Les négociateurs de 196 pays sont réunis jusqu’au 20 mai dans la capitale ivoirienne pour la COP 15. Cette conférence onusienne consacrée à la désertification doit fixer des objectifs ambitieux en matière de lutte contre la dégradation des terres, un fléau qui touche en premier lieu le continent africain.
Elle est moins connue que ses grandes sœurs dédiées au climat et à la biodiversité, mais elle n’en est pas moins déterminante à l'heure où l'ONU estime que 40 % des terres sont dégradées dans le monde. La 15e Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), se tient à Abidjan, en Côte d’Ivoire, jusqu’au 20 mai.
C’est la première fois qu’un pays africain accueille cette conférence, un symbole fort pour le continent, en première ligne face à ce désastre écologique. Interrogé par RFI, le ministre ivoirien de l’Environnement, Jean-Luc Assi, rappelle que “319 millions d’hectares en Afrique sont menacés de désertification”.
Loin de se résumer à l’avancée du désert, la désertification est un processus complexe lié au réchauffement climatique et aux activités humaines. “C’est un phénomène difficile à mesurer de façon précise et dans lequel intervient les variations climatiques et les causes anthropiques liées à l’usage des sols, principalement l’agriculture et l’élevage”, détaille Agnès Bégué, chercheuse au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
Épuisement des ressources en eau, dégradation des terres, déforestation, l’agriculture intensive est, en effet, souvent pointée du doigt pour son rôle dans l’accélération de la désertification. À ce titre, la Côte d’Ivoire, et sa culture du cacao, est concernée au premier chef : depuis 1900, sa surface forestière a diminué de 80 %, passant de 16 millions d'hectares à 2,9 millions en 2021.
"Au rythme actuel, notre forêt pourrait disparaître entièrement à l'horizon 2050", a averti le chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, en ouverture de la conférence à laquelle 5 000 acteurs de la société civile, entrepreneurs ou encore scientifiques doivent participer.
Soigner la terre et les hommes
Pour les pays africains, les conséquences de la désertification et de la dégradation des sols sont aussi nombreuses que désastreuses : tempêtes de sable, sécheresse, insécurité alimentaire, migration, pauvreté…
Dans une note sur les coûts et les conséquences socio-économiques de la désertification, la chercheuse Mélanie Requier-Desjardins assure que la pauvreté a même tendance à accroître le processus dans un cercle vicieux alimenté par le "manque de capital et d’opportunités économiques" qui conduisent les populations pauvres à "surexploiter leurs ressources limitées pour satisfaire des besoins pressants".
Cette nouvelle COP devrait donc réaffirmer la nécessité de réorienter l’agriculture vers des pratiques plus durables en impliquant les populations rurales vivant dans les zones arides. Car, si l’agriculture est en partie la cause du problème, elle peut aussi être source de solutions “à condition d’adopter des principes agroécologiques” soulignent, dans un communiqué, les scientifiques du Cirad présents à Abidjan.
“C’est de la gestion territoriale qui consiste à essayer de trouver le meilleur compromis entre préserver la végétation naturelle et fournir de l’alimentation pour tous”, résume la chercheuse Agnès Bégué.
Selon un rapport publié en amont de la COP 15, la communauté internationale mise sur la restauration d'un milliard d'hectares de terres dégradées d'ici 2030.
La “Grande Muraille verte” en question
De son côté, la Côte d’Ivoire a présenté “l’Initiative d’Abidjan”, un programme sur cinq ans disposant d’un budget de 1,5 milliard de dollars pour restaurer “les écosystèmes forestiers dégradés” et promouvoir “des approches de gestion durable des sols“.
La Banque africaine de développement et l'Union européenne font partie des principaux bailleurs. Il s'agit notamment de restaurer 20 % du couvert forestier ivoirien d’ici la fin de la décennie.
Cette COP sera également l’occasion de se pencher sur l’avancement de la “Grande Muraille verte”, projet panafricain emblématique de lutte contre la désertification qui doit s’étendre sur 8 000 km, du Sénégal à l’Éthiopie.
Initiée il y a une quinzaine d’années, ce mur de végétation est en réalité plus proche d’une mosaïque de projets agricoles respectueux de l’environnement, destinés à fournir des emplois durables aux populations locales.
Depuis son lancement, le projet aurait permis de restaurer près de 20 millions d’hectares de terres dégradées dans la zone Sahel et de créer 350 000 emplois, assure l’Agence française de développement.
Mais en dépit d’une mobilisation internationale et de nouveaux financements annoncés à l’occasion de la quatrième édition du One Planet Summit en 2021, ce projet pharaonique peine à sortir de terre. Aujourd'hui, l’ONU estime qu'à peine 4 % de l'objectif prévu pour 2030 a été atteint, soit 4 millions d'hectares de terres aménagées sur les 100 millions du programme.
Avec AFP