Téhéran a démenti lundi "catégoriquement" tout lien avec l'assaillant qui a poignardé vendredi aux États-Unis, l'intellectuel britannique et américain Salman Rushdie. Hospitalisé dans un état grave après l'attaque, l'auteur des "Versets sataniques" n'est plus sous assistance respiratoire et "la voie du rétablissement a commencé", selon son agent, Andrew Wylie.
L'Iran a démenti, lundi 15 août, "catégoriquement" tout lien avec l'assaillant qui a poignardé Salman Rushdie, auteur du roman "Versets sataniques", lors d'une conférence dans le nord des États-Unis vendredi.
"Nous démentons catégoriquement" tout lien entre l'agresseur et l'Iran, et "personne n'a le droit d'accuser la République islamique d'Iran", a affirmé Nasser Kanani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères dans la première réaction officielle de Téhéran à l'attaque contre l'écrivain britannique.
"Dans cette attaque, seuls Salman Rushdie et ses partisans mériteraient d'être blâmés et même condamnés", a-t-il souligné lors de sa conférence de presse hebdomadaire à Téhéran.
"En insultant les choses sacrées de l'islam et en franchissant les lignes rouges de plus d'un milliard et demi de musulmans et de tous les adeptes des religions divines, Salman Rushdie s'est exposé à la colère et à la rage des gens", a-t-il ajouté.
Le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, avait déclaré dimanche que des médias d'État iraniens "jubilaient" après l'agression de l'intellectuel. "C'est abject", a-t-il observé dans un communiqué.
De son côté, Salman Rushdie va un peu mieux selon ses proches. L'intellectuel britannique et américain de 75 ans n'est plus sous assistance respiratoire et "la voie du rétablissement a commencé", s'est félicité son agent Andrew Wylie dans un communiqué transmis au Washington Post.
"Les blessures sont graves, mais son état évolue dans la bonne direction", a ajouté ce proche de l'écrivain à la renommée mondiale, poignardé une dizaine de fois au cou et à l'abdomen. Un homme de 24 ans, Hadi Matar, s'était précipité sur l'estrade avant que Salman Rushdie ne prenne la parole au centre culturel de Chautauqua.
"Humour intact"
Zafar Rushdie, son fils, a confirmé sur Twitter que son père "avait pu dire quelques mots" et qu'il avait "conservé intact son sens de l'humour". La famille s'est dite "extrêmement soulagée".
A family statement… @SalmanRushdie #SalmanRushdie pic.twitter.com/tMrAkoqliq
— Zafar Rushdie (@ZafRushdie) August 14, 2022Salman Rushdie reste hospitalisé à Érié, en Pennsylvanie, au bord du lac qui sépare les États-Unis du Canada.
Si les nouvelles de dimanche sont rassurantes, l'agent Wylie avait été alarmiste vendredi en parlant de blessures graves au bras et au foie et la perte possible d'un œil.
L'animateur de la conférence, Henry Reese, 73 ans, qui a été légèrement touché au visage, a raconté sur CNN que l'attaque "ressemblait à une sorte de mauvaise blague [qui] n'avait pas l'air réel. Quand il y a eu du sang derrière lui, c'est devenu réel".
Leur agresseur, Hadi Matar, né aux États-Unis, vivant dans le New Jersey et dont les parents sont originaires d'un village du sud du Liban, a été inculpé de "tentative de meurtre et agression".
En tenue rayée noire et blanche de détenu, menotté et masqué, il n'a pas dit un mot samedi soir devant le tribunal de Chautauqua et a plaidé "non coupable" par la voix de son avocat.
Il doit comparaître de nouveau le 19 août.
Une attaque préméditée
Sans donner de mobile, les procureurs ont qualifié l'attaque de préméditée.
L'attentat a provoqué une onde de choc, particulièrement en Occident : le président américain, Joe Biden, a rendu hommage à Salman Rushdie pour son "refus d'être intimidé et réduit au silence".
Vivant à New York depuis vingt ans, naturalisé américain en 2016, Salman Rushdie avait repris une vie publique à peu près normale, tout en continuant de défendre, dans ses livres, la satire et l'irrévérence.
Coïncidence : le magazine allemand Stern l'avait interviewé quelques jours avant l'attaque : "Depuis que je vis aux États Unis, je n'ai plus de problème […]. Ma vie est de nouveau normale", assure l'écrivain, dans cet entretien à paraître le 18 août, en se disant "optimiste" malgré "les menaces de mort quotidiennes".
Salman Rushdie, né en 1947 en Inde dans une famille d'intellectuels musulmans non pratiquants, avait embrasé une partie du monde islamique avec la publication en 1988 des "Versets sataniques", jugés par les musulmans les plus rigoristes comme blasphématoires à l'égard du Coran et du prophète Mahomet, et conduisant l'ayatollah iranien Khomeiny à émettre la fatwa réclamant son assassinat.
La fatwa n'a de fait jamais été levée et beaucoup de ses traducteurs ont subi des attaques.
Avec AFP