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Le satellite Hélios 2B, dont la mise sur orbite a été repoussée pour raisons techniques ce mercredi, est au cœur du projet Musis, un programme de renseignement militaire commun à plusieurs pays européens.

Bien plus que la mise en orbite d'un énième satellite autour de la Terre, le lancement d'Helios 2B, initialement prévu ce mercredi puis repoussé pour raisons techniques, est considéré comme une évolution importante du dispositif de renseignement européen. Ce satellite militaire se trouve en effet au cœur du programme international "Musis" [pour "Multinational space-based imaging system"] auquel participent l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie et la Grèce. Objectif ? Remplacer, d’ici à 2015, l’ensemble des composantes militaires ou duales en cours de réalisation dans ces différents pays, tels les systèmes français Hélios et Pléiades, allemand SAR-Lupe et italien Cosmo SkyMed.

"Les systèmes européens actuels regrouperont, à terme, 13 satellites. Mais il n’existe entre eux aucun moyen unique de programmation, souligne Nicolas Hué, directeur de programme à l’unité de management Esio [Espace et systèmes d'information opérationnels] à la Direction générale des armées. Avec Musis, l’opérateur pourra, au travers d’une même station, programmer le satellite le plus adapté à telle ou telle mission, par exemple celui qui permettra de prendre l’image le plus rapidement."

Côté technologies, le radar spatial et les systèmes optiques seront réalisés par la France, tout en étant ouverts à la coopération. Le satellite Helios 2B, qui pèse 4 200 kilos et dont le développement a coûté 1,8 milliard d’euros, possède une résolution d’image de un à deux mètres, autrement dit assez précise pour distinguer des individus au sol. Outil à usage militaire, il a reçu pour mission de seconder le satellite Helios 2A, en activité depuis 2008. Il sera contrôlé à partir du Centre principal Hélios français (CPHF), basé à Creil, une ville située à une trentaine de kilomètres au nord de Paris.

À partir des demandes de ses partenaires, le CPHF élaborera la programmation journalière du satellite, en tenant compte des priorités de chaque pays, des règles de partage de la programmation et des capacités du système.

Ne pas être dépendant de l’intelligence américaine

Face au concept de domination spatiale des États-Unis, le renforcement des moyens d’observation européens est primordial pour assurer la défense du Vieux Continent, explique l’Assemblée européenne de sécurité et de défense. Ces moyens permettront en effet de vérifier l'application des accords de désarmement, d’aider à la prévention des conflits et d'étudier et de gérer les crises. En clair : ils donneront aux gouvernements européens une pleine autonomie de jugement et de décision.

Le projet Musis est donc d’autant plus important qu’il permet aux Européens de s'affranchir de la domination spatiale américaine et leur évite tout risque de désinformation, voire d'intoxication, par Washington. Une mission que le satellite Helios 1 avait déjà remplie en septembre 1996 : à l'époque, celui-ci avait permis de contredire Washington, qui avait  justifié l’extension de la zone d’exclusion aérienne sur l'Irak et le lancement de 44 missiles de croisière sur une quinzaine de cibles dans le sud du pays par l’existence d’une forte menace de la Garde républicaine de Saddam Hussein. Helios 1 n'avait alors observé le mouvement que d'une trentaine de chars irakiens, au lieu des 300 annoncés par les Américains...