Alors que la guerre en Ukraine est entrée dans son sixième mois le 24 juillet dernier, la situation sur le terrain reste disparate entre le sud du pays où les forces ukrainiennes gagnent du terrain, et l'Est, où l'armée russe poursuit sa lente progression dans la région du Donbass.
Les bombardements se poursuivent en Ukraine. Plusieurs localités ont fait l'objet, samedi 30 juillet, de frappes russes, faisant au moins un mort à Mykolaïv, dans le Sud, et détruisant une école à Kharkiv, dans l'Est, selon les autorités ukrainiennes.
Au 157e jour de guerre, les forces russes patinent dans le Donbass, le bassin minier de l'est du pays. Si elles tentent d'avancer près de Siversk et de Bakhmout (villes situées à une cinquantaine de kilomètres de Kramatorsk), "les progrès russes sont très faibles", commente Joseph Henrotin, chercheur à l'Institut de stratégie comparée (ISC) et rédacteur en chef de la revue spécialisée DSI.
"Contrairement aux affirmations des canaux pro-russes, Siversk n'est toujours pas prise, la poussée vers Bakhmout n'aboutit pas, les forces ukrainiennes tiennent face aux offensives", souligne l'expert.
Des conclusions partagées par l'Institut américain d'étude de la guerre (ISW), qui estime qu'"il y a peu de chances que les forces russes parviennent à conquérir Bakhmout malgré de petites avancées en direction de la ville".
Progression lente mais continue
"L’armée russe continue sa progression mais elle est très lente", note pour sa part le général Dominique Trinquand. "Après avoir marqué une pause opérationnelle dans la région du Donbass, elle a repris sa progression, et cherche à encercler par petits morceaux les forces ukrainiennes."
"L'armée russe avance très lentement, probablement par manque de ressources humaines. Elle n’a pas assez de soldats pour progresser vraiment", poursuit-il.
Même constat du côté du ministère britannique de la Défense, qui assure que "le groupe paramilitaire russe Wagner opère dans l'est de l'Ukraine en coordination avec l'armée régulière russe" et s'est vu "confier des secteurs spécifiques sur la ligne de front". Ce nouveau rôle, plus intégré, "signifie probablement que le ministère russe des Armées fait face à une pénurie d'infanterie de combat".
Le gouverneur ukrainien de la région de Louhansk, Serguiï Gaïdaï, a annoncé vendredi que les forces ukrainiennes avaient fait face à six assauts russes dans l'Est. "Les groupes de reconnaissance de l'ennemi tentent de trouver des points faibles dans notre défense (..). Ils attaquent de différents côtés et ont eu recours à l'aviation à plusieurs reprises", a-t-il indiqué sur Telegram.
"Opération d'encerclement" à Kherson
Dans le sud du pays, l'avantage est plutôt aux forces ukrainiennes, qui cherchent à reprendre la ville de Kherson, occupée par les Russes depuis début mars. Ces dernières semaines, Kiev a utilisé des systèmes de missiles à longue portée fournis par l'Occident pour endommager gravement trois ponts sur le Dniepr, isolant la ville de Kherson et, selon les responsables britanniques de la défense, rendant très vulnérable l'armée russe stationnée sur la rive ouest du fleuve.
Le commandement sud de l'Ukraine a fait état dans un communiqué de plus de 100 soldats russes tués et de sept chars détruits lors des combats de vendredi dans la région de Kherson – des chiffres qui n'ont pas pu être confirmés de manière indépendante. Le premier chef adjoint du conseil régional de Kherson, Yuri Sobolevsky, a demandé aux habitants de ne pas s'approcher des dépôts de munitions russes. "L'armée ukrainienne se déchaîne sur les Russes et ce n'est que le début", a-t-il écrit sur l'application Telegram.
"Les Ukrainiens tentent une opération d’encerclement des forces russes situées à l’ouest du Dniepr, précise Dominique Trinquand, en particulier en atteignant les ponts du fleuve Dniepr, et en attaquant progressivement les villages de la région. (...) Le ravitaillement ne pourra plus arriver à Kherson ou arrivera mais de façon sporadique, et donc les troupes russes vont se trouver isolées", poursuit le général.
"Une défaite de la Russie est exclue"
Les livraisons récentes d'armes par les Occidentaux ont changé la donne. Pour Dominique Trinquand, "la clé [de l'avancée ukrainienne, NDLR] a été les lance-roquettes Himars [High Mobility Artillery Rocket System, NDLR] qui ont permis de frapper les ponts ou la logistique russe. (...) Il fallait des engins qui allaient tirer loin. C'est le cas des Cesars mais encore plus des Himars", note l'expert.
"L'Ukraine pense pouvoir remporter la victoire d'ici septembre, mais je pense que cela pourrait être plus difficile qu'il n'y paraît", nuance Samuel Ramani, expert en questions géopolitiques au think tank britannique spécialisé dans la défense et la sécurité, "Royal United Services Institute", sur l'antenne de France 24.
"Il est important de garder à l'esprit que, même si l'Ukraine dispose de Himars et d'autres systèmes de roquettes à lancement multiple, les Russes ont un avantage de 6 à 8 contre 1 en artillerie, ce qui pourrait finalement s'avérer décisif pour empêcher, ou au moins ralentir le rythme, de la contre-offensive ukrainienne", souligne-t-il.
Le général français note aussi, de son côté, une nouvelle stratégie ukrainienne, reposant sur "la concentration des efforts dans la zone où on veut obtenir un effet", qui a elle aussi fait ses preuves.
Mais si l'avancée ukrainienne est notable, le général prévient : "Une défaite de la Russie est cependant exclue. Tant que la Russie n’aura pas atteint ses objectifs, elle ne voudra pas discuter."
"Aujourd’hui, on est toujours dans un rapport de force et quand le temps viendra, il faudra naturellement négocier. Mais pour les Ukrainiens, négocier alors qu’une partie de leur territoire est occupé sera extrêmement difficile. On pourra peut-être négocier un cessez-le-feu, mais obtenir plus qu'un cessez-le-feu dans les mois qui viennent me paraît difficile", conclut-il.
Avec AFP et Reuters