peruanos que se han volcado a las calles y pernoctan allí, en nombre de los niños, jóvenes, amas de casa, campesinos, comunidades campesinas, frentes de defensa, comerciantes, transportistas, ambulantes, pescadores artesanales, mineros... (1/7) pic.twitter.com/iI3CsOi5vE
— Pedro Castillo Terrones (@PedroCastilloTe) December 14, 2022"Je vous tiens, juges et procureurs, responsables de ce qui se passe dans le pays. Seul le peuple sauve le peuple," conclut-il.
Devant la caserne où il est détenu à Até, une centaine de personnes scandaient des slogans en sa faveur.
"Nous resterons ici jusqu'à ce que notre président sorte et retourne à son fauteuil présidentiel au Palais", promet Roxana Figueroa, 59 ans, assistante sociale.
Le 7 décembre, Pedro Castillo, 53 ans, avait ordonné la dissolution du parlement qui avait peu après voté, à une large majorité, sa destitution pour "incapacité morale". Il avait tenté de trouver refuge dans l'ambassade du Mexique avant d'être arrêté.
Avec AFP