Quatre prisonniers accusés "d'acte de terreur brutaux et inhumains" ont été mis à mort, lundi, par la junte birmane, selon le Global New Light of Myanmar. L'armée au pouvoir renoue avec la peine de mort qui n'avait plus été pratiquée depuis des décennies dans le pays.
Des mises à mort risquent d'accentuer l'isolement international des militaires birmans. La junte a procédé à l'exécution de quatre prisonniers, dont un ancien député du parti de l'ancienne dirigeante civile Aung San Suu Kyi, a indiqué, lundi 25 juillet, un média d'État, alors que la peine de mort n'avait plus été pratiquée depuis plus de trois décennies.
Les condamnés avaient été accusés "d'acte de terreur brutaux et inhumains", selon le Global New Light of Myanmar. D'après le journal officiel, les exécutions ont suivi "les procédures de la prison", sans préciser ni comment ni quand elles ont été réalisées.
Ces quatre exécutions sont "un acte scandaleux" qui "créera des ondes de choc politiques, maintenant et pour longtemps", a réagi sur Twitter Richard Horsey, expert de la Birmanie auprès de l'International Crisis Group (ICG). Se disant "indigné et dévasté", Tom Andrews, le rapporteur spécial sur la situation des droits de l'Homme en Birmanie, a appelé la communauté internationale à réagir à ces "actes dépravés".
Depuis le coup d'État militaire du 1er février 2021, la Birmanie a condamné à la peine de mort des dizaines d'opposants à la junte.
La communauté internationale condamne ces exécutions
La haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme a condamné l'exécution. "Je suis consternée qu'en dépit des appels lancés dans le monde entier, les militaires aient procédé à ces exécutions sans aucun égard pour les droits humains. Cette mesure cruelle et régressive s'inscrit dans le prolongement de la campagne de répression que les militaires mènent actuellement contre leur propre peuple", a affirmé Michelle Bachelet dans un communiqué.
Pour le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, ces exécutions "marquent une nouvelle détérioration de la situation des droits humains, déjà désastreuse dans ce pays".
La France a elle aussi condamné "fermement" les exécutions de "quatre prisonniers politiques" en Birmanie qui constituent une "nouvelle étape dans l'escalade des atrocités commises par la junte birmane depuis le coup d'État", a déclaré lors d'un point-presse la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
L'Union européenne "condamne fermement" les exécutions "pour des motifs politiques" des quatre prisonniers, a de son côté réagi le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, dans un communiqué.
"Ces exécutions pour des motifs politiques représentent une nouvelle étape vers le démantèlement complet de l'État de droit et une nouvelle violation flagrante des droits humains en Birmanie", indique le communiqué, qui rappelle l'opposition de l'UE à la peine de mort, une "punition inhumaine, cruelle et irréversible".
Quant au chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, il a catégoriquement condamné des exécutions visant selon lui à "anéantir la démocratie", se disant convaincu qu'elles ne décourageraient pas les partisans de la démocratie en Birmanie.
Un ancien député pro-démocratie et un célèbre opposant
Phyo Zeya Thaw, un ancien député du parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie, a été arrêté en novembre et condamné à la peine de mort en janvier pour avoir enfreint la loi antiterroriste. Ce pionnier du hip-hop en Birmanie, dont les paroles critiquaient déjà l'armée au début des années 2000, avait connu la prison en 2008 pour appartenance à une organisation illégale et possession de devises étrangères.
La junte l'accusait d'avoir orchestré plusieurs attaques contre le régime, notamment une attaque contre un train dans laquelle cinq policiers avaient été tués en août dernier à Rangoun.
Kyaw Min Yu, 53 ans, dit "Jimmy", était un écrivain et opposant de longue date à l'armée, célèbre pour son rôle dans le soulèvement étudiant de 1988 contre la junte militaire de l'époque. Il avait été arrêté en octobre et condamné en janvier.
Deux autres prisonniers exécutés sont, eux, accusés d'avoir tué une femme qu'ils soupçonnaient d'être une informatrice de la junte.
Dernière exécution capitale en 1988
La junte avait fait savoir, le mois dernier, qu'elle entendait mener à bien ces exécutions, s'attirant une pluie de condamnations internationales.
La dernière exécution capitale en Birmanie remontait à 1988, selon un rapport d'experts des Nations unies de juin dernier, qui dénombrait 114 condamnations à mort depuis le coup d'État.
Ces experts avaient souligné que la loi martiale accordait aux militaires la possibilité de prononcer la peine de mort pour 23 "infractions vagues et à la définition large", et en pratique pour toute critique contre le pouvoir.
Ils avaient averti que les exécutions pourraient s'accélérer faute de réaction de la communauté internationale.
L'armée au pouvoir poursuit une répression sanglante contre ses opposants avec plus de 2 000 civils tués et plus de 15 000 arrêtés depuis le coup d'État, selon une ONG locale.
Avec AFP