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Mexique : reportage à Tijuana, où deux journalistes ont été assassinés en moins d'une semaine

Le Mexique demeure l'un des pays les plus dangereux pour l'exercice du journalisme. Le 2 novembre, date retenue pour alerter sur l’impunité des crimes commis contre les journalistes, Reporters sans Frontières rappelle que 68 journalistes ont été tués au Mexique depuis 2016 pour des motifs directement liés à leur métier. À Tijuana, deux journalistes ont été assassinés en six jours début 2022.

À la frontière entre les États-Unis et le Mexique, la ville de Tijuana a commencé l’année 2022 dans le sang. À six jours d'intervalle, deux journalistes, Margarito Martínez et Lourdes Maldonado, ont été assassinés. Deux meurtres qui illustrent les dangers auxquels les journalistes mexicains sont confrontés dans l'exercice de leur métier. 

Dès 2019, la journaliste Lourdes Maldonado était allée implorer l’aide du président mexicain alors qu’elle se sentait menacée par un sénateur du parti au pouvoir. "Je viens vous demander du soutien et de l’aide, parce que je crains pour ma vie, avait-elle ainsi déclaré. Il s’agit d’une personne influente en politique, il s’agit d’un sénateur de votre parti, et de votre candidat au poste de gouverneur de Basse-Californie, Jaime Bonilla."

Deux ans plus tard, le 23 janvier 2022, Lourdes Maldonado était tuée par balles devant chez elle.

Margarito Martínez craignait le crime organisé. Il se consacrait à la couverture des meurtres, quotidiens dans les rues de Tijuana. Lui aussi a été tué par balles devant chez lui. L’enquête en cours identifie le leader d’un groupe criminel local comme instigateur. 

Pays le plus meurtrier au monde pour les journalistes

Ces deux meurtres ont fait couler beaucoup d’encre, non seulement parce qu’ils ont eu lieu coup sur coup, mais aussi parce que, fait rare dans les cas d’assassinats de journalistes, les enquêtes ont avancé.

"Il n’y aura pas d’impunité, ni dans le cas de Margarito, ni dans le cas de Lourdes, a affirmé Ricardo Iván Carpio, procureur général de Basse-Californie. Plusieurs auteurs matériels [exécutants] ont été présentés devant la justice, et nous sommes sur la piste des auteurs intellectuels [instigateurs]."

Le Mexique reste le pays le plus meurtrier du monde pour les journalistes, loin devant des pays en guerre comme l’Ukraine. Seize assassinats y ont été recensés en 2022, plus d'un tiers des journalistes assassinés dans le monde cette année.

Mais le président mexicain souffle sur les braises en discréditant constamment la presse. "Si vous suivez le comportement des médias, a allégué Andrés Manuel López Obrador, le 31 octobre 2019, vous vous rendrez compte qu'ils n’agissent pas en tant que représentants des citoyens, mais en tant que représentants de certains intérêts !".

Pris dans les tirs croisés entre le monde politique et le crime organisé, qui travaillent parfois main dans la main, les appels à l’aide des journalistes ne semblent donc pas entendus : 2022 est l’année la plus meurtrière jamais enregistrée pour la profession au Mexique.

Le 27 octobre, la Société des journalistes de Radio France Internationale (RFI) dénonçait les menaces visant sa correspondante Emmanuelle Steels, établie de longue date dans le pays.