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Face aux sanctions, l'économie russe fait de la résistance... en apparence
Audio 06:10

Alors qu'à Moscou Vladimir Poutine affirme que la Russie résiste bien aux sanctions occidentales et que certains chiffre semblent lui donner raison, la réalité est plus nuancée. L'économie du pays donne de sérieux signes de faiblesse.

Devant les journalistes, Vladimir Poutine se montre serein face à ce qu'il décrit comme le "blitzkrieg" des sanctions contre la Russie. "La tactique de la guerre économique éclair, l'assaut sur lequel [les Occidentaux] comptaient, n'a pas fonctionné – c'est déjà évident pour tout le monde, et pour eux aussi. Nous avons rapidement mis en œuvre des mesures de protection efficaces." 

Pour le président russe, l'économie de son pays va donc bien, merci. De fait, un certain nombre d'indicateurs économiques sont très encourageants. Selon l'agence de statistiques russes Rosstat, le chômage était à un plus bas historique en août : 3,9 % seulement. Le FMI a revu ses prévisions de croissance à la hausse, et corrigé les 8,5 % de contraction du PIB qu'il annonçait en avril en 6 % seulement. Enfin, le rouble est au plus haut depuis le début de la guerre en Ukraine. 

Des chiffres en trompe-l'œil 

Mais il faut lire tous ces chiffres avec prudence. Si le chômage est si bas, c'est que les entreprises russes ne licencient pas, mais certaines ont tout simplement cessé de payer leurs employés. Pour la croissance, elle était annoncée à +3,5 % au début de l'année, avant l'invasion de l'Ukraine. 

"On peut dire aujourd'hui que [la Russie] est en récession, et une récession inflationniste. Au moment de l'invasion, il y a eu un pic inflationniste qui a laissé des traces", explique Julien Vercueil, professeur d'économie à l'Inalco, auteur de "Économie politique de la Russie". En 2022, l'inflation devrait s'établir à 15 %, avec des pointes à +40 % pour des produits comme les pâtes ou le riz, et un record à +60 % pour le sucre. 

Un rouble reboosté par les tarifs élevés du pétrole et du gaz

Quant au rouble, il remonte spectaculairement depuis le mois de mars, quand il a chuté à son plus bas niveau. En juin, la devise russe a même atteint un record de presque sept ans face au dollar. Depuis le début de l’année, elle a gagné presque 40 % face à l’euro. Mais là encore, il faut démystifier ces chiffres.

La cause en revient à la crise de l'énergie. "Il y a deux paramètres qu'il faut regarder", explique Julien Vercueil : "Les quantités que la Russie exporte et les prix auxquels elle exporte ces quantités. Les quantités ont baissé mais les prix ont augmenté. Ce qui fait que le volume global de recettes s'est maintenu. Et c'est ce maintien qui explique en partie le fait que le rouble ait pu se redresser après avoir plongé de plus de moitié au début de la guerre."

Départ des multinationales et fuite des cerveaux

Avec la guerre en Ukraine et les sanctions, environ un millier de multinationales – représentant 40 % du PIB – ont quitté le territoire russe. Les secteurs aéronautique et automobile sont paralysés par le manque de pièces détachées et sont quasiment à l'arrêt.

Quant aux cerveaux, ils ont eux aussi décidé de traverser les frontières. Certains, pour protester contre l'invasion de l'Ukraine, d'autres pour vendre leurs talents et leurs compétences à l'étranger, où les sanctions ne paralysent pas leur domaine d'activité. Ils seraient déjà plus de 200 000 à avoir déserté le pays.